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Les vrais problèmes sont d'abord amers à goûter ; le plaisir viendra à ceux qui auront vaincu l'amertume.
Alain
Tous les arts sont comme des miroirs où l'homme connaît et reconnait quelque chose de lui même qu'il ignorait.
L'âme, c'est ce qui refuse le corps.
Je me défie de la prose qui dit des choses vraies. Il n'est pas difficile de dire des vérités ; il s'ouvre un désert de vérités.
Les sentiments altruistes, toujours naturels, et source de plaisirs pour tous quand ils sont satisfaits, sont aussi naturellement faibles.
J'arrive à me prouver à moi-même, de la façon la plus satisfaisante, que deux et deux font quatre ; et c'est bien quelque chose à prouver, car deux et deux ne sont point la définition de quatre ; quatre c'est trois plus un.
Il suffit d'avoir découpé un perdreau ou un faisan pour savoir que le moteur de l'aile n'est pas peu de chose. Tout l'oiseau est aile.
Chacun se redresse aux maximes et aux proverbes ; chacun en sent le prix. Penser sur des maximes c'est se reconnaître et reprendre le gouvernement de soi.
La mécanique annule l'homme.
La colère peut être prise comme une ivresse, en ce sens qu'on se plaît à s'y jeter par un semblant, en comptant bien qu'elle dépassera ce semblant.
Le bonheur suppose sans doute toujours quelque inquiétude, quelque passion, une pointe de douleur qui nous éveille à nous-même.
Le sage est sage, non par moins de folie, mais par plus de sagesse.
Le monde humain trompe par un commerce de grimaces.
La race des maîtres existe ; je la connais au pas, et à un certain air de gouvernement. Je ne la hais point ; car ce sont de pauvres hommes.
La grande affaire est de donner à l'enfant une haute idée de sa puissance, et de la soutenir par des victoires ; mais il n'est pas moins important que ces victoires soient pénibles, et remportées sans aucun secours étranger.
La bonne opinion que j'ai de mes semblables sans exception est corrigée par cette idée qu'ils sont bien capables de faire les imbéciles, et longtemps, s'ils en font seulement le stupide pari.
Tout homme persécute s'il ne peut convertir. A quoi remédie la culture qui rend la diversité adorable.
Se souvenir, c'est nier la présence.
Il n'est pas de tyran au monde qui aime la vérité ; la vérité n'obéit pas.
Mieux on remplit sa vie, moins on craint de la perdre.
Ce qui est remarquable dans le beau, c'est qu'il a importance par lui-même ; et cela nous jette hors de nos mesures.
Tout pouvoir aime la guerre, la cherche, l'annonce et la prolonge, par un instinct sûr et par une prédilection qui lui rend toute sagesse odieuse.
L'art de persuader ne repose pas premièrement sur les preuves. C'est naïveté d'arriver avec de fortes preuves pour se faire ouvrir la citadelle ; c'est faire sommation à coups de canon. L'esprit qui se voit ainsi assiégé coupe d'abord les ponts.
Il y a une forte raison de ne pas dire au premier arrivant ce qui vient à l'esprit, c'est qu'on ne le pense point.
Noël, c'est le printemps de l'esprit ; c'est tout promesse.
L'homme le plus intelligent est souvent celui qui se dupe le mieux lui-même, parce que ses déclarations ont une suite et un air de raison.
Tel est l'art de l'aède, qui est comme la mémoire des guerriers. L'orateur et le poète sont soumis à cette condition de se conformer à une sorte de modèle de leur parole ; sans quoi on entend mal se qu'ils disent.
L'émotion qui annonce l'amour est une sorte d'ivresse où se trouvent mêlés la crainte et l'espoir du plaisir.
Une femme qui a du monde et qui interrompt sa colère pour recevoir une visite imprévue, cela ne me fait point dire : "Quelle hypocrisie !" mais : "Quel remède parfait contre la colère !"
Selon mon opinion, une pensée juste est comme un bon dessin. Elle naît d'une profonde paix, et d'un travail tranquille à côté d'elle, comme lire, copier, calculer.
L'historien n'est pas romancier du tout ; l'historien n'a point de jeunesse ; à chaque moment il nous dit tout ce qu'il sait.
Quand on voit les choses en courant, elles se ressemblent beaucoup. La vraie richesse des spectacles est dans le détail.
Cet énorme événement, la guerre, est fait de milliers d'acceptations.
L'erreur du critique est de chercher l'essence, et de nier l'existence.
Le philosophe est le marchand de sommeil des élites.
Le travail a des exigences étonnantes, et que l'on ne comprend jamais assez. Il ne souffre point que l'esprit considère des fins lointaines ; il veut toute l'attention. Le faucheur ne regarde pas au bout du champ.
Il n'y a de progrès, pour nul écolier au monde, ni en ce qu'il entend, ni en ce qu'il voit, mais seulement en ce qu'il fait.
Si vous vous mêlez de dire des vérités désagréables à l'homme qui peut vous ouvrir les chemins, ne dites point que vous vouliez passer.
Les femmes, j'entends celles qui sont occupées à chiffonner et à pouponner, ne comprendront sans doute jamais bien pourquoi les hommes vont au café et jouent aux cartes.
Le conteur, qui veut faire paraître des choses absentes, y réussit bien mieux par le frisson de la peur que par une suite raisonnable de causes et d'effets.
Le courage nourrit les guerres, mais c'est la peur qui les fait naître.
Les grands hommes sont plus grands que nature dans le souvenir. Ce que nous voyons en eux, c'est à la fois le meilleur d'eux et le meilleur de nous.
Le père Grandet, comme on voit dans Balzac, bégayait exprès quand il traitait une affaire ; c'est un bon moyen de cacher sa propre pensée et de faire sortir celle de l'autre, par la furieuse envie qu'il a bientôt de finir les phrases du bègue.
La loi du juste avenir se trouve dans les consciences solitaires et libres et ne se trouve nulle part ailleurs.
Tous les sentiments guerriers viennent d'ambition, non de haine.
La Bible est le plus beau succès de librairie que l'on avait vu ; et cela prouve que les hommes ne sont pas difficiles.
"Comme je voudrais aimer la musique", dit le sot ; mais il faut faire la musique ; elle n'est point.
L'erreur propre aux artistes est de croire qu'ils trouveront mieux en méditant qu'en essayant... Ce qu'on voulait faire, c'est en le faisant qu'on le découvre.
Le signe "oui" est d'un homme qui s'endort ; au contraire, le réveil secoue la tête et dit non.
L'amour maternel est le plus éminent des sentiments égoïstes, ou, pour dire autrement, le plus énergique des sentiments altruistes.