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Quelqu'un que vous avez privé de tout n'est plus en votre pouvoir. Il est de nouveau entièrement libre.
Alexandre Soljenitsyne
Peu à peu, j'ai découvert que la ligne de partage entre le bien et le mal ne sépare ni les États ni les classes ni les partis, mais qu'elle traverse le coeur de chaque homme et de toute l'humanité.
C'est que l'humanité tirait son prix, non pas de sa masse en perpétuelle multiplication, mais de ses élites qui arrivent à maturité.
J'avais affronté leur idéologie, mais en marchant contre eux, c'était ma propre tête que je portais sous le bras.
L'Occident qui était perçu essentiellement comme le Chevalier de la Démocratie est désormais appréhendé comme le vecteur d'une politique pragmatique, souvent égoïste, voire cynique.
Maintenant nous savons que l'infamie des méthodes se multiplie dans l'infamie des résultats.
L'"intellectuel" est un homme que ses intérêts et sa volonté tournent vers le côté spirituel de la vie, et cela de façon stable, permanente, sans qu'il soit incité par les circonstances extérieures, voire en dépit de celles-ci. L'"intellectuel" est un homme dont la pensée n'est pas imitative.
Notre expérience nationale amère aidera, en cas de nouvelles conditions sociales instables, à nous prévenir d'échecs funestes.
Quand on travaille pour des hommes, on en met un coup ; quand c'est pour des cons, on fait semblant.
Si nous étions à même de porter sur notre propre passé un regard lucide, nous nous serions débarrassés de la nostalgie par rapport au régime soviétique, nostalgie d'ailleurs souvent présente chez ceux qui ont le moins souffert.
La nature humaine, si elle évolue, ce n'est guère plus vite que le profil géologique de la terre.
Les victoires sont nécessaires aux gouvernements, les défaites aux peuples. Après la victoire, on veut d'autres victoires encore ; après une défaite, on veut la liberté, et généralement on l'obtient. Les défaites sont nécessaires aux peuples comme les souffrances et les malheurs à l'individu ; ils vous obligent à approfondir votre vie intérieure, à vous élever spirituellement.
Dans la vie de chaque homme, il y a un événement qui le détermine tout entier, détermine aussi bien son destin que ses convictions et ses passions.
Il parle une langue qui n'exige aucune tension d'esprit. Une discussion avec lui est un voyage à pied dans le désert.
Les oeuvres d'art qui ont cherché la vérité profonde et nous la présentent comme une force vivante s'emparent de nous et s'imposent à nous, et personne, jamais, même dans les âges à venir, ne pourra les réfuter.
L'Occident a défendu avec succès, et même surabondamment, les droits de l'homme, mais l'homme a vu complètement s'étioler la conscience de sa responsabilité devant Dieu et la société.
A la fin de ma vie, je peux espérer que le matériel historique ... que j'ai collecté entrera dans les consciences et la mémoire de mes compatriotes.
La défense des droits individuels a pris de telles proportions que la société en tant que telle est désormais sans défense contre les initiatives de quelques-uns. Il est temps, à l'Ouest, de défendre non pas tant les droits de l'homme que ses devoirs.
Avant la chute d'une société, il y a une sage catégorie d'hommes qui pensent, qui pensent et ne font rien d'autre. Et que ne s'est-on pas gaussé d'eux !
On était à la recherche d'un nouveau stimulant pour le travail social. On pensait que ce serait la conscience et l'enthousiasme, doublés d'un désintéressement total. C'est pourquoi on saisit au bond avec tant d'ardeur la grandiose initiative des "samedis communistes" (Exécution gratuite et supplémentaire d'une tâche utile à la collectivité).
Ici, les gars, la loi... c'est la taïga. Mais, même ici, on vit. Ceux qui ne font pas de vieux os, au camp, c'est les lèche-gamelles, c'est ceux qui comptent sur l'infirmerie, c'est ceux qui vont frapper à la porte du grand patron.
Je me rends bien compte du fait que les actes de contrition publics sont ce qu'il y a de plus inacceptable pour les hommes politiques.
Pou qui se presse passe premier au peigne.
Ce qui est trop clair n'est pas intéressant.
Une patrie qui a trahi ses soldats, est-ce vraiment la Patrie ?
