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Rien n'est plus irréconciliable et plus cruel que la jalousie : et pourtant nous sommes constamment et avant tout préoccupés d'éveiller la jalousie !
Arthur Schopenhauer
L'Etat n'est que la muselière dont le but est de rendre inoffensive cette bête carnassière, l'homme, et de faire en sorte qu'il ait l'aspect d'un herbivore.
C'est précisément dans les petites choses, où il ne songe pas à soigner sa contenance, que l'homme dévoile son caractère.
Les Juifs sont le peuple choisi de leur Dieu et il est le Dieu choisi de son peuple ; cela ne regarde personne.
Ainsi, nous sommes quasi obligés d'être malhonnête lors de controverse, ou tout du moins légèrement tentés de l'être. De cette façon, la faiblesse de notre intelligence et la perversité de notre volonté se soutiennent mutuellement.
Dans l'âge mûr, on s'entend mieux à se garder contre le malheur, dans la jeunesse à le supporter.
La prière : Ne nous induis pas en tentation, veut dire : Ne me laisse pas voir ce que je suis.
Quelle folie de regretter et de déplorer d'avoir négligé de goûter dans le passé tel bonheur ou telle jouissance ! Qu'en aurait-on maintenant de plus ? La momie desséchée d'un souvenir.
Exiger l'immortalité de l'individu, c'est vouloir perpétuer une erreur à l'infini.
Le sommeil est pour l'ensemble de l'homme ce que le remontage est à la pendule.
Celui qui monte en ballon ne voit pas qu'il s'élève, mais voit au contraire la terre s'abaisser toujours plus profondément. Qu'est-ce que cela ? Un mystère que comprennent seuls ceux qui y consentent.
Autant les hommes ont peu d'aptitude et de curiosité pour les vérités générales, autant ils sont avides de vérités individuelles.
La vertu ne s'apprend pas plus que le génie.
Ce qui nous chagrine, dans un malheur, ce n'est pas tant le malheur que la pensée de telle ou telle circonstance qui, changée, eût pu nous l'épargner.
Ainsi, le besoin de société, né du vide et de la monotonie de leur vie intérieure, pousse les hommes les uns vers les autres ; mais leurs nombreuses manières d'être antipathiques et leurs insupportables défauts les dispersent de nouveau. La distance moyenne qu'ils finissent par découvrir et à laquelle la vie en commun devient possible, c'est la politesse et les belles manières.
Attribuer une haute valeur à l'opinion des hommes, c'est leur faire trop d'honneur.
La meilleure occasion pour éprouver la sincérité d'un ami, c'est le moment où vous lui annoncerez un malheur qui vient de vous frapper.
Quand on veut vivre parmi les hommes, il faut laisser chacun exister et l'accepter avec l'individualité, quelle quelle soit, qui lui a été départie.
Le sage n'aspire pas au plaisir, mais à l'absence de souffrance : Aristote, Ethique à Nicomaque. Nous voyons que le mieux qu'on puisse trouver au monde est un présent sans souffrance, qu'on puisse supporter paisiblement.
Ces hommes qui, mus par leurs désirs et leur espérance, vivent uniquement dans l'avenir, les yeux toujours dirigés en avant, courant avec impatience au devant des choses futures.
Les autres parties du monde ont des singes ; l'Europe a des Français. Cela se compense.
Aussi infailliblement que le chat se met à ronronner quand on lui caresse le dos, aussi sûrement on voit une douce extase se peindre sur la figure de l'homme qu'on loue.
Ce qui rend les hommes sociables est leur incapacité à supporter la solitude et donc, eux-mêmes.
Le matin, c'est la jeunesse du jour : tout y est gai, frais et facile ; nous nous sentons vigoureux et nous disposons de toutes nos facultés. Il ne faut pas l'abréger en se levant tard, ni la gaspiller en occupations ou en conversations vulgaires.
Dans chaque être vivant se trouve en entier le centre du monde.
Pour la vérité un triomphe d'un instant sépare seul le long espace de temps où elle fut taxée de paradoxe, de celui où elle sera rabaissée au rang des banalités.
Oui, notre folie va jusque-là, de nous faire prendre pour but suprême de nos efforts l'opinion d'autrui.
Entre les désirs et leurs réalisations s'écoule toute la vie humaine.
Ne pas se rendre au théâtre, c'est comme faire sa toilette sans miroir.
Le délire fausse la perception ; la folie fausse la pensée.
Une pitié sans bornes pour tous les êtres vivants, c'est le gage le plus ferme et le plus sûr de la conduite morale...
Qui critique les autres travaille à son propre amendement.
Il vaut mieux manifester sa raison par tout ce que l'on tait que par ce qu'on dit.
Ni haïr, ni aimer fait la première moitié de toute intelligence du monde ; ne rien dire et ne rien croire la deuxième.
Les hommes sont mille fois plus acharnés à acquérir des richesses que la culture, bien qu'il soit parfaitement certain que le bonheur d'un individu dépend bien plus de ce qu'il est que de ce qu'il a.
Les amis se prétendent sincères ; or ce sont les ennemis qui le sont.
La volonté est l'idée.
S'il ne restait que deux hommes au monde, le plus fort n'hésiterait pas une minute, à défaut de suif pour frotter ses bottes, à tuer son unique compagnon afin d'en prendre la graisse.
Une démonstration grandiose de la misérable subjectivité de l'homme qui lui fait tout rapporter à lui-même est offerte par l'astrologie qui met en rapport la trajectoire des grands corps célestes et le misérable moi.
Les lettrés sont ceux qui ont lu dans les livres ; mais les penseurs, les génies, les flambeaux de l'humanité et les pionniers de la race humaine sont ceux qui ont lu directement dans le livre de l'univers.
Un mendiant bien portant est plus heureux qu'un roi malade.
L'homme ordinaire ne se préoccupe que de passer le temps, l'homme de talent que de l'employer.
Ni aimer ni haïr comprend la moitié de toute sagesse ; ne rien dire et ne rien croire, voilà l'autre moitié. Il est vrai qu'on tournera volontiers le dos à un monde qui rend nécessaires des règles comme celles-là et comme les suivantes.
En face d'une oeuvre d'art, il importe de se placer comme en présence d'un prince et de ne jamais prendre la parole le premier. Faute de quoi, l'on risquerait fort de n'entendre que sa propre voix.
N'avoir jamais et d'aucune manière besoin des autres et le leur faire voir, voilà absolument la seule manière de maintenir sa supériorité dans les relations.
Tout le monde sait qu'on allège les maux en les supportant en commun : parmi ces maux, les hommes semblent compter l'ennui, et c'est pourquoi ils se groupe pour s'ennuyer en commun.
Ce qu'un homme est en soi-même, ce qui l'accompagne dans la solitude et ce que nul ne saurait lui donner ni lui prendre, est évidemment plus essentiel pour lui que tout ce qu'il peut posséder ou ce qu'il peut être aux yeux d'autrui.
Presque toutes les langues le disent ; leur mot pour dire vanité, vanitas, signifie vide, néant.
... l'influence calmante qu'exerce la certitude de l'inévitable et du nécessaire.
Le même événement qui se présente d'une façon si intéressante dans la tête d'un homme d'esprit, n'offrirait plus, conçu par un cerveau plat et banal, qu'une scène insipide de la vie de tous les jours.