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Le secret, c'est qu'il n'y a pas de secret. Nous sommes des petits enfants égoïstes et malheureux, pleins de peur et de colère...
André Comte-Sponville
"J'ai décidé de ne plus mentir", disait-il. De fait, ses amis remarquaient qu'il parlait de moins en moins.
Partir, c'est mourir un peu. Ecrire, c'est vivre davantage.
Nul, moralement, ne peut être jugé que par Dieu, s'il existe, ou par soi, et cela fait une existence suffisante.
Ce n'est pas parce que le sage est plus heureux que nous qu'il aime la vie davantage. C'est parce qu'il l'aime davantage qu'il est plus heureux.
Celui à qui la vie suffit, de quoi pourrait-il manquer ?
La peur du gendarme est le contraire de la vertu, ou ce n'est vertu que de prudence.
La morale commence là où aucune punition n'est possible, là où aucune répression n'est efficace, là où aucune condamnation, en tout cas extérieure, n'est nécessaire.
On est jamais trop lucide, et mieux vaut, dans le doute, noircir le tableau au moins intellectuellement, que l'enjoliver : cela évitera imprudences et désillusions.
On ne peut aller toujours au plaisir par le plus court chemin. Le réel impose sa loi, ses obstacles, ses détours. La prudence est l'art d'en tenir compte : c'est le désir lucide et raisonnable.
On craint mille morts, et l'on n'en vit jamais qu'une... Toute angoisse est imaginaire ; le réel est son antidote.
Tout à la fin de sa vie, le sage comprit que la sagesse non plus n'avait pas d'importance. La sagesse n'existe pas : il n'y a que des sages.
Ce n'est pas l'originalité que je cherche : une idée que personne n'aurait jamais eue, cela a toute chance d'être une sottise !
La pureté n'est pas la continence, la pudibonderie ou la chasteté : il y a pureté à chaque fois que l'amour cesse d'être mélangé d'intérêt. La seule pureté, c'est l'amour pur.
C'est l'amour qui fait vivre, puisque c'est lui qui rend la vie aimable. C'est l'amour qui sauve c'est donc lui qu'il s'agit de sauver.
Pour dire la chose très simplement, cette sagesse du désespoir que j'évoque, ce "gai désespoir", consiste en une démarche très simple : il s'agit d'espérer un peu moins et d'aimer un peu plus.
La politesse est la première vertu, et l'origine peut-être de toutes.
Toute angoisse est imaginaire ; le réel est son antidote.
Qu'on se le dise la jalousie est un zèle égoïste et malheureux.
Cela me fait penser à cette devinette, qui nous vient d'Europe centrale : Sais-tu quelle différence il y a entre un optimiste et un pessimiste ? - Le pessimiste est un optimiste bien informé.
Si vous retirez de l'homme ce qui est illusoire, vous retirez tout ce qui est humain.
N'attendons pas d'être sauvés pour être humains.
Quand on est heureux, on n'a plus rien à espérer.
L'essentiel ? La liberté de tous, la dignité de chacun, et les droits, d'abord, de l'autre.
Si la philosophie ne nous aide pas à être heureux, ou à être moins malheureux, à quoi bon la philosophie ?
Quand la loi est injuste, il est juste de la combattre - et il peut être juste, parfois, de la violer. Justice d'Antigone, contre celle de Créon. Des résistants, contre celle de Vichy. Des justes, contre celle des juristes.
Le style, c'est l'homme ; quand le style est obscur, il faut déjà s'inquiéter.
Aucune démocratie, aucune république ne serait possible si l'on n'obéissait qu'aux lois que l'on approuve. Oui. Mais aucune ne serait acceptable s'il fallait, par obéissance, renoncer à la justice ou tolérer l'intolérable.
Toute la dignité de l'homme est dans la pensée ; toute la dignité de la pensée est dans la mémoire.
Philosopher, c'est penser sans preuves, mais point penser n'importe quoi, ni n'importe comment.
Méfions-nous de ces Savanarole, que le Bien aveugle. Trop attachés aux principes pour considérer les individus, trop sûrs de leurs intentions pour se soucier des conséquences.
Aimer la vérité jusqu'au bout, c'est accepter aussi le doute à quoi, pour l'homme, elle aboutit.
Sans doute, et spécialement pour un athée, le courage face à la mort est le courage des courages : parce que le moi n'y peut trouver aucune gratification concrète ou positive.
Une action n'est bonne que si le principe auquel elle se soumet peut être érigé en loi universelle.
La justice n'est pas une vertu comme une autre. Elle est l'horizon de toutes et la loi de leur coexistence. Toute vertu la suppose ; toute humanité la requiert.
Sur le plus haut trône du monde, dit à peu près Montaigne, un roi n'est jamais assis que sur son cul. C'est pourquoi la royauté, pour l'esprit, n'est rien.
La politique nous rassemble en nous opposant : elle nous oppose sur la meilleure façon de nous rassembler !
La philosophie n'est ni science ni religion : chacun y cherche une vérité mais ne trouve jamais que la sienne, qu'il confronte à celle des autres.
Le bonheur est le but de la philosophie. Ou plus exactement, le but de la philosophie est la sagesse, donc le bonheur.
L'essentiel, c'est de ne pas mentir, et d'abord de ne pas se mentir. Ne pas se mentir sur la vie, sur nous-mêmes, sur le bonheur.
L'amour infidèle, ce n'est pas l'amour libre : c'est l'amour oublieux, l'amour renégat, l'amour qui oublie ou déteste ce qu'il a aimé et qui dès lors s'oublie ou se déteste lui-même. Mais est-ce encore de l'amour ?
Nous n'avons besoin de morale que faute d'amour.
Tu vaux ce que tu veux, et c'est ce qu'on appelle la vertu.
Notre époque, qui préfère les poètes aux philosophes et les enfants aux sages, tend à oublier que la tempérance est une vertu, pour ne plus y voir qu'une hygiène. Pauvre époque, qui ne sait mettre au-dessus des poètes que les médecins !
"Qu'est-ce que je serais heureux si j'étais heureux !" Cette formule de Woody Allen dit peut-être l'essentiel : que nous sommes séparés du bonheur par l'espérance même qui le poursuit.
Toute vertu est un sommet, entre deux vices, une ligne de crête entre deux abîmes.
Si le Royaume est en nous, et si nous sommes dans le Royaume, à quoi bon la foi et l'espérance ? Plus rien n'est à croire ; tout est à connaître. Plus rien n'est à espérer ; tout est à aimer.
Que dois-je faire ? et non pas : Que doivent faire les autres ? C'est ce qui distingue la morale du moralisme.
Rien n'est pur ou impur de soi. La même salive fait le crachat ou le baiser ; le même désir fait le viol ou l'amour. Ce n'est pas le sexe qui est impur : c'est la force, la contrainte.
La pureté n'est pas l'angélisme. Il y a une pureté de corps, une innocence du corps, et dans la jouissance même : pura voluptas, disait Lucrèce, le pur plaisir, auprès de quoi c'est la morale qui est obscène.