Je crois que là-bas dans l'Altaï, je vivrai dans la plus basse et la plus sombre des isbas à l'autre bout du village, à proximité de la forêt. Et alors j'irai dans la forêt, non pas pour ramasser du bois mort ou des champignons, mais comme ça, sans but, et j'étreindrai deux troncs d'arbre : mes amis ! je n'ai besoin de rien de plus !...
Je suis réconforté par le sentiment que la littérature mondiale est comme un seul coeur géant, qui bat au rythme des soucis et des drames de notre monde, même s'ils sont ressentis et exprimés différemment en ses quatre coins.
Lorsque j'étais dans les camps, il m'est arrivé d'écrire même pendant que je posais des pierres dans un chantier. Avec un bout de crayon, sur un lambeau de papier, à la fin je mémorisais le texte et je détruisais le support.
L'international est une aberration, car "inter" signifie "entre" et entre les nations il n'y a aucune culture commune.
Le travail aime les imbéciles.
L'artiste a seulement alors une conscience plus aiguë que celle des autres de l'harmonie du monde, de sa beauté et de sa laideur, de l'apport de l'homme, qu'il doit transmettre intelligemment aux autres.
Une des contraintes les plus assommantes de l'humanité, c'était que les hommes ne pouvaient pas se renouveler vers le milieu de leur vie en changeant radicalement d'occupation.
L'heure était venue pour Ephrem de crever ! Dit comme ça, avec rage, ça apportait même une sorte de soulagement : non pas mourir, mais crever...
Le sot aime à faire la leçon, le malin préfère la recevoir.
Quand on a épousé le monde, on ne peut plus lui échapper. Un écrivain n'est pas le juge indifférent de ses compatriotes et de ses contemporains. Il est le complice de tout le mal commis dans son pays ou par ses compatriotes.
Le stalinisme n'a existé ni en théorie ni en pratique : on ne peut parler ni de phénomène stalinien, ni d'époque stalinienne, ces concepts ont été fabriqués après 1956 par la pensée occidentale de gauche pour garder les idéaux communistes.
Si tu ne sais pas user de la minute, tu perdras l'heure, le jour, et toute la vie.
Maintenant, pour la première fois, vous allez voir des gens qui ne sont pas des ennemis. Maintenant, pour la première fois, vous allez voir d'autres êtres vivants qui parcourent le même chemin que vous et que vous pouvez englober, avec vous, dans ce mot joyeux : NOUS.
Partons du principe que l'artiste ne doit rien à personne. Néanmoins, il est pénible de voir comment, en se retirant dans sa tour d'ivoire ou dans le monde de ses fantasmes, il risque d'abandonner le monde réel aux mains de mercenaires.
Crois tes yeux et pas tes oreilles.
Le droit chemin, on l'a barré aux gens, mais ils ne perdent pas le nord : ils contournent la barrière, et ça leur permet de vivre.
Qui va moucharder chez le Parrain s'en tire toujours avec la peau des autres.
Un homme est heureux tant qu'il décide de l'être, et nul ne peut l'en empêcher.
Et ceux des rescapés qui disent d'un ton de reproche que "c'est à cause la faute des crevards s'ils en sont arrivés là", ceux-là endossent le déshonneur d'avoir sauvé leur peau.
Hors de l'expérience littéraire, nous n'avons pas accès à la souffrance des autres.
Dans les camps et dans les prisons, Ivan Denissovitch s'était déshabitué de prévoir : pour aujourd'hui comme pour dans un an, et comme aussi pour faire vivre les siens. Les chefs s'en occupent à votre place autant de soucis en moins.
Si durant des dizaines d'années d'affilée on ne permet pas de dire les choses comme elles sont, la cervelles des hommes se met à battre la campagne irrémédiablement et il devient plus facile de comprendre un martien que son propre concitoyen.
Tant qu'on peut encore respirer, après la pluie, sous un pommier, on peut encore vivre !
Nulle part, aucun régime n'a jamais aimé ses grands écrivains, seulement les petits.
Mon attitude à l'égard de la mort est devenue tout à fait sereine. Je la perçois comme un jalon naturel, mais nullement définitif dans l'existence de la personnalité.