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Un livre apporte au lecteur sa propre histoire.
Alberto Manguel
Il y a ceux qui, lorsqu'ils lisent un livre, se souviennent, comparent, évoquent des émotions éprouvées lors de lectures précédentes, observait l'écrivain argentin Ezequiel Martínez Estrada. C'est une des plus délicates des formes d'adultère.
Il se mettait à me parler de son passé comme si le cours des mots, de ses mots, recréait une réalité qu'il savait ou sentait malgré tout, irrémédiablement perdue.
Un cédérom n'est pas un livre, pas plus qu'une photographie n'est une peinture.
Je feuillette une bande dessinée japonaise à l'aéroport de Narita et j'invente une histoire aux personnages dont les paroles sont figurées par des caractères que je n'ai jamais appris.
Dans la lumière nous lisons, dans l'obscurité nous parlons.
Chaque livre est engendré par de longues successions d'autres livres dont sans doute on ne verra jamais les couvertures ni ne connaîtra jamais les auteurs, mais dont on entend l'écho dans celui qu'on tient à la main.
Dire qu'un auteur est un lecteur, ou un lecteur un auteur, considérer un livre comme un être humain ou un être humain comme un livre, décrire le monde comme un texte ou un texte comme le monde, sont autant de façons de nommer l'art du lecteur.
Tout lecteur est soit un voyageur qui fait une pause ou quelqu'un qui rentre chez lui.
L'accumulation des connaissances n'est pas la connaissance.
Nous sommes ce que nous lisons.
Une autre des subversions de Borges, c'est l'idée que chaque livre, quel qu'il soit, contient la promesse de tous les autres, à la fois mécaniquement et intellectuellement.
Le texte a créé le paysage à parcourir et annulé les distances réelles entre les lieux ainsi que les peines correspondantes du voyage matériel.
Je ne me sens pas coupable vis-à-vis des livres que je n'ai pas lus et ne lirai peut-être jamais je sais que mes livres ont une patience illimitée. Ils m'attendront jusqu'à la fin de mes jours.
Plus que toute autre création humaine, le livre est le fléau des dictatures.
La lecture est l'apothéose de l'écriture.
Ce matin, en regardant les livres sur mes étagères, je me disais qu'ils n'ont pas conscience de mon existence. Ils ne prennent vie que parce que je les ouvre et tourne leurs pages, et pourtant ils ne savent pas que je suis leur lecteur.
Bien souvent, le plaisir pris à lire dépend dans une large mesure du confort physique du lecteur.
Le lecteur idéal lit toute la littérature comme si elle était anonyme.
Lire au lit ferme et ouvre à la fois le monde autour de nous.
Le fait de voir quelqu'un en train de lire suscite en mon esprit une curieuse métonymie où l'identité du lecteur prend la couleur du livre et celle du cadre dans lequel il est lu.
Symboliquement, le monde antique finit avec la destruction de la bibliothèque d'Alexandrie symboliquement, le XXème siècle s'achève avec la reconstruction de la bibliothèque de Sarajevo.
Tous sont des lecteurs, et leurs gestes, leur savoir-faire, le plaisir, la responsabilité et le pouvoir que leur procure la lecture, sont également les miens.
En turc, le mot muhabbet signifie à la fois conversation et amour. Pour l'un et l'autre, on dit : faire muhabbet. J'aime l'idée que la conversation est comme une fenêtre donnant sur le coeur et l'esprit.