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Ce qui est vrai, c'est ce qui réussit.
Alain
Il y a des raisons pour tout. Si la guerre vient, on dira qu'on avait donc raison de la préparer ; si la paix suit, on dira que c'est en préparant la guerre qu'on assure la paix.
On supporte moins aisément la passion que la maladie. Il y a toujours du remords et de l'épouvante dans la passion.
Une amitié qui ne peut pas résister aux actes condamnables de l'ami n'est pas une amitié.
Le métier de surveiller rend stupide et ignorant ; cela est sans exception.
Le doute est le sel de l'esprit, sans la pointe de doute, toutes les connaissances sont bientot pourries.
Le spectacle des montagnes donne quelque idée du fait accompli.
Nul ne pense par soi seul. Penser librement, c'est chercher l'accord, et l'accord par liberté.
Le tyran n'aime pas qu'on raisonne ; et c'est qu'il craint en lui-même un raisonneur, qui se tournerait contre lui.
Je ne me suis proposé rien d'autre que de savoir ce que je disais quand je parlais comme tout le monde.
La justice est la puissance établie de la partie raisonnable sur la partie rapace, avide, cupide, voleuse, ce qui conduit à résoudre ces problèmes du tien et du mien comme un arbitre ou par l'arbitre.
On peut se moquer de tout et rire de tout. Je dis d'un rire sain et libre, sans aigreur, sans tristesse, sans la moindre trace de méchanceté.
Quand un homme jure après ses bottes, ou après son bouton de col, ce discours ne vaut pas qu'on l'écoute.
Il vaut mieux ne pas penser que penser hors de soi.
Qui délibère oublie de vouloir.
Ce n'est pas peu de chose que de méditer sur un livre ; cela dépasse de bien loin la conversation la plus étudiée, où l'objet change aussitôt par la réflexion. Le livre ne change point, et ramène toujours. Il faut que la pensée creuse là.
Douter, c'est examiner, c'est démonter et remonter les idées comme des rouages, sans prévention et sans précipitation.
Faire et non subir, tel est le fond de l'agréable.
Si tu veux concevoir la paix, pose d'abord les armes.
Tout peuple qui s'endort en liberté se réveillera en servitude.
Plus on sait, et plus on est capable d'apprendre.
On n'ose guère avouer que l'on voudrait les plaisirs du vice en récompense de la vertu.
Le bonheur n'est pas quelque chose que l'on poursuit, mais quelque chose que l'on a. Hors de cette possession il n'est qu'un mot.
Dans cette salle où tournent les volants et les bobines, des hommes vont passer toute la nuit, l'un rôti par un terrible feu, l'autre menacé à chaque instant par des étincelles, par des courroies, par des engrenages.
Une idée est fausse dès l'instant où l'on s'en contente.
Certes Dieu n'a pas besoin de l'existence ; c'est bien plutôt l'existence qui a besoin de Dieu.
Il n'est pas difficile d'avoir une idée. Le difficile, c'est de les avoir toutes.
Dans culture il y a culte et toute culture est une manière de piété. L'esprit humain se forme à accepter, non à décider si une oeuvre est belle mais à réfléchir sur une oeuvre belle.
Il y a une odeur de réfectoire, que l'on retrouve la même dans tous les réfectoires. Que ce soient des Chartreux qui y mangent, ou des séminaristes, ou des lycéens, ou de tendres jeunes filles, un réfectoire a toujours son odeur de réfectoire.
L'adolescent est l'être qui blâme, qui s'indigne, qui méprise.
Cette épaisseur de matière dans les vers rimés ne peut être égalée. Voilà comment je comprends que les vers réguliers sont les plus beaux, et que, parmi les vers réguliers sont les plus beaux, s'ils sont beaux.
Il faut être heureux et y mettre du sien. Si l'on reste dans la position du spectateur impartial, laissant seulement entrée au bonheur et portes ouvertes, c'est la tristesse qui entrera.
Les importants n'argumentent point : ils se contentent de répéter la même chose, en haussant le ton.
Donner légèrement un fort coup de marteau, c'est déjà un secret assez caché.
C'est presque tout que de savoir lire.
Le comique défait les passions et même les sentiments ; la frivolité les guette à leur naissance et les dissout dans son tourbillon.
L'expérience, c'est-à-dire le simple fait d'être au monde, nous met en présence d'apparences vraies, mais qui peuvent être la source des connaissances les plus fausses.
Une femme est belle à seize ans, mais veut plaire à trente. La voilette est un moyen simple. Tout décor, tout dessin considéré derrière un grillage ou un filet prend du style... La voilette produit le même effet.
Le sage des temps anciens, se sauvant du naufrage et abordant tout nu, disait : "Je porte toute ma fortune avec moi." Ainsi Wagner portait sa musique et Michel-Ange toutes les sublimes figures qu'il pouvait tracer. Le boxeur aussi a ses poings et ses jambes et tout le fruit de ses travaux autrement que l'on a une couronne ou de l'argent.
Il est bien vrai que nous devons penser au bonheur d'autrui ; mais on ne dit pas assez que ce que nous pouvons faire de mieux pour ceux qui nous aiment, c'est encore d'être heureux.
L'homme se forme par la peine ; ses vrais plaisirs, il doit les gagner, il doit les mériter. Il doit donner avant de recevoir. C'est la loi.
Séparer la vérité de l'erreur, c'est l'affaire de ceux qui pensent en société.
Les corsaires étaient de rudes garçons, qui ne différaient pas beaucoup des pirates. C'est au retour, quand ils rapportaient au roi une belle part de leurs prises, c'est au retour que s'établissait la différence.
Exister, c'est dépendre, c'est être battu du flot extérieur.
Si la justice se présentait toujours sous l'apparence du courage, il y aurait plus de justice.
Le Prolétariat tient pour l'Humanité contre les Pouvoirs.
Le bateau est un admirable outil, à la fois poisson et oiseau ; par le bateau, l'homme sent l'eau et le vent sur ses paumes ; mais enfin le bateau n'est pas lui. Il le répare, il l'arme, il le nomme ; mais il l'use et le laisse.
Cette autre vie qu'est cette vie dès qu'on se soucie de son âme.
Dès qu'un enfant comprend quelque chose, il se produit en lui un mouvement admirable. S'il est délivré de la crainte et du respect, vous le voyez se lever, dessiner l'idée à grands gestes, et soudain rire de tout son coeur, comme au plus beau des jeux.
En tout c'est l'opportunisme qui est vil, et le pire de tout est d'adorer l'opportunisme, et d'en faire une doctrine.