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A combien d'hommes déplairait-il d'apprendre qu'une femme est morte d'amour pour eux ? A combien de femmes que par amour pour elles un homme s'est tué ?
Charles Dollfus
L'amour est un doux poison qui s'insinue dans nos veines par le regard, et qui de là gagne la tête pour l'emplir de songes ; il nous enivre insensiblement comme un bouquet dont on respirerait, sans pouvoir l'abandonner, le doux vertige.
Les hommes qui ne sont pas sûrs de leur noblesse en parlent constamment. Ainsi, les femmes peu sûres de leur vertu : ce sont celles qui, dans leur jugement sur les autres, se montrent d'ordinaire les plus rigides.
Répéter une chose c'est l'affaiblir.
Lequel est le plus faible, de l'homme qui se laisse abattre par le malheur ou de celui que le succès enivre ?
Les gens qui savent écouter ont une grande supériorité sur les autres. Ceux qui savent observer une plus grande encore ; mais, en général, ce sont les mêmes.
Les dents tourmentent les enfants jusqu'à ce qu'elles soient sorties : ainsi des idées. L'homme a ses dentitions qui le travaillent.
Nos vertus ne sont fort souvent, à les bien considérer, que nos impuissances ou nos défauts maximes en sentences.
Entre le bien et le mal, entre l'erreur et la vérité le monde avance en festonnant.
L'enthousiasme et l'indignation se tiennent de près ; on ne s'indigne que lorsqu'on est susceptible de s'enthousiasmer.
Certaines personnes qui ont perdu le naturel veulent le rattraper : elles l'affectent et le perdent encore davantage.
Tel est inaccessible aux séductions de l'argent, mais un ruban, une distinction honorifique le touche. Celui-ci résiste à l'argent et aux honneurs : une coquette et même une coquine en aura raison.
Plus d'une honnête femme désire in petto, sans oser se l'avouer, qu'on lui fasse une déclaration d'amour, ne fût-ce que pour avoir l'occasion de se prouver à elle-même sa vertu.
Lequel est le pire de flatter ou d'être flatté ? Qui flatte se corrompt, qui flatte corrompt.
Certaine peinture ne vaut que par le cadre ; ainsi les médiocrités encadrées dans de brillantes positions. Que d'hommes à la recherche d'un cadre, et qui se rendent ainsi justice !
L'amour dit comme la passion : tout ce qui n'est pas toi m'est égal. Mais il n'est pas prêt à incendier le monde pour posséder ce qu'il désire.
Notre temps est affairé : il lit comme on mange à la buvette des chemins de fer, debout, entre deux trains. On lit "sur le pouce." Tout s'improvise et se fait en hâte. Nous manquons d'àme, et nous sentons la fièvre.
On peut n'avoir point failli et n'être pas vertueux ; on peut être tombé et l'être resté. Il y a le chapitre des surprises.
Tout indiscret est superficiel et vulgaire : le médisant ajoute la malveillance à la vulgarité.
Ce que le monde exige, c'est qu'on soit correct. Correct ! c'est son orthodoxie, c'est sa foi, c'est son existence. Soyez tout ce qu'il vous plaira, mais soyez correct.
Grâce, douceur, tendresse, souplesse, rondeur ; on retrouve tout cela dans la nature, et c'est son côté féminin. Force, fermeté, saillie, angle, précision ; c'est le côté masculin.
L'impatience et l'inquiétude sont soeurs.
Il y a des gens qui deviennent d'autant plus impolis envers vous que vous êtes plus polis envers eux. Ils croient que vous reconnaissez leur supériorité, et que vous faites acte de soumission en faisant acte de savoir-vivre.
L'instinct maternel traverse tous les êtres vivants : le coeur maternel, chaud de tendresse, est le nid où la nature abrite la jeune couvée.
Un acte d'ostentation est toujours une faute de goût ; le luxe où l'on met de l'ostentation pèche contre lui. Cela vient de ce que le Moi s'étale dans toute chose d'ostentation, et qu'il n'y a rien de plus mauvais goût que le moi.
On éprouve la beauté : elle n'est visible que pour le coeur ; les yeux ne la voient jamais.
Ne dites pas : je suis franc ; soyez-le. Ne dites pas : je n'ai pas de vanité ; montrez-le.
Avoir connu l'amour partagé, un amour plein, fort, fécond et noble, avoir fait un chef-d'oeuvre pour la postérité : quel homme après semblable fortune pourrait se plaindre de la destinée et réclamer des dieux une autre vie ?
Ah ! si j'étais sûr que jamais personne ne le saura ! Cette phrase, combien de consciences l'ont tout bas murmurée !
Qui se règle sur l'idée qu'il a du devoir, est un homme libre jusque dans ses erreurs.
L'homme de vrai courage a fait une fois pour toutes le sacrifice de sa vie, mais il ne l'expose pas : s'il est prêt à l'appel de la destinée, il ne la provoque point inutilement ; le courage est opposé à la témérité.
La politesse de la vertu consiste à ne point s'afficher, à ne point faire montre de ses mépris ou de son blâme. Son blâme, c'est l'exemple qu'elle donne : les discours ne signifient rien ; on ne peut méconnaître les actions.
Les proverbes sont l'expérience des générations condensée en aphorismes : ce sont des cristallisations du sens commun.
La misère engendre la charité, les maladies engendrent les médecins ; la charité nourrit la misère, les médecins souvent entretiennent les maladies.
Otez du monde la peur et la vanité, il y restera la sensualité, l'argent et la paresse.
L'ignorance vient du dehors, elle est un manque : quelque chose de négatif. L'imbécillité vient de l'homme même, elle est positive.
Le luxe commence où finit le nécessaire. Mais le nécessaire des uns est le superflu des autres.
Fou que je suis, c'est que, vois-tu, je t'aime et tu me manques.
L'homme souffre, parce qu'il aime ; il a des joies, parce qu'il aime. Qui voudrait ne plus souffrir de rien, n'aurait qu'à s'abstenir de rien aimer. Quel homme, quel être vivant le pourra, et lequel le voudra jamais ?
Toute femme qui enfante, accouche d'une destinée : l'homme et la femme dans leurs enfants engendrent le commun devoir, l'éducation.
Il n'y a que la femme qui cultive l'homme, il, n'y a que l'homme qui la cultive ; ils se dépravent ou s'améliorent l'un par l'autre.
Toute grosse caisse et tout tambour sont faits de peau d'âne.
Pour les trois quarts du public un poète est un homme qui sait rimer : mais s'il ne rime avec rien lui-même ?
Tenir à l'estime de quelqu'un, c'est l'estimer ; et c'est le témoignage le plus délicat qu'on puisse lui donner de son estime.
La fierté commande d'être honnête, bien qu'elle ne soit pas l'honnêteté.
Les hommes méprisent aisément une femme infidèle, ils envient l'homme qui la séduit.
J'aperçois trois sortes de plaisirs : les plaisirs nobles, les plaisirs ignobles, les plaisirs frivoles.
L'on manque le but de trois façons : en n'y atteignant pas, en le dépassant, en passant à côté. Peu d'hommes poursuivent un but qui mérite d'être atteint, très-peu atteignent le but qu'ils poursuivent.
On n'augmente pas la valeur du zéro en plaçant n'importe quel chiffre après : c'est là pourtant l'arithmétique du monde.
Les femmes ont plus d'abnégation que de justice.