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Si la seule solution est la mort, nous ne sommes pas sur la bonne voie. La bonne voie est celle qui mène à la vie, au soleil. On ne peut avoir froid sans cesse.
Albert Camus
A quarante ans, on ne crie plus le mal, on le connaît et on lutte selon ce qu'on doit. On peut alors s'occuper de créer sans rien oublier.
Se donner n'a de sens que si l'on se possède.
Un jour viendra où vous voudrez crier votre dégoût devant la peur et la douleur de tous. Ce jour-là, il n'y aura plus de remède que je puisse vous dire, sinon la compassion qui est la sœur de l'ignorance.
Après un autre moment de silence, elle a murmuré que j'étais bizarre, qu'elle m'aimait sans doute à cause de cela mais que peut-être un jour je la dégoûterais pour les mêmes raisons.
Pour avoir voulu arrêter le communisme en Espagne par des moyens indignes, on donnera une chance sérieuse à la communisation de l'Europe.
L'homme du siècle demande des lois et des institutions de convalescence, qui le brident sans le briser, qui le conduisent sans l'écraser.
A mon âge, on est forcément sincère. Mentir est trop fatigant.
Quand le mal et le bien sont réintégrés dans le temps, confondus avec les événements, rien n'est plus bon ou mauvais, mais seulement prématuré ou périmé.
Pour être heureux, nous ne devons pas trop nous préoccuper des autres.
Croyez-moi, les religions se trompent dès l'instant qu'elles font de la morale et qu'elles fulminent des commandements.
Il y a quelque chose de plus abject encore que d'être un criminel, c'est de forcer au crime celui qui n'est pas fait pour lui.
L'enfer, c'est le paradis plus la mort.
On se supporte grâce au corps - à la beauté. Mais le corps vieillit. Quand la beauté se dégrade, alors les psychologies seules restent en présence - et elles s'affrontent, sans intermédiaire.
Le bien public est fait du bonheur de chacun.
La beauté ne peut se passer de l'homme et nous ne donnerons à notre temps sa grandeur et sa sérénité qu'en le suivant dans son malheur.
Il ne peut y avoir pour l'esprit humain que deux univers possibles : celui du sacré et celui de la révolte.
Tous les hommes ont une douceur dans leur vie. C'est ce qui les aide à continuer. C'est vers cela qu'ils se tournent quand ils se sentent trop épuisés.
L'homme est la seule créature qui refuse d'être ce qu'elle est.
La certitude d'un dieu qui donnerait son sens à la vie surpasse de beaucoup en attrait le pouvoir impuni de mal faire.
Que préfères-tu, homme, celui qui veut te priver de pain au nom de la liberté ou celui qui veut t'enlever ta liberté pour assurer ton pain ?
La liberté est un bagne aussi longtemps qu'un seul homme est asservi sur la terre. J'étais libre et je ne cessais de penser à la Russie et à ses esclaves.
De ce moment, l'homme décide de s'exclure de la grâce et de vivre par ses propres moyens.
J'avais fait mon métier d'homme et d'avoir connu la joie tout un long jour ne me semblait pas une réussite exceptionnelle, mais l'accomplissement ému d'une condition qui, en certaines circonstances, nous fait un devoir d'être heureux.
Il n'y a qu'une action utile, celle qui referait les hommes et la terre.
Ce monde en lui-même n'est pas raisonnable, c'est tout ce qu'on peut en dire. Mais ce qui est absurde, c'est la confrontation de cet irrationnel et de ce désir éperdu de clarté dont l'appel résonne au plus profond de l'homme.
Tout l'effort du drame est de montrer le système logique qui, de déduction en déduction, va consommer le malheur du héros.
Notez bien, le malheur c'est comme le mariage. On croit qu'on choisit et puis on est choisi.
Ce qui est humain en moi n'est pas ce qui est meilleur en moi. Ce qui est humain en moi, c'est que je désire, et pour obtenir ce que je désire, je crois que j'écraserais tout ce qui se dressait sur mon passage.
Nous avons traversé une cour où il y avait beaucoup de vieillard, bavardant par petits groupes. Ils se taisaient quand nous passions. Et derrière nous, les conversations reprenaient. On aurait dit un jacassement assourdi de perruches.
La tragédie n'est pas une solution.
Crois-moi, il n'y a pas de grande douleur, pas de grands repentirs, de grands souvenirs. Tout s'oublie même les grandes amours. C'est ce qu'il y a de triste et d'exaltant à la fois dans la vie.
Je m'arrangeais très bien avec le reste de mon temps. J'ai souvent pensé alors que si l'on m'avait fait vivre dans un tronc d'arbre sec, sans autre occupation que de regarder la fleur du ciel au-dessus de ma tête, je m'y serais peu à peu habitué.
Il était difficile de peindre le monde et les hommes et, en même temps, de vivre avec eux.
La seule façon de mettre les gens ensemble, c'est encore de leur envoyer la peste.
Je les voyais comme je n'ai jamais vu personne et pas un détail de leurs visages ou de leurs habits ne m'échappait. Pourtant je ne les entendais pas et j'avais peine à croire à leur réalité.
J'ai un attachement très ancien et très fidèle pour les chiens. Je les aime parce qu'ils pardonnent toujours.
La seule règle qui soit originale aujourd'hui : apprendre à vivre et à mourir, et pour être homme, refuser d'être Dieu.
Quelles que soient nos infirmités personnelles, la noblesse de notre métier s'enracinera toujours dans deux engagements difficiles à maintenir : le refus de mentir sur ce que l'on sait et la résistance à l'oppression.
Il répondait pour finir, et c'est ici que les carnets de Tarrou se terminent, qu'il y avait toujours une heure de la journée et de la nuit où un homme était lâche et qu'il n'avait peur que de cette heure-là.
Ceux qui écrivent clairement ont des lecteurs ; ceux qui écrivent obscurément ont des commentateurs.
Mais à notre âge, on n'aime pas voyons. On se plaît, c'est tout. C'est plus tard, quand on est vieux et impuissant qu'on peut aimer. A notre âge, on croit qu'on aime. C'est tout, quoi.
C'est qu'en vérité le chemin importe peu, la volonté d'arriver suffit à tout.
Quand je regarde ma vie et sa couleur secrète, j'ai en moi comme un tremblement de larmes. Comme ce ciel. Il est à la fois pluie et soleil, midi et minuit.
Les mesures n'étaient pas draconiennes et l'on semblait avoir beaucoup sacrifié au désir de ne pas inquiéter l'opinion publique.
Il a déclaré que je n'avais rien à faire avec une société dont je méconnaissais les règles les plus essentielles et que je ne pouvais pas en appeler à ce coeur humain dont j'ignorais les réactions élémentaires.
Tout s'oublie, même les grands amours. C'est ce qu'il y a de triste et d'exaltant à la fois dans la vie. C'est pour ça qu'il est bon quand même d'avoir eu un grand amour, une passion malheureuse dans sa vie. ça fait au moins un alibi pour les désespoirs sans raison dont nous sommes accablés.
La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un coeur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
J'ai remarqué que chez certains êtres d'élite il y a une sorte de snobisme spirituel à croire que l'argent n'est pas nécessaire au bonheur. C'est bête, c'est faux, et dans une certaine mesure, c'est lâche.
Il n'y a qu'une chose dont on puisse parler : la justification qu'on apporte à sa vie.