Images
Le pianiste occasionnel est-il forcément plus inspiré, plus émouvant que le musicien accompli ? Au contraire, c'est une fois son art maîtrisé qu'il peut oublier la technique et improviser, inventer, donner libre cours à ses sentiments.
Belinda Cannone
L'incandescence ou rien
Désir et mélancolie : comme le recto et le verso d'une feuille, inséparables
L'oeuvre d'art peut même nous émerveiller tant que soudain elle nous happe et nous absorbe.
Nous ne vivons pas qu'au présent. Nous sommes des alambics où se déposent les images et les sensations qui, avec le temps, entrent en travail et se redéfinissent. Aucune nostalgie, qui n'est qu'un regret, mais une réinvention de l'émotion, qui est un surcroît, un enrichissement de la sensation première.
A propos de ces baisers dans les lettres : as-tu songé à leur valeur performative ?
Un des sentiments qui poussent le photographe à appuyer sur le déclencheur de son appareil n'est-il pas l'émerveillement ?
L'émerveillement est un frémissement aux marges du sens, de tout sens, il advient dans une pure gratuité, une suspension de questions
Tu n'ignores pas la puissance de cette formule amoureuse, Je t'aime pour toujours, mais tu sais aussi que ce mot, toujours, n'existe pas la permanence... Toujours signifie la négation du temps, le pure présent de la joie : dans l'ordre du sentiment, il n'exprime pas la durée mais l'intensité.
S'émerveiller résulte souvent, devant la beauté du monde comme devant l'invention artistique, d'une déroute de nos habitudes
Et quand l'art nous convie au festin émerveillé, parfois il se pare de la mélancolie qui s'attache à la connaissance de notre finitude. Cette association secrète entre deux sentiments qu'on aurait pu croire contradictoires nous indique que l'émerveillement est souvent composite
Une des vocations de l'art consiste à représenter la dimension secrète et délicieuse du monde, qu'elle nous fait goûter. Une grande partie des images, peintes, photographiées, et peut-être depuis les toutes premières, sur les parois des grottes, témoigne de l'émerveillement devant le visible
Ne jamais craindre la profusion, la générosité des mots et des gestes, l'abondance des déclarations - dire et offrir sans frein. Abonder.
Le regard émerveillé est généreux, il se pose sur le spectacle et en jouit sans vouloir prendre, altérer ou posséder, il ne demande qu'à être partagé
Sa vie traverse la tienne comme une mèche enflammée semant le bonheur et une foudre délicate.
Tu penses à deux vers simples de Roberto Juarroz : Aujourd'hui je n'ai rien fait / Mais quelque chose s'est fait en moi. La lumière qui perce le rideau annonce le printemps.
La joie rend désirable
Cette poésie qui déjoue nos façons d'entendre les mots, qui les démembre puis les réassemble pour les faire sonner selon d'autres réseaux d'autres significations, que provoque-t-elle en moi, sinon l'émerveillement ?
Les animaux, comme le paysage, appartiennent à ce non-moi auquel nous sommes intimement ajustés. Ils sont nos proches dissemblables, nos voisins différents dont la vie secrète nous émeut et dont l'apparence est une des formes les plus saisissantes de la beauté naturelle
On écrit pour apprendre ce qu'on pense, et pour penser enfin jusqu'au bout ce qui végète, inabouti, en soi. C'est pourquoi je me représente toujours l'écriture comme un déploiement
Il faut s'arrêter devant le réel, et cet arrêt seulement rend possible l'émerveillement
Nous sommes des êtres photosensibles. Le même paysage nous transporte ou nous laisse indifférent selon la qualité de lumière qui le baigne. La joie accompagne plus aisément les journées glorieuses- lumineuses.