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C'est en faisant bien l'homme, ou la femme, qu'on aide l'humanité à se faire.
André Comte-Sponville
On n'est jamais trop volontaire, jamais trop actif, jamais trop résolu. Mieux vaut agir qu'espérer ou trembler. C'est la sagesse des stoïciens, ou plutôt c'est ce qu'il y a de stoïcien en toute sagesse.
Le sage épicurien pratique la culture intensive plutôt qu'extensive de ses voluptés.
La politique n'est pas là pour faire le bonheur des hommes. Elle est là pour combattre le malheur - et elle seule, à l'échelle d'un pays ou du monde peut le faire efficacement.
Le désir de vérité, qui est l'essence de la bonne foi, reste en cela soumis à la vérité du désir, qui est l'essence de l'homme : être fidèle au vrai ne saurait dispenser d'être fidèle à la joie, à l'amour, à la compassion.
Si quelqu'un vous dit : Je suis joyeux à l'idée que tu existes, vous prendrez cela pour une déclaration d'amour, et vous aurez évidemment raison.
La générosité est à la fois conscience de sa propre liberté et ferme résolution d'en bien user. Conscience et confiance, donc : conscience d'être libre, confiance en l'usage qu'on en fera. C'est pourquoi la générosité produit l'estime de soi.
Une bonne intention peut aboutir à des catastrophes, et la pureté des mobiles, fût-elle avérée, n'a jamais suffi à empêcher le pire.
La liberté de l'esprit est le seul bien, peut-être, qui soit plus précieux que la paix. C'est que la paix, sans elle, n'est que servitude.
A l'extrême, la fin, c'est-à-dire la réalisation même du projet, s'efface devant les moyens : la fin justifie les moyens et tous les moyens sont bons, c'est la réussite à tout prix, sans scrupule, voire au dépens d'autrui.
La vérité n'appartient pas au moi, c'est le moi qui lui appartient et qu'elle contient et qu'elle traverse et qu'elle dissout. Le moi est mensonger toujours, illusoire toujours.
La justice n'existe pas, et n'est une valeur, même, qu'autant qu'il y a des justes pour la défendre.
L'homme humble ne se croit - ou ne se veut - pas inférieur aux autres : il a cessé de se croire - ou de se vouloir - supérieur.
Le salut sera inespéré ou ne sera pas.
"Le contraire de prier c'est rire" ai-je écrit quelque part. Mais on ne peut pas toujours rire : devant les plus grandes choses, il faut prier, pleurer ou se taire. - Tais-toi.
Mieux vaut une vraie tristesse à une fausse joie.
Rien de ce qu'on peut posséder n'est pur. La pureté est pauvreté, dépossession, abandon. Elle commence où s'arrête le moi, où il ne va pas, où il se perd.
Philosopher c'est apprendre à vivre, non à mourir. Pourquoi apprendrait-on à mourir, d'ailleurs, puisque on est sûr d'y arriver, puisque c'est le seul examen, comme disait un vieux professeur, que personne n'ait jamais raté ?
La tempérance - comme la prudence, et comme toutes les vertus peut-être - relève donc de l'art de jouir : c'est un travail du désir sur lui-même, du vivant sur lui-même. Elle ne vise pas à dépasser nos limites, mais à les respecter.
Disons-le en une formule : l'amour pur, c'est le contraire de l'amour-propre.
La philosophie est une pratique discursive, qui a la vie pour objet, la raison pour moyen, et le bonheur pour but. Il s'agit de penser mieux, pour vivre mieux.
On n'échappe pas à l'ego on n'échappe pas au principe de plaisir. Mais trouver son plaisir dans le service d'autrui, trouver son bien-être dans l'action généreuse, loin que cela récuse l'altruisme, c'est sa définition même et le principe de la vertu.
Que vaut l'absoluité des principes, si c'est au détriment de la simple humanité, du bon sens, de la douceur, de la compassion ?
La science - toute science - est sans conscience ni limites.
La politesse est une petite chose, qui en prépare de grandes.
Aimer, c'est pouvoir jouir ou se réjouir de quelque chose. Ainsi celui qui aime les huîtres, par opposition à qui ne les aime pas.
Tout homme qui se laisse aller est triste. Tout homme qui agit l'est moins.
Espérer, c'est désirer sans jouir, sans savoir et sans pouvoir.
Philosopher, c'est penser sa vie et vivre sa pensée.
La morale commence où nous sommes libres : elle est cette liberté même, quand elle se juge et se commande.
Comment n'aimerait-on pas l'argent ? Il faudrait n'aimer rien, puisque l'argent mène à tout.
L'homme n'est pas Dieu. Faisons au moins en sorte, et l'on n'en a jamais fini, qu'il soit a peu près humain.
La douceur est une vertu féminine. C'est pourquoi peut-être elle plait surtout chez les hommes.
Les optimistes ont bien de la chance. Les pessimistes, bien du travail. Que les premiers n'oublient pas d'être prudents, ni les seconds d'aimer la vie.
Parler d'amour n'a jamais suffi à être amoureux ou à s'aimer.
La politesse rend le méchant plus haïssable parce qu'elle dénote en lui une éducation sans laquelle sa méchanceté, en quelque sorte, serait excusable.
La morale n'est légitime qu'à la première personne. La morale ne vaut que pour soi ; pour les autres, la miséricorde et le droit suffisent.
Le pessimisme est une tristesse, qui finirait par nous décourager de vivre. Or c'est la joie qui est bonne, c'est le courage qui est nécessaire.
Les livres n'ont pas d'importance : il n'y a que la vie qui importe, et seuls méritent d'être lus les livres qui se mettent à son service - seuls méritent d'être lus, en conséquence, les auteurs qui savent que les livres n'ont pas d'importance !