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(Elle) se mit à tapoter, avec une vitesse fulgurante, sur sa calculette dont elle n'avait même pas besoin de regarder le clavier.
Amélie Nothomb
On a déjà tant à aimer quand on ne sait de l'aimée que son prénom.
Le voyage d'affaires est à ce point la négation du voyage qu'il ne devrait pas porter ce nom. Cette activité devrait s'appeler déplacement de commerçant.
En mathématiques, plus par plus font plus, alors que le mot oui multiplié par deux équivaut toujours à une négation.
Vint le moment où la souffrance des autres ne leur suffit plus : il leur en fallut le spectacle.
L'ami, d'après l'enfant, est celui qui le choisit. L'ami est celui qui lui offre ce qui ne lui est pas dû. L'amitié est donc pour l'enfant le luxe suprême - et le luxe est ce dont les âmes bien nées ont le plus ardent besoin.
Même un être intelligent a besoin d'explication quand il est confronté à une pensée nouvelle et inconnue.
A quoi serviraient les morts, sinon à aimer les vivants davantage ?
Vivre signifie refuser.
Le seul mauvais choix est l'absence de choix.
Il ne faut rien connaître à rien pour penser que l'on peut changer quelqu'un. Les gens changent seulement si cela vient d'eux, et il est rarissime qu'ils le veuillent réellement.
La guerre est dans la nature humaine.
Aucune loi n'interdit les fantasmes.
Grâce à l'ennemi, ce sinistre accident qu'est la vie devient une épopée.
Le mal trouve toujours son origine dans l'esprit. Sans le garde-fou du corps, la nuisance spirituelle va pouvoir commencer.
L'esprit humain souffre d'une carence intellectuelle fondamentale : pour qu'il comprenne la valeur d'une chose, il faut le priver de cette chose. L'absence lui parle sa langue maternelle ; la présence, c'est de l'hébreu pour lui.
La vie commence là où commence le regard.
Un livre est un bibelot que l'on contemple pour se consoler du monde.
Nous sommes dans cette situation luxueuse d'être au même instant l'auteur et le lecteur : un écrivain qui créerait pour son propre enchantement. Nul besoin de stylo ou de clavier lorsque l'on écrit dans le tissu de son délice.
Le Bien ne laisse aucune trace matérielle - et donc aucune trace, car vous savez ce que vaut la gratitude des hommes. Rien ne s'oublie aussi vite que le Bien.
Les gens qui aiment sont toujours intarissables sur l'objet de leur amour.
Il y aura toujours dans la foule un crétin qui, sous prétexte qu'il ne comprend pas, décrétera qu'il n'y a rien à comprendre.
Le risque, c'est la vie même. On ne peut risquer que sa vie. Et si on ne la risque pas, on ne vit pas.
L'avantage des nuisances est qu'elles poussent les individus jusque dans leurs derniers retranchements.
Les peuples tiennent à leurs ancêtres martyrs. C'est la seule aristocratie qui ne leur soit jamais contestée.
Je n'ai rien contre l'espèce humaine, j'ai de l'inclination pour l'amitié et l'amour, mais je ne conçois l'action que solitaire. Comment voulez-vous accomplir de grandes choses avec quelqu'un dans les pattes ?
Ecrire convoque un important segment du corps : c'est une application physique de la pensée.
Croyez-vous que les gens malades de culpabilité aient besoin d'un motif sérieux ?
Il paraît que l'essentiel du terrorisme international se recrute parmi les enfants de diplomates. Cela ne m'étonne pas.
Te voici dans mon étreinte qui a pour anagramme éternité.
A quoi sait-on qu'une personne âgée n'a plus toute sa tête ? Il y a comme un flottement. Ce n'est pas elle qui a perdu face à nous, c'est nous qui sommes perdus face à elle.
La force d'inertie, c'est la puissance du larvaire.
Tu ne m'as rien donné et je souffre ! Je t'ai sauvée et tu me laisses crever de faim ! Et j'aurai faim jusqu'à ma mort ! Et tu trouves ça juste !
Quand on achève un livre de Duras, on éprouve une frustration. C'est comme une enquête au terme de laquelle on a peu compris. On a entrevu des choses au travers d'une vitre dépolie. On sort de table en ayant faim.
Entre ce qui a eu lieu et ce qui n'a pas eu lieu, il n'y a pas plus de différence qu'entre plus zéro et moins zéro.
Les humains se plaignent, à raison, des imperfections du corps. L'explication coule de source : que vaudrait la maison dessinée par un architecte sans domicile ? On n'excelle que dans ce dont on a la pratique quotidienne. Mon père n'a jamais eu de corps. Pour un ignorant, je trouve qu'il s'en est fabuleusement bien tiré.
L'hygiène sanitaire ne va pas sans hygiène mentale.
Le regard est un choix. Celui qui regarde décide de fixer sur telle ou telle chose et donc forcément d'exclure de son attention le reste de son champ de vision. C'est en quoi le regard, qui est l'essence de la vie, est d'abord un refus.
Le coupable va vers son châtiment comme l'eau vers la mer, comme l'offensé vers sa vengeance.
L'oeuvre a besoin du mystère de l'attente. Il est bon, quand on crée, de ne pas nier le temps.
Le monde extérieur me choque par sa vulgarité et son ennui.
Il y a un réconfort que seul le grand champagne procure.
La condescendance est la forme de mépris que j'exècre le plus. Et franchement, je ne suis pas en situation de mépriser l'humanité.
La philologie mène au crime.
Jamais vous ne verrez deux femmes se battre sainement à coups de poing ni même s'envoyer une solide bordée d'injures : chez elles, c'est le triomphe des coups bas, des petites phrases immondes qui font tellement plus de mal qu'un direct dans la mâchoire.
L'amour est une question de foi. La foi est une question de risque. Je ne pouvais pas supprimer ce risque. C'est ce que Dieu a fait au Jardin. Il a aimé sa créature au point de ne pas supprimer le risque.
Un fossé me sépare désormais des autres. Ils ne savent pas, ils ne comprennent pas.
On lit pour découvrir une vision du monde.
Aussi longtemps que je suis là, il ne risque pas de zigouiller une nouvelle femme.
Mais mon pouvoir de séduction était tel que les moustiques ne se laissaient pas dissuader pour si peu. Je recevais l'énorme charge d'amour de cette gent vrombissante avec une résignation qui, le supplice passé, se muait en grâce.