Images
J'ai l'amour inquiet ; quand tu n'es pas là mon imagination galope, c'est fatal car tu es autre que moi, et l'autre est ailleurs ; l'autre est toujours ailleurs, on n'y peut rien, c'est sa nature, c'est son drame et sa merveille.
Alexis Jenni
Qui peut dire sans rire, qui peut dire sans faire rire, qu'il pense à la France ? Sinon les grands hommes, et seulement dans leurs mémoires. Qui, sinon de Gaulle, peut dire sans rire qu'il pense à la France ?
Le silence après la guerre est toujours la guerre.
Et ainsi tes caresses sont ma peau, et c'est le cercle de tes bras qui me donne mes contours.
Le verbe est le vrai sang de la nation française. La langue est notre sang.
Alors c'est la peinture, cet art que l'on croit visuel, qui m'aidera. Ce sont des images, mais qui emportent plus loin que les images
L'amour charnel ne s'entend pas, mais il est très subtil, très profond, très délicat ; il est très grandiose et très spirituel, et muet ; il est fait de sensations et d'actes, dont il est difficile de parler.
Pour se transformer en art, le talent doit prendre conscience de lui-même, et de ses limites, et être aimanté d'un but qui l'oriente dans une direction indiscutable. Sinon, le talent s'agite, il bavarde.
On nait à tout âge dans les livres.
L'armée a sa langue qui n'est pas la langue commune et c'est très troublant.
Un sentiment esthétique intense me transporta au moment où je posai ma main sur ta peau, sans rien faire d'autre, sans rien vouloir d'autre, un sentiment profond qui avait cette dimension étrange des sentiments esthétiques, qui exaltent et qui comblent, et qui continuent après avoir comblé de procurer une exaltation inépuisable.
Quand elle est bien faite, la peinture se voit avec les mains. Mais bien faite ne signifie pas bien coloriée sans dépasser les traits, bien ressemblante à ce qu'elle doit représenter, ou toute autre qualité qui mérite une bonne note, une bonne place aux concours académiques, non : cela signifie qu'elle touche celui qui la regarde au-delà de ce que lui montrent ses yeux.
Il est des choses qui ne s'entendent que par le ton, le regard appuyé, les circonstances où l'on parle. il est des choses que l'on sait, sans qu'il n'y ait de mots très précis pour le dire.
Nos mains sont nos vibrisses, nos tentacules, notre langue bifide : elles sont l'organe spontané du toucher de l'espèce humaine, au point que l'éducation des petits enfants consiste surtout à crier : "Touche pas" ! quand ils vont heureux dans la rue, heureux d'un monde surprenant qu'ils veulent absolument connaître, touchant à tout en ignorant les catégories du propre et du sale
Je ne sais pas quel oiseau est ta main, mais elle se pose avec la légèreté d'un petit être vêtu d'un halo de plumes.
Par le toucher seulement, on sait que l'on n'est pas seul. En nous touchant, nous nous incorporons
Il m'apprit que le vide est préférable au plein car le plein ne bouge plus, mais que le plein est existence et qu'il faut se résoudre à rompre le vide.
Le ciel est si grand qu'il se loge dans les toutes petites choses.
Les yeux ne sont plus seuls en cause : se promener dans un musée provoque une discrète agitation des mains. Les gardiens sont là pour ça
Je ne sais pas comment la peinture fait ça, d'être touchante alors que simplement on la voit. Je ne sais pas comment la cervelle fait ça, de mélanger ce que je vois et ce que je touche.
Depuis toujours notre Etat ne discute pas. Il ordonne, dirige, et s'occupe de tout. Jamais il ne discute.
Fragonard toujours souriant est le peintre de l'instant intense ; il est le peintre du bonheur d'être ; il n'est rien de plus, mais il n'y a pas grand-chose d'autre qui mérite d'être peint
Le sentiment de la beauté est très particulier, il donne à boire et étanche la soif, il entretient la soif et il redonne toujours à boire. La beauté emporte dans un ravissement profond et paradoxal, qui reste identique à lui-même, et n'arrête jamais.
Si chaque caresse laissait une trace solide, on obtiendrait après l'amour un moulage parfait des amants enlacés.
Les livres naissent de ce que l'on ne sait pas dire. Si on savait, on dirait, et il n'y aurait pas de livres ; on n'y penserait même pas. Mais voilà, on ne sait pas dire, et c'est une inquiétude, puis très vite un manque, et enfin un désir ; et le livre vient, qui est tout entier l'effort pour dire, bien que l'on ne puisse pas.
Dire ne suffit pas, montrer est nécessaire.