Images
L'amour, c'est quoi sans le désir ?
Camille Laurens
Il n'y a jamais eu de grande différence pour moi entre le désir et le désir d'écrire - c'est le même élan vital, le même besoin d'éprouver la matérialité de la vie.
En Afrique, je ne sais plus dans quel pays, au Rwanda, je crois, pour dire bonjour on dit "je te vois". C'est magnifique ! Nous, on like sur Facebook, on compte les pouces levés sous nos photos de profil, mais le sens est le même.
Regarder, c'est aussi garder, avoir en garde. Le regard est une réponse, une responsabilité ; regarder nous garde de la barbarie.
On peut séduire n'importe qui avec des mots tracés pour lui sur une feuille de papier. C'est un pouvoir extraordinaire, phénoménal, monstrueux, quoique peu usité : la lettre d'amour est d'une efficacité redoutable, mais méconnue.
Ce qui empêche tout, c'est la peur. Pourquoi avons nous tellement peur de l'amour ?
L'âge du modèle crée une autre sorte de tension ou d'incertitude entre l'enfant et la femme, l'innocence et la sensualité, qui fascine l'artiste.
Tromper, jouer, trahir : les secrets d'amour.
L'ami est rare, en soi. C'est plutôt une figure abstraite, une projection imaginaire ou une mythologie adaptée tant bien que mal à la vie ordinaire. L'ami n'existe pas, en fait, c'est un nom commode donné à quelques-uns.
Je m'étais toujours pliée aux désirs, aux goûts de l'autre, alors soudain je me suis dit : c'est ça l'amour. C'est quelqu'un qui accepte de me partager avec moi.
Ce n'est pas le tout d'être heureux, encore faut-il que les autres ne le soient pas : la devise est connue.
On ne refait pas sa vie à soixante-quinze ans, non, mais on peut bien la commencer.
Au rayon romanesque des amours impossibles, il n'y a pas trente-six solutions, il y en a mille.
J'entrepris de mettre en scène notre future rencontre. Il fallait que ce soit naturel, comme si le hasard se chargeait de devenir un destin.
Les hommes quittent leur femme parce qu'elles ne peuvent plus avoir d'enfants.
La statuette restitue leur présence absente, elle est leur monument, leur requiem.
O vierge Marie, vous qui en avez eu un sans le faire, faîtes que je puisse le faire sans en avoir.
Se faire un roman, c'est se bâtir un asile.
Vous trouvez ça normal vous que l'amour passe ? Qu'il ne fasse que passer ?
Etre à la merci de quelqu'un, voilà qui enlève au mot toute son urbanité et ramène le corps social dans la féodalité, où nous nous voyons malgré nous taillables et corvéables à merci.
L'amour c'est vivre dans l'imagination de quelqu'un. Une fiction, oui. Et alors ? Être aimée, c'est devenir une héroïne. L'amour c'est un roman que quelqu'un écrit sur vous. Et réciproquement. Il faut que ce soit réciproque sinon c'est l'enfer.
Toute lettre d'amour est un calligramme de l'avenir.
Et l'on se prend à détester ce quadragénaire conformiste qui, en modelant la cire, manipule une toute jeune fille à des fins sans rapport avec l'art ni l'esthétique. Sans vouloir que l'art soit une imitation de la vie, faut-il accepter le sacrifice de la créature à l'idéologie suspecte de son créateur ?
Les femmes cherchent l'homme de leur vie, mais parfois il ressemble à l'homme de leur mort, c'est le même, parfois.
Il y a deux choses insupportables dans la littérature : ce sont les récits de rêves et les relations sexuelles prolongées.
On n'oublie jamais ceux qu'on aime. Tout passe tout s'efface hors le souvenir. L'amitié et l'amour les pleureront toujours. Le temps passe les souvenirs restent.
On peut parler des filles et de leur Prince Charmant, mais que dire du rêve que poursuivent les hommes avec au moins autant d'obstination : l'Autre Femme, la femme d'à côté, l'autre côté de la mer ?
C'est simple un corps, c'est une langue simple. Tout le monde la parle, d'ailleurs, mais personne ne la comprend.
Oui, il n'y eut plus au monde que deux sortes d'hommes : les autres, et lui...
Ca ramène aussi la vie, cette parole qui saisit l'autre à distance, où qu'il soit, comme une main sur l'épaule.
Son présent est une projection perpétuelle vers un lendemain qui chante.
Les hommes libres peuvent partir, et quelquefois ils restent. Voilà la plus belle preuve d'amour : prendre la liberté de rester alors qu'on pourrait s'en aller.
Le dîner a été bizarre, hésitant entre le vieux couple mutique et la première rencontre Meetic.
"La femme est l'avenir de l'homme", tu parles ! Non mais la blague… Ou alors, au pluriel, les femmes. Comme les bornes sur le parcours.
La danse me fait pleurer souvent, je ne sais pas pourquoi. Peut-être est-ce l'art qui me dit le mieux que je vais mourir. Peut-être est-ce l'art qui me dit le mieux que je suis vivante. Ou bien me permet-il seulement de "danser sur mes deuils"
Ce serait peut-être une définition de l'amour, celle de Flaubert : la curiosité. Être soudain, tellement curieux de quelqu'un, fou curieux. Connaître l'autre, co-naître, naître au monde avec lui, tel est l'unique projet. La phrase la plus éloignée de l'amour, ce ne serait pas je te hais, mais je ne veux pas te savoir.
Le petit rat ne cesse de répéter jusqu'à épuisement les mêmes gestes, le sculpteur fait, défait et refait sans cesse des modelages toujours imparfaits.
La performance physique n'est tant pas une métaphore de la puissance sexuelle qu'une représentation du désespoir triomphal des hommes, du bond qu'il leur faudrait faire pour n'être plus mortel.
Les hommes mûrissent les femmes vieillissent.
On ne se parle jamais si mal que quand on ne parle que de peur de se taire.
Par définition, tous les hommes sont pris. Mais chez quelques-uns, il y a du jeu.
Le charme, parce qu'il est magique, est indéfinissable : en concurrence avec la beauté, il la surpasse souvent par cette énigme qui le nimbe : Un je ne sais quel charme encor vers vous m'emporte.
L'amour naît-il de ce qu'il y a là quelque chose d'impossible ? L'amour est-il ce qu'on n'embrasse jamais que du regard ?
Qu'est-ce qu'on peut bien comprendre aux livres quand on n'a pas souffert ?
L'histoire n'a pas la forme d'un convoi dont les wagons en mouvement éloigneraient toujours davantage la gare, mais celle d'un conte de bonne femme où l'on pourrait, sans avoir même à traverser des forêts épaisses, retrouver endormi l'homme aimé.
On écrit pour garder la preuve, c'est tout. Les livres sont faits de ces souvenirs qui s'entassent comme les feuilles d'arbres deviennent la terre. Des pages d'humus.
À force d'être modelée par le désir et la vision de Degas, n'avait-elle plus qu'à s'effacer ?
Tous les romans font preuve d'un conformisme effarant en matière de rencontres et de passage à l'acte.
Il y a quelque chose de grisant à asséner les faits bruts et à observer sur le visage de l'autre les transformations qu'ils opèrent.
L'amour est une élection, pas une sélection. Nous nous étions élus mutuellement.