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Un écrivain qui emploi le mot "indicible" devrait se faire charcutier.
Charles Dantzig
On ne lit pas un livre pour une histoire, on lit un livre pour danser avec son auteur.
Il est remarquable que la France, qu'on accuse d'avoir la rage de la clarté, et qui s'en vante parfois, soit le pays qui a donné et Voltaire et Mallarmé.
Une des conséquences positives de l'amour est la coquetterie. Tous les efforts qu'on fait pour attirer l'attention de l'autre nous améliorent.
Quand il y a querelle entre les Anciens et les Modernes, choisissez les Modernes : c'est vous.
On pourrait dire que le XVIe est joyeux, le XVIIe allègre, le XVIIIe gai, le XIXe humoristique et le XXe ricaneur.
L'explication "Je n'étais pas né" pour justifier l'ignorance est une explication de barbare.
Un moraliste devrait assumer sa posture de tueur méprisant : une phrase, une balle, on rengaine.
Il n'y a pas plus d'art de lire que d'art d'écrire. Comme disait Woody Allen : J'ai pris des cours de lecture rapide. J'ai lu Guerre et Paix. Ça se passe en Russie.
Un écrivain mort, ça n'est parfois plus qu'un lambeau de tissu pendant au crochet d'un très ancien scandale.
L'hostilité des villes se manifeste par l'indifférence.
Ne lisant plus, l'humanité sera ramenée à l'état naturel, parmi les animaux. Le tyran universel, inculte, sympathique, doux, sourira sur l'écran en couleurs qui surplombera la terre.
Les critiques disent qu'on publie trop. Ils ont raison. On publie trop leurs livres.
A 10 000 mètres, l'Océan est gris et ridé comme un hippopotame. Que le vol est paisible, à l'intérieur de ce gros Boeing blanc qui digère ses passagers en ronronnant ! Cela permet de supporter la patience que les long-courriers réclament.
Aragon est l'écrivain qui n'a jamais ri.
Tout ce que la neige a de sympathique, ce sont les coeurs qu'on dessine sur les pare-brise.
Selon les époques, les artistes sont considérés comme de la domesticité de luxe ou comme le luxe de la domesticité.
Tout ce qui est beau et bon est toujours calomnié. Les moralistes n'y suffiraient pas. Il s'y ajoute les qualités naturelles de l'homme, l'envie, la méchanceté, et la rage de souffrir.
Il est facile d'être célèbre, il suffit de n'avoir rien fait.
Le journaliste moyen qui vous pose une question n'écoute pas votre réponse : il écoute son préjugé.
La fiction était une décharge de contes extravagants ; avec sa grossièreté de déménageur, Rabelais vide la vieille maison fabuleuse. Et avec des délicatesses de déménageur pour transporter les porcelaines.
Un livre n'est pas fait pour les lecteurs, il n'est même pas fait pour son auteur, il n'est fait pour personne. Il est fait pour être. Un livre fait pour les lecteurs les prend pour un public.
Le huitième jour, Dieu créa Paul Claudel. Il avait envie de se foutre du monde.
Ne jamais justifier. Un livre est ce qu'il est. Prenez-le, jetez-le, mais n'écoutez pas la sournoise modestie de l'auteur ; il n'y a pas d'étiquette sculptée sur le côté du David de Michel-Ange.
La seule question à se poser devant un chef d'oeuvre, c'est : ferait-il brûler la bibliothèque d'Alexandrie ? Si on ne pense pas à le faire, c'est qu'il est bonasse et rien à craindre. Si on y pense, c'est qu'il y a des soupçons sur sa vulgarité.
Les surréalistes, ces symbolistes en treillis.
Péguy a montré que l'on pouvait assourdir le coup de cymbale du point d'exclamation en le remplaçant par un simple point.
Si vous n'arrivez plus à force de le fréquenter, et de l'opacité que cela entraîne, à déterminer le caractère d'un homme, regardez ses amis. Nos amis sont nous.
Le snob connaît toujours quelqu'un de relié à la célébrité du jour.
Lire, lire, c'est très bien, mais il y a aussi des moments où il est bon de ne pas le faire.
L'amour est un espoir. De là sa nuance de bassesse. Seulement, c'est un espoir envers soi-même, de pouvoir être assez bien pour plaire, etc. De là sa nuance de hauteur.
Tout le monde dresse des listes. On peut les en juger banales. Ou bien la forme la plus rudimentaire de littérature. Et le rudiment, comme l'ont montré les peintres, il suffit de le raffiner. De Lascaux faisons Picasso.
Un écrivain n'aime pas plus les mots qu'un menuisier les clous. Un mot est un objet donc il se sert pour créer un autre objet nommé phrase, laquelle donnera son utilité au mot ; un mot inusité n'a pas d'utilité.
Nous faisons les mots, puis nous nous faisons à eux.
D'une certaine façon, un écrivain écrivant une oeuvre de fiction à la première personne est le "nègre" de son narrateur.
D'habitude, les écrivains publient un ou deux volumes de poésie dans leur jeunesse puis l'abandonnent. Elle a été leur acné littéraire.
L'hypocrisie est une huile sociale, la fourberie un miel d'arriviste.
Une personne qui écrit qu'"il faut sortir des sentiers battus" y entre.
Au début des amours, on couche avec des corps, après, avec des images.
Colette ressemblait à un renard. C'est bien sa seule absence de ruse.
La foi sert de carburant aux écrivains dont l'émotivité s'assèche.
Une amitié c'est de l'avenir. Une famille c'est du passé. J'ai horreur du passé.
En général, les livres moyens donnent de très bons films : ils ne contiennent pas de pensées que le cinéaste est gêné de supprimer.
Le dieu des Narcisses devrait être saint Augustin, qui a écrit ses Confessions sans avoir rien fait.
On respire par les yeux ! Nous l'avons tous expérimenté, à lire des livres non ponctués, où notre pauvre oeil haletant cherche un point, une virgule, le moindre bout de banc où s'asseoir.
Le genre français médiocre consiste en petit ton étriqué qui se croit brillant.
Célèbre est un métier comme ébéniste.
La lecture : une ampoule s'allume et éteint ce qui l'entoure.
Les mots sont faits pour mentir.
Ce qu'on peut opposer à un écrivain, c'est ce qu'il a écrit. Ce qu'il a dit est moins sûr.