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On parle souvent de l'enchantement des livres. On ne dit pas assez qu'il est double. Il y a l'enchantement, et il y a celui d'en parler.
Amin Maalouf
Toutes les voluptés se paient, ne méprise pas celles qui disent leur prix.
Peut-être l'écriture n'éveille-t-elle les passions que pour mieux les éteindre, comme à la chasse ces rabatteurs qui débusquent le gibier pour l'exposer aux flèches.
Ne t'inquiète de rien, la réalité a deux visages, les hommes aussi.
Nous sommes les générations arrogantes qui sont persuadées qu'un bonheur durable leur a été promis à la naissance - promis ? mais par qui donc ?
Les idées que tu forges avec les pieds et qui remontent vers la tête te réconfortent et te stimulent, celles qui descendent de la tête aux pieds t'alourdissent et te découragent.
Le combat d'homme à homme implique un certain degré d'estime mutuelle, même à l'heure de donner la mort ; à l'inverse, dans une exécution, on tue et on humilie à la fois.
Si je voyais sur ce prunier un bourgeon fleuri et que je dise c'est une prune, est-ce que j'aurai menti ? Pas du tout, j'aurais simplement précédé la vérité d'une saison.
J'imagine qu'elle avait dû s'excuser et faire cent mimiques avant d'oser s'immiscer dans ce qui ne la regardais pas, sa vie.
Je ne communique pas mes jugements, je ne suis pas un donneur de leçons, l'observation du monde ne suscite chez moi qu'un dialogue intérieur, un interminable dialogue avec moi-même.
J'ai appris à parler du bonheur, à être heureux je n'ai point appris.
L'amour comme dérobade, l'étreinte comme ultime argument, la jouissance en points de suspension.
Notre maître fait savoir aux poètes ici présents qu'il en a assez d'entendre répéter toujours les même thèmes, il ne veut plus être comparé ni à un lion, ni à un aigle, et encore moins au soleil. Que ceux qui n'ont rien d'autres à dire s'en aillent.
Pour qu'une entreprise réussisse, il faut faire le contraire de ce que disent les femmes.
Au nom du progrès, de la justice, de la liberté, de la nation, ou de la religion, on ne cesse de nous embarquer dans des aventures qui se terminent en naufrages.
La sagesse est un chemin de crête, la voie étroite entre deux précipices, entre deux conceptions extrêmes.
"Le pire des gouvernants n'est pas encore celui qui te bastonne, c'est celui qui t'oblige à te bastonner toi-même", conclut-il.
Ce n'est pas l'ivrognerie qu'il craint, il sait qu'il ne s'y abandonnera pas, le vin et lui ont appris à se respecter, jamais l'un d'eux ne répandrait l'autre sur le sol.
Ce serait simple si, sur les chemins de la vie, on devait juste choisir entre la trahison et la fidélité. Bien souvent on se trouve contraint de choisir plutôt entre deux fidélités inconciliables ; ou, ce qui revient au même, entre deux trahisons.
Nos corps peuvent prolonger nos mots, ils ne peuvent les remplacer ni les démentir.
La mort a sa propre sagesse, il faut parfois s'en remettre à elle plus qu'à soi-même. Qu'aurait pu me dire l'ancien ami ? Des mensonges, des vérités travesties. Et moi, pour ne pas me montrer impitoyable envers un moribond, j'aurais fait mine de le croire et de lui pardonner.
Chez les miens, on a toujours jeûné le ramadan. C'était naturel, ça allait de soi, on n'en faisait pas toute une histoire. De nos jours, il ne suffit plus de jeûner, il faut aussi montrer à tout le monde que l'on jeûne, et il faut surveiller de près ceux qui ne jeûnent pas.
L'amour n'est pas un fil rouge qu'il faudrait séparer des fils blancs, ou noirs, ou dorés, ou rosâtres, qui auraient pour noms "amitié", "désir", "passion", ou Dieu sait quoi d'autre.
A un homme qui voit, on peut cacher la vérité mentir est quelquefois une habileté nécessaire. Mais à celui dont les yeux sont éteints, mentir est misérable, une bassesse, une indignité.
S'accommoder de l'ignorance, c'est renier la démocratie, c'est la réduire à un simulacre.
La sagesse est la vertu oubliée de notre temps. Un savant qui n'est pas aussi un sage est, soit dangereux, soit, dans le meilleur des cas, inutile.
Seuls se félicitent d'être arrivés ceux qui se savent incapables d'aller plus loin.
La magnanimité appelle la magnanimité, l'indifférence appelle l'indifférence, et le mépris appelle le mépris. Telle est la charte des êtres libres et, pour ma part, je n'en reconnais aucune autre.
L'indulgence des puissants n'est jamais que la promesse d'une plus grande calamité à venir.
L'identité n'est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de l'existence.
La route quelquefois s'agrémente de fables, comme le sommeil s'agrémente de songes, il faut savoir ouvrir les yeux à l'arrivée.
Je suis venu à la rencontre d'un fantôme d'ami, et je suis déjà un fantôme moi-même.
Il ne suffit pas de tuer nos ennemis, leur enseigne Hassan, nous ne sommes pas des meurtriers mais des exécuteurs, nous devons agir en public, pour l'exemple. Nous tuons un homme, nous en terrorisons cent mille.
L'amour se nourrit de patience autant que de désir.
L'émigrant doit être prêt à avaler chaque jour sa ration de vexations, il doit accepter que la vie le tutoie, qu'elle lui tapote sur l'épaule et sur le ventre avec une familiarité excessive.
Visiter les lieux de son enfance, c'est une pratique masochiste. On cherche à être déçu et, pas de surprise, on l'est.
Mieux vaut se tromper dans l'espoir qu'avoir raison dans le désespoir.
Quoi de plus simple que de mimer la loyauté, elle n'est jamais plus vraie que dans les bouches menteuses.
La mémoire des mots se perd, pas celle des émotions.
L'amour est toujours une intrusion. Le hasard se fait chair, la passion se fait raison.
La seule chose importante, pour moi comme pour tous les humains, c'est d'être venu au monde. Au monde ! Naître, c'est venir au monde, pas dans tel ou tel pays, pas dans telle ou telle maison.
Un signe. Que de fois ai-je entendu ce mot, et celui de "présage" ! Tout devient signe ou présage pour qui est à l'affût, prêt à s'émerveiller, prêt à interpréter, prêt à imaginer des concordances et des rapprochements.
Le destin passe et repasse à travers nous comme l'aiguille du cordonnier à travers le cuir qu'il façonne.
Ce n'est pas dans l'apparat que l'on échappe à la misère humaine.
Nous le savons à présent, les moyens d'information répandent l'inconscience aussi sûrement que la lumière répand l'ombre ; plus le projecteur est puissant, plus l'ombre est épaisse.
Il y a des bras de femmes qui sont des lieux d'exil, et d'autres qui sont la terre natale.
Nul ne peut apprendre un métier sans meurtrir ses mains ou sa bourse.
En dehors de l'aventure humaine, nous ne sommes rien. L'histoire, c'est simplement le récit de l'aventure humaine, varié selon les époques, les pays différents
Pour connaître le monde, il suffit de l'écouter. Ce que l'on voit dans les voyages n'est jamais qu'un trompe-l'oeil. Des ombres à la poursuite d'autres ombres.
Quand on me dit qu'une personne est arrivée, je suis tentée de demander où, et par quels moyens, et dans quel but ! Seuls se félicitent ceux qui se savent incapables d'aller plus loin.