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Nos malheureux frères sont devenus français, allemands, turcs et chinois peut-être, s'imaginant que cessant d'être juifs ils en finiraient avec la souffrance.
André Schwarz-Bart
Et loué. Auschwitz. Soit. Majdanek. L'Eternel. Treblinka. Et loué. Buchenwald. Soit. Mauthausen. L'Eternel. Belzec. Et loué. Sobibor. Soit. Chelmno. L'Eternel. Ponary. Et loué. Theresienstadt. Soit. Varsovie. L'Eternel. Vilno. Et loué. Skarzyzko. Soit. Bergen-Belsen. L'Eternel. Janow. Et loué. Dora. Soit. Neuengamme. L'Eternel. Pustków Pustków. Et loué…
Et puis quoi, t'imaginais tout de même point que je vais te débarquer, je suis pas assez malin pour ça. Prends un type qu'est vraiment malin, c'est bien rare qu'il soit un bon gars.
Il pensa aux montagnes de chair partie en fumée et il crut que sa respiration s'arrêtait. Il se planta devant le miroir et dit ; "Que fais-tu là, ta place n'est pas ici, tu sais bien où est ta place. Elle est avec les tiens ; tu es un juif mort."
Les statistiques montrent que le pourcentage de suicides, parmi les Juifs d'Allemagne, fut pratiquement nul durant les années qui précédèrent la fin... Cependant, dès l'année 1934, c'est par dizaines et dizaines que les petits écoliers juifs d'Allemagne se portèrent candidats au suicide ; et par dizaines qu'ils y furent admis.
Ils avaient tous des yeux comme je n'en avais jamais vu et comme j'espère, j'en verrai jamais plus de cette vie. Et quand je t'ai vu pour la première fois (...) J'ai tout de suite reconnu tes yeux. Tu comprends ?
La seule simplicité de l'Holocauste était celle-ci ; les juifs étaient morts pour rien, strictement pour rien, une bouffée délirante dans le cerveau d'un homme quelconque, Adolf Hitler… C'était l'impression fondamentale qu'il conservait de cette époque ; les gens mouraient sans comprendre terrassés par l'absurde.
Nos yeux reçoivent la lumière d'étoiles mortes. Une biographie de mon ami Ernie tiendrait aisément dans le deuxième quart du XXe siècle ; mais la véritable histoire d'Ernie Lévy commence très tôt, vers l'an mille de notre ère, dans la vieille cité anglicane de York. Plus précisément le 11 mars 1185.
Quel feu ancestral et sévère s'était donc allumé au sein des tièdes âmes juives de Stillenstadt, assoupies depuis cent ans en cette calme province rhénane, et qui brusquement découvraient, avec la persécution, le sens vertigineux de la condition juive ?
Il est admirable que dans le temps où ils enseignaient le meurtre aux écoliers aryens, les instituteurs enseignaient aux enfants juifs le suicide ; ce point illustre la technique allemande, son extrême rigueur et simplicité, dont elle ne se départit pas même en pédagogie.
L'Éternel voit aujourd'hui ce qui ne s'est jamais vu, depuis deux mille ans d'exil : revêtus d'armures étrangères, parlant des langues différentes et adorant des idoles sans visage, les Juifs se tuent entre eux ! Malédiction !... Et s'asseyant à même le sol, le Juste couvrit ses cheveux blancs de poussière et se balança en poussant des cris d'animal blessé.
Ainsi donc, cette histoire ne s'achèvera pas sur quelque tombe à visiter en souvenir. Car la fumée qui sort des crématoires obéit tout comme une autre aux lois physiques : les particules s'assemblent et se dispersent au vent, qui les pousse. Le seul pèlerinage serait, estimable lecteur, de regarder parfois un ciel d'orage avec mélancolie.