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Il n'est pas rare que le trajet le plus court pour prendre le pouvoir passe par la prison.
Amélie Nothomb
C'est drôle, ce besoin qu'ont les gens d'accuser les autres d'avoir gâché leur existence. Alors qu'ils y parviennent si bien eux-même, sans l'aide de quiconque.
Aussi longtemps qu'il existerait des fenêtres, le moindre humain de la terre aurait sa part de liberté.
Ce sont toujours les mochetés qui critiquent le physique des autres mochetés.
La lecture était le lieu privilégié de l'admiration. Je me mis à lire beaucoup pour admirer souvent.
Pas besoin d'intérêt pour mentir. Le plaisir suffit.
Le doute et la peur sont les auxiliaires des grandes initiatives.
La condition humaine entière se résume ainsi : ça pourrait être pire.
En quittant l'enfance, on apprend à ne plus contenter sa faim dès qu'elle apparait. Personne n'apprend à différer le moment d'étancher sa soif. Quand celle-ci surgit, on l'invoque comme l'urgence indiscutable. On interrompt son activité quelle qu'elle soit, on cherche de quoi boire.
Sans ennemi, l'être humain est une pauvre chose. Sa vie est une épreuve, un accablement de néant et d'ennui.
Personne n'habite autant la totalité de son corps que les grands danseurs.
Pommier, figuier - je me suis demandé à quel arbre Judas s'était pendu. On m'a dit que la branche s'était cassée. Il fallait que cet arbre ne soit pas solide, car Judas ne pesait pas lourd.
On se moque des enfants qui justifient leurs mauvais coups par ce gémissement : "C'est lui qui a commencé !" Or, aucun conflit adulte ne trouve sa genèse ailleurs.
Et puis, on est toujours plus beau quand on est désigné par un terme, quand on a un mot rien que pour soi.
Pour la plupart des magiciens, jouer au poker sans tricher c'est un peu des vacances.
La gêne suppose une hypertrophie de la perception de l'autre, d'ou la politesse des gens gênés, qui ne vivent qu'en fonction d'autrui. Le paradoxe de la gêne est qu'elle crée un malaise à partir de la déférence que l'autre inspire.
Les enfants que ne reconnaît pas leur père en souffrent. Mais il existe une souffrance plus grande : celle d'un père que son enfant ne reconnaît pas.
Le ventilateur est au communisme ce que l'épithète est à Homère : Homère n'est pas le seul écrivain au monde à utiliser des épithètes. Mais c'est sous sa plume que les épithètes prennent tout leur sens.
Un jour, je lui avait sorti tout un chapelet d'éloges sur un de ses paragraphes, elle a fermé les yeux. C'est quoi cette réaction ? ai-je dit. Je me blottis dans tes mots, a-t-elle répondu.
Je suis d'un naturel généreux : l'erreur d'une femme ne me pousse pas à croire que toutes les femmes sont fautives.
La seule attitude dont j'etais capable face à l'intruse, était la soumission absolue.
Avoir raison, quand on est journaliste, ne demande qu'un peu d'habileté. Avoir raison, quand on est écrivain, ça n'existe pas. Votre métier est écoeurant de facilité. Mon métier, lui, est dangereux.
Il arrive qu'il y ait un devoir d'indignation, même quand cela ne sert à rien.
Les femmes aiment toujours à contretemps.
Mourir par l'amour ou mourir par l'eau, ou mieux encore par les deux ensemble, c'est boucler la boucle, c'est prendre la porte d'entrée pour porte de sortie.
Etre jugé sur son intelligence est aussi injuste que d'être jugé sur sa beauté. L'un et l'autre sont, à 65 %, des qualités innées. Ce sont donc des critères égaux en iniquité.
La Parisienne est une légende, donc, elle existe plus que les autres femmes, et ce pour l'éternité.
Je me suis souvenue de cette phrase d'un héros algérien, dit Pannonique : Si tu parles, tu meurs ; si tu ne parles pas, tu meurs. Alors parle et meurs.
On était fin novembre, il pleuvait du désespoir.
Qu'est ce qu'une caméra peut percevoir de ce qui se passe en moi ? Elle capte les remous à la surface du lac. Je reste dans mes grands fonds, là où aucune lumière n'arrive jamais.
L'esprit a des systèmes de défense incompréhensibles : on l'appelle à l'aide et, au lieu d'apporter du secours, il n'injecte que de belles images.
Quand on cesse d'avoir faim, cela s'appelle satiété. Quand on cesse d'être fatigué, cela s'appelle repos. Quand on cesse de souffrir, cela s'appelle réconfort. Cesser d'avoir soif ne s'appelle pas. La langue dans sa sagesse a compris qu'il ne fallait pas créer d'antonyme à la soif.
- Est-ce qu'elle reviendra ? ... - Oui, oui. - Juliette sembla rassurée. Sans doute ignorait-elle cette spécificité linguistique : en mathématiques, plus par plus font plus, alors que le mot oui multiplié par deux équivaut toujours à une négation.
Il y a une impossibilité technique à raconter le sublime. Soit on n'est pas intéressant, soit on est comique.
L'amour concentre la certitude et le doute : on est sûr d'être aimé autant qu'on en doute, non pas tour à tour, mais en une simultanéité déconcertante. Chercher à se débarrasser de ce versant dubitatif en posant mille questions à l'aimée, c'est nier la nature radicalement ambiguë de l'amour.
Le plaisir est une merveille qui m'apprend que je suis moi.
L'amour n'a aucun sens, et c'est pour cette raison qu'il est sacré.
Les imbéciles ne pensent qu'à partager leurs merveilles avec la multitude, ce qui est le plus sûr moyen de perdre son butin, et surtout de le voir se muer en une chose vulgaire.
Les sages affirment que rien n'a de sens. Les amoureux possèdent une sagesse plus profonde que les sages. Qui aime ne doute pas un instant du sens des choses.
Quand on est destiné à devenir un coupable, il n'est pas nécessaire d'avoir quelque chose à se reprocher.
Je ne crois pas au diable. Croire en lui, c'est inutile. Il y a bien assez de mal sur terre sans en rajouter une couche.
La bonté mal pratiquée n'est pas de la bonté.
Si le tueur à gages est le seul à commettre si souvent le crime parfait, c'est parce qu'on lui désigne des victimes dont il ignore tout.
Un spectateur inculte et sincère qui entend du nô pour la première fois ne peut éprouver qu'un profond malaise, comme l'étranger qui mange pour la première fois l'âpre prune marinée au sel du petit-déjeuner traditionnel japonais.
Barthes a dit : Les bêtises des gens intelligents sont fascinantes.
... personne ne connaît mieux un individu que son assassin.
Dire à quelqu'un que c'est terminé, c'est laid et faux. Ce n'est jamais terminé. Même quand on ne pense plus à quelqu'un, comment douter de sa présence en soi ? Un être qui a compté compte toujours.
Il y a des gens qui pensent ne pas être des mystiques. Ils se trompent. Il suffit d'avoir crevé de soif un moment pour accéder à ce statut. Et l'instant ineffable où l'assoiffé porte à ses lèvres un gobelet d'eau, c'est Dieu.
C'est quand son absence est la plus criante que Dieu est le plus nécessaire.
La liberté, c'était d'être enfin livrés à nous-mêmes. Les adultes ne peuvent pas faire plus beau cadeau aux enfants que de les oublier.