Images
Ils sont pleins de tristesse voilée, où perce une pointe de feu, le grain noir de la prunelle, qui tantôt s'éteint dans la rêverie, tantôt luit en vrille.
André Suarès
La vie est le don propre de l'artiste. Il peut y avoir des poètes tant qu'on voudra, de belles idées, de nobles formes : la vie seule est la marque de l'art. Où il y a un homme vivant, il y a une oeuvre d'art.
Comme on fait la guerre avec le sang des autres, on fait fortune avec l'argent d'autrui.
Le luxe est le pain de ceux qui vivent de brioche.
La pitié pour la femme qu'on aime moins qu'on n'est aimé est une terrible passion.
Pourquoi Mistral n'est pas Virgile ? Parce qu'il n'a pas écrit en français.
Venise : quelle ville pour les marins ! Tout flotte et rien ne roule. Un silence divin !
La voix ne trompe point même si les paroles trompent.
Le vrai bonheur est une contemplation active. Il ne peut être que dans les idées, pour l'élite des hommes. Et pour le commun, dans l'action.
Entre amants, il n'y a que les coups et les caresses.
Tout un monde qui n'a pas réussi, mais qui, tout de même a continué sa croissance dans la honte, le péché, la coquinerie, la crapule et les remords.
La foule est la bête élémentaire, dont l'instinct est partout, la pensée nulle part.
Nos idées ne sont si fortes et ne nous sont d'un si grand prix, que parce qu'à la longue elles nous façonnent.
La fausse vertu est à la portée de tout le monde. Un beau vice, non.
L'art est le lieu de la liberté parfaite.
Quand donc conviendrez-vous que tous les hommes sont des mendiants, des insolvables et des mourants ?
Telle est la récompense infinie de l'amour : un oubli de soi.
La vérité profonde, c'est l'émotion.
La pudeur est le parfum de la volupté ; la satiété est l'arôme du dégoût. Et la pudeur accroît la volupté, comme la satiété l'écoeure.
Où il n'y a ni forme ni ordre, il n'y a rien.
L'erreur des démocrates est de croire que leur vérité en soit une pour tout le monde, et force l'adhésion.
Le goût est le génie du talent.
Le caractère, c'est-à-dire la passion d'être soi, à tout prix.
La mode est la plus excellente des farces, celle où personne ne rit car tout le monde y joue.
Il travaille toujours seul ; il ne confie jamais à personne ce qu'il fait ; nul ne connaît rien de ses drames.
Une famille nombreuse, et plusieurs serfs domestiques, se pressaient dans un espace étroit : à dix ou douze, ils avaient deux chambres et une cuisine.
Le péril de la France, et la vie que les hommes donnent pour elle ont tant de grandeur, que l'horreur immonde de la guerre en est elle-même effacée.
L'humour n'est pas du tout le sens du ridicule : il va bien au-delà. L'humour est la possession exquise et légère de l'objet par l'esprit. Rien n'est plus désintéressé que le véritable humour. L'humour ne va pas sans une libre critique de soi-même.
L'identité de la force et du droit est évidente pour la raison. Il n'y a point de victimes dans le monde ; il n'y a que des infirmes et des anémiques.
Les enfants ne se lassent pas de jouer ; et les savants ne se lassent pas de comprendre, comme ils disent.
Ses larges manchettes, roides d'empois, laissaient tomber des mains pâles et maigres.
Les femmes ne peuvent pas être libres. C'est pourquoi la morale est leur fausse liberté. Elles sont la morale incarnée comme tous les esclaves. Les patriciens, eux, ont leurs dieux et leur honneur.
Quant à Judas, c'est une idée commune d'en avoir fait, par la laideur, l'étalon invariable de la scélératesse.
Ses doux yeux d'ardoise étaient exténués ; les paupières gonflées enchâssaient le regard d'une lumière pâle.
La faim est un droit pour tous ceux qui n'ont d'autre loi que l'appétit.
Le christianisme a créé le monde intérieur.
L'ambition est la seule maîtresse dont l'homme ne se lasse jamais ; elle lui rend le goût de lui-même. Et quand même elle nous trompe, on ne se résout pas à la tromper.
Un rêve et un rêveur, voilà le terme de la nature et de la pensée.
La poésie est une éternelle jeunesse qui ranime le goût de vivre jusque dans le désespoir.
Le bel âge est à plus de cinquante ans, et moins de soixante : tout y est tragique, la mort est derrière la toile pour faire le dénouement.
Un peuple de pêcheurs, de matelots et de petits fermiers, qui dépendent de quelques gros marchands.
C'est aux passions seulement que les idées empruntent la vie.
La manie de confondre la religion dans la morale n'est pas le fait d'un esprit bien libre.
Si l'on regarde au fond de ce solitaire, sous une triple cuirasse de froideur indulgente, d'ordre poussé jusqu'aux minuties, et de politesse, il y a, d'abord, l'amour ardent de la vie, et l'instinct de la domination.
Ce n'est pas assez qu'il suive des yeux les mouvements d'une ville, le concours de toutes ces fourmis dans les tranchées et les tunnels de la fourmilière.
Le désordre est bien puissant quand il s'organise.
Le seul profond désir que l'on garde est la plus profonde prison.
La force et la faiblesse des Juifs est en ce qu'ils oublient facilement la mort : la vie suffit à les occuper.
Le sexe est le cerveau de l'instinct.
Aimer pour être toujours trahi : si tu ne l'es pas par l'objet de ton amour, tu l'es par la vie.