Images
Garde ce caillou poli. A l'heure de ta mort tu pourras le caresser dans la paume de ta main et mettre ainsi en fuite la présence de ces lamentables erreurs dont la somme ôte tout sens possible à ta vaine existence.
Álvaro Mutis
Suis les navires. Suis les routes que sillonnent les embarcations vieilles et tristes. Ne t'arrête pas. Évite jusqu'au plus humble des mouillages. Remonte les fleuves. Descends-les. Confonds-toi avec les pluies qui inondent les savanes. Refuse tout rivage.
Au krak des chevaliers de Rhodes, dont les ruines s'élèvent sur une hauteur près de Tripoli, une tombe anonyme porte cette inscription : "Ce n'était pas ici." Il n'y a pas de jour que je ne médite ces mots. Ils sont si évidents et en même temps contiennent tout le mystère qu'il nous est donné de souffrir.
Irréfléchie, toujours à contre-courant, toujours nuisible, toujours étrangère à ma véritable vocation, mon errance est sans remède.
Lorsque je raconte mes transhumances, mes échecs, mes délires innocents et mes orgies secrètes, je le fais dans le seul but d'arrêter, presque en l'air, deux ou trois cris féroces, deux ou trois grognements déchirants et caverneux qui pourraient certainement mieux exprimer ce que je sens et ce que je suis.