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Chacun sait bien que le juste n'attend pas que les autres soient justes. Nous ne sommes chargés que de notre part de justice.
Alain
La bêtise des hommes est de critiquer l'originalité des autres.
Refuser en donnant des raisons, ce n'est point refuser.
Selon l'idéal démocratique, une élite qui n'instruit pas le peuple est plus évidemment injuste qu'un riche qui touche ses loyers et ses coupons.
Les paroles et les actes d'un ministre sont pour le citoyen spectateur comme les roulades d'un ténor.
Espionnage : C'est l'abus de confiance mis au service de la patrie.
Je doute qu'on puisse citer un beau visage où l'on ne lise cette absence de préjugé, ce pardon à toutes choses et à soi, cette jeunesse enfin toujours jeune, qui vient de ce qu'on ne joue aucun personnage.
Une bonne règle est de ne pas faire faire par d'autres ce qu'on aurait honte de faire soi-même.
Plus d'un homme instruit en est à ignorer que le seul moyen de changer d'idée est de changer d'action. Tous les passionnés exorcisent d'abord les pensées par des pensées, et bien vainement. L'ancien exorcisme, par le geste, était le plus sage.
On s'instruit en voyageant. Mais, d'un autre côté, l'on n'apprend jamais que ce que l'on sait déjà.
L'homme isolé est un homme vaincu ; pour avoir voulu être tout à fait libre, il est tout à fait esclave.
Dès qu'un homme cherche le bonheur, il est condamné à ne pas le trouver… on ne peut ni raisonner ni prévoir au sujet du bonheur ; il faut l'avoir maintenant. Quand il paraît être dans l'avenir… c'est que vous l'avez déjà. Espérer c'est être heureux.
Plus l'existence est difficile, mieux on supporte les peines et mieux on jouit des plaisirs.
Le travail de réflexion amaigrit les idées.
Quand un jardinier veut faire un jardin, il commence par arracher les herbes folles, les prunelliers sauvages, les ronces recourbées ; il met les oiseaux en fuite ; il défonce la terre ; il poursuit les racines, il les extirpe, il les jette au feu.
Or, si vous voulez sauter un fossé un peu au delà de ce que vous avez coutume de faire, c'est le premier essai qui est le bon. Pour la prise de lutte aussi ; il faut vaincre au premier effort.
Ce n'est pas communiquer que communiquer seulement ce qui est clair.
Le beau nous somme de penser.
L'action d'écrire me paraît la plus favorable de toutes pour régler nos folles pensées et leur donner consistance.
Quelquefois on a réuni trois généraux pour en juger un ; le résultat était toujours l'absolution majeure.
Comme osera la bouche dire - Ce que le cuer pas penser n'ose ?
Diable : C'est la puissance oblique qui nous récompense de nos lâchetés. Le diable, c'est que la vertu est régulièrement punie. Ainsi va le monde des forces, et l'ironie est le langage du diable.
L'homme s'ennuie du plaisir reçu et préfère de bien loin le plaisir conquis.
L'homme n'est heureux que de vouloir et d'inventer.
Et il faut remarquer qu'une grandeur redoutable de l'homme est en ceci qu'il peut se résigner, et même trouver une sorte de consolation à prédire son propre malheur.
Le beau étant le signe du vrai, et la première existence du vrai en chacun, c'est donc dans Molière, Shakespeare, Balzac que je connaîtrai l'homme, et non point dans quelque résumé de psychologie.
Je tiens que, pour l'ordinaire, c'est notre nature sincère qui s'exprime dans les songes ; et songe n'est point mensonge, sinon en ce sens qu'il représente ce qu'on voudrait, non ce qui est.
Il n'est pas évident que le culte des belles-lettres ne coûte rien à la justice ; toujours est-il qu'on en reçoit une coutume de se plaire aux mythes et de s'y attarder.
Maintenant, on n'explique plus ; on se contente de comparer les différentes éditions d'un même ouvrage, et on nous montre les variantes comme on nous montrerait une collection de papillons.
L'égoïste est triste parce qu'il attend le bonheur.
Si les pédagogues ne sont pas détournés vers d'autres proies, il arrivera que les instituteurs sauront beaucoup de choses, et que les écoliers ne sauront plus rien du tout.
La marée est une grande vague, dont les pentes s'étendent à proportion, et qui vient déferler sur nos côtes à la manière de toutes les vagues.
Si j'avais, par aventure, à écrire un traité de morale, je mettrais la bonne humeur au premier rang des devoirs.
La haine est triste. La joie tuera les passions et la haine. La tristesse n'est jamais ni noble, ni belle, ni utile.
Toutefois ici on fatigue l'adversaire en même temps que soi ; du moins on le croit ; mais lui, s'il sait le métier, il se laisse manier comme un paquet inerte, et soudainement se réveille, et dépense le plus promptement possible toutes ses forces.
La fonction de penser ne se délègue pas.
Une oeuvre qui n'apporte point quelque chose d'invisible et de neuf, on la laisse.
J'irais même jusqu'à proposer quelque couronne civique pour récompenser les hommes qui auraient pris le parti d'être heureux. Car, selon mon opinion, tous ces cadavres, et toutes ces ruines, et ces folles dépenses, et ces offensives de précaution, sont l'œuvre d'hommes qui n'ont jamais su être heureux et qui ne peuvent supporter ceux qui essaient de l'être.
Ce qui est nuisible, dans les classements scolaires, c'est la mauvaise place, non la bonne. La mauvaise place qualifie et pèse le médiocre, et le scelle sur lui-même.
Il faut être bien savant pour saisir un fait.
Il n'y a qu'une méthode pour inventer, qui est d'imiter. Il n'y a qu'une méthode pour bien penser, qui est de continuer quelque pensée ancienne et éprouvée.
Il faut appeler bavardage ce genre de conversation vide et agréable où les sympathies, les antipathies, les mouvements du coeur humain, les singularités du caractère et de l'humeur, sont l'objet principal.
C'est un sentiment de dignité, un refus de s'abaisser et de craindre, mais non sans un vif mouvement de colère qui fait qu'on dépasse le but.
La société est une merveilleuse machine qui permet aux bonnes gens d'être cruelles sans le savoir.
Ceux qui sont en passions, c'est-à-dire en difficulté avec eux-mêmes...
Refais chaque jour le serment d'être heureux.
La légende est à mes yeux plus vraie que l'histoire.
Tous concourent à réparer pour chacun une perte de hasard, par exemple une mort prématurée, une longue maladie, un accident de route, un vol, un incendie. L'assurance fait que personne ne perd à la loterie du malheur.
C'est un genre de force, mais passionnée, et qui vise à briser la résistance par la terreur.
... le bonheur de lire est tellement imprévisible qu'un lecteur exercé s'en étonne lui-même.