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L'amour de la liberté est le dernier chez les hommes.
Charles Dantzig
Un mot n'est pas qu'un mot, et c'est le problème particulier de l'écrivain. Un mot est chargé de souvenirs, d'histoire, de joies, de douleurs, celles des lecteurs, de l'écrivain lui-même.
La France est devenu un pays de mauvaise grâce. Chacun peste dans son métier, dans ses occupations, contre les autres. Nous sommes devenus un peuple aigre qui mériterait qu'on le réduise en esclavage.
Dans les histoires d'amour, le rôle le plus cruel est celui du confident.
Avoir énormément d'amis, c'est n'en avoir aucun.
L'amour est un petit égocentrique qui se nourrit d'inquiétudes ineptes.
Dans certains livres, il y a des passages très bien écrits qui signalent que l'auteur s'ennuie : il tourne à vide.
A quoi mène le ratage ? Aux maximes. Chamfort rate sa naissance : maximes. Vauvenargues rate sa carrière militaire : maximes. La Rochefoucauld rate la Fronde : maximes.
Jeune, en meute comme des chiots, on ne se quitte pas, on rit, on s'aime, on n'a pas besoin du dégoûtant espoir car on est l'espoir. La vie fracasse tout cela, créant des isolements. On se met à espérer.
Le "on" n'est personne, le "je" est une personne. Eternel combat de la liberté contre la mystification.
Le bons sens est le bouclier que l'intelligence brandit quand elle est fatiguée d'argumenter.
La provocation provient du dépit et est un enfantillage. Quelle importance de choquer ceux que l'on méprise ? Serait-ce qu'on ne les méprise pas tellement ? Au fond, la provocation est une approbation.
Les coquetteries sont souvent une manière naïve d'exprimer la vérité en disant son contraire.
Il n'y a pas cinquante kilomètres carrés de notre pays qui n'aient vu naître un écrivain. C'est trop. Il ne reste plus de place pour les lecteurs.
Lire est déraisonnable. Il y a des choses bien plus importantes, disent les importants. C'est vrai. Et, le sachant, nous continuons en sifflotant ces lectures qui nous privent de la gloriole et de la fortunette.
Oxymore, à quelles faussetés tes lourds clins d'oeil nous mènent !
Le tact, c'est très bien, mais ce n'est pas actif. Voilà. Le tact, c'est ne pas. Le tact est précautionneux, prudent, prenant garde à ne pas heurter. Les attentions, elles, agissent.
Quelle curieuse conception de l'amitié, qu'elle doive durer la une vie, m'a-t-il dit quand nous avons fait connaissance. C'est parce qu'on le prend comme un départ d'amour.
La justice est aveugle à qui ne porte pas le costume. Costume égale coutume. Même mot, même puissance.
Et la grande ruse des femmes du Moyen-Age : elles ont poussé les hommes à inventer le style courtois, qui donne un aspect viril à la politesse et la rend applicable par les enfants vieillis qui portent le nom d'hommes.
L'avarice est peut-être la passion la plus malheureuse. Ceux qui en souffrent sont persuadés de pratiquer une vertu mal aimée.
La lecture est cet instant d'éternité simultanément ressenti par quelques solitaires dans l'espace immatériel un peu bizarre qu'on pourrait appeler l'esprit.
Il y a quelque chose de putassier chez Apollinaire, putassier comme peut l'être un enfant. Il a le génie du câlinage. Comme on se laisse charmer par ce serveur de pizzeria déposant l'assiette d'un geste rond avec un regard langoureux pour la cliente !
Tous les écrivains vous diront, après Malraux : Au-delà de dix mille, tout succès est un malentendu.
Il n'y a pas d'imposteur en art, il n'y a que des publics crédules.
Position du moraliste : c'est la même que celle du tireur couché. Le moraliste est allongé dans une position protégée et tire des maximes sur une cible à découvert.
Les convertis forment avec les repentis l'espèce la plus dangereuse qui soit : ils mettent tout leur zèle à montrer la fermeté de leur nouvelle conviction.
Pourquoi continuer à lire un livre ? C'est un des effets dévastateurs de l'espoir. Si un livre est mauvais, il ne devient jamais bon.
L'aigre est une variété de l'amer. L'aigreur est la supériorité du stérile.
Les attentions, elles, agissent. Prennent un risque. Celui de tenter de faire plaisir.
On peut écrire différemment de son origine sociale : les Goncourt sont aristocrates, et écrivent comme des colonels d'infanterie en retraite qui se seraient mis dans les antiquités.
René Goscinny ... fait partie des talents littéraires qui, au XXè siècle, ont fait autre chose de la littérature en apportant du littéraire à cette autre chose.
La moitié de la gloire de Baudelaire vient, non de ses grands vers, mais de ce qu'il n'est jamais content.
Ce n'est pas nous dans les livres qui nous font juger que les livres sont bons, c'est le talent. Ce n'est pas aux personnages, aux idée qu'on veut ressembler. On veut ressembler au talent.
Dans la littérature, faute de merles, on finit parfois par manger la grive.
Les politiciens sont une étrange engeance.
Une défectuosité de l'outil engendre la virtuosité de l'ouvrier.
Le coeur est un chacal qui se cherche des raisons, se dit Pierre. Et quand on cherche des raisons, on en trouve. Surtout les mauvaises. Et ce cruel grignote mon amour vivant. C'est dégueulasse, le coeur !
J'aime bien les vieux joueurs de cartes, le soir, en vacances, sur la Méditerranée, leur stupidité distinguée.
On dirait que les moralistes ont envie que les gens soient malheureux, afin de donner respectivement raison à leurs sentences.
Les livres gais ne sont pas les plus nombreux du monde, c'est pour cela que nous devrions les vénérer comme des trésors universels.
L'amour est le seul sujet sur lequel on puisse écrire n'importe quoi, car l'amour est n'importe quoi. C'est une qualité.
Le tact est l'imagination de ce que peuvent ressentir les autres. Qu'il ressortisse de l'imagination explique qu'il soit si rare. On a du tact parce qu'on a du coeur.
Les plus grands inventeurs ne sont pas les plus diplômés, car l'érudition blase ou paralyse.
Si nous connaissons le mot, nous avons l'image. Et sinon il y a le dictionnaire. Ou l'imagination. Qui n'a pas besoin d'être très précise. Les romans ne sont pas des planches d'anatomie.
Oui, on lit par protestation contre la vie. La vie est très mal faite. On y rencontre sans arrêt des gens inutiles. Elle est pleine de redites. Ses paysages sont interminables. Si elle se présentait chez un éditeur, la vie serait refusée.
Il n'existe peut-être que deux lexiques dont la quantité est comparable dans chaque langue : celui de l'amour et celui du pouvoir.
Une maxime est souvent un solipsisme transformé en généralité par un écrivain qui croit en son expérience universelle.
Le roman est le récit d'une modification. Celle du personnage principal, le plus souvent, ou bien, s'il est un monstre d'indifférence, celle des personnages qui l'entourent. Quoi qu'il en soit, dans un roman, quelque chose s'est transformé à la fin.
L'ignorance qui raille est le procureur de l'injustice.