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L'amour commence là - dans les fonds du désert. Il est invisible dans ses débuts, indiscernable dans son visage.
Christian Bobin
Plus on s'approche de la lumière, plus on se connaît plein d'ombres.
Les terres où nous vivons sont comme les personnes, identifiables à des riens, à telle couleur d'un ciel, tel accident d'un sol.
Les fleurs sont les premières gouttes de pluie de l'éternel.
Pourquoi grandir puisque enfants nous touchions déjà le ciel de nos petites mains d'argile rose ?
L'humilité, c'est la clef d'or. Dès qu'on prétend la tenir dans sa main, elle s'évanouit.
Le fou, c'est celui qui gagne les coulisses. La voix s'adresse dans le noir à ceux qui demeurent sur les planches. Voilà, elle dit, cette voix. Voilà ce qu'il en est de vos intelligences, de vos printemps, de vos croyances.
Tout le monde est occupé. Tout le monde, partout, tout le temps, est occupé, et par une seule chose à la fois.
Avec la parole nue revient toute la vérité. Avec la vérité revient toute l'âme.
On presse de plus en plus les enfants de vieillir et les vieillards de rajeunir. On leur propose de rejoindre cette classe pour laquelle seule tout est fait, la classe des jeunes adultes consommateurs.
Dans la vie on se nourrit les uns les autres et ensuite on se quitte.
Choses qui remplissent toute leur place et en elles-mêmes leur propre suffisance : nouer les lacets d'un petit enfant. Lire un livre d'une traite, avec la nuit alentour. Changer l'eau des fleurs. L'empreinte d'un moineau sur la neige fraîche. L'amour.
On lit sous les draps, on lit sous le jour, c'est comme une résistance, une lecture clandestine, une lecture de plein vent.
J'ai toujours dû la vie à ce que je voyais de pur.
On peut très bien faire une chose sans y être. On peut même passer le clair de sa vie, parler, travailler, aimer, sans y être jamais.
Là où il n'y a qu'un fou, tout le monde est certain de ne pas l'être. Là où il y en a deux, trois, cinq, douze, plus personne n'est à l'abri, plus moyen de savoir qui est qui.
... je cherche matière de louange partout, même dans le pire.
A sainteté c'est juste de ne pas faire vivre le mal qu'on a en soi.
Les ailes, c'est le réel qui les donne - le réel contemplé de face, en face, tel qu'il est, nécessairement non conforme à nos souhaits.
L'émerveillement n'est pas l'oubli de la mort, mais la capacité de la contempler comme tout le reste, comme l'amer et le sombre : dans la brûlure d'une première fois, dans la fraîcheur d'une connaissance sans précédent.
Les hommes c'est comme tout le monde, les femmes c'est comme personne.
Rien ne ressemble plus à un père qu'une montagne.
L'amour est une guerre et un repos, une science et un artisanat. L'amour est tout, et même rien avec le tout. Innocence et ruse, innocence avec ruse. Apparaître et disparaître.
Le verbe est un soleil impérissable.
Je t'ai toujours su inaccessible même dans la plus claire proximité. Je t'ai aimée dans ce savoir.
Lumière, présence sans défaut. Elle recense chaque grain de l'air, comme dans l'enfance on compte les années à venir et les noces promises.
C'est une vieille loi du monde, une loi écrite : celui qui a quelque chose en plus a, dans le même temps, quelque chose en moins.
Il y a une naissance simultanée de nos yeux et du monde, un sentiment de "première fois" où ce qui regarde et ce qui est regardé se donnent le jour.
Ses jours sont à l'homme ce que ses peaux sont au serpent. Ils luisent un temps au soleil puis se détachent de lui.
Dans l'imaginaire, un écrivain est toujours mort, même quand il est vivant. Et les chanteurs, c'est l'inverse : même morts, ils sont vivants. Il me reste donc à écrire comme on chante.
Les parents, Isabelle, ne savent jamais ce qu'ils disent à leurs enfants. Jamais. Ils devraient se méfier de leurs rires, plus encore que de leurs colères.
... c'est dans l'épuisement que l'on augmente ses forces. C'est dans l'abandon que l'on devient prince, et dans l'éclat de mourir que l'on découvre ce plus noble éclat de l'amour.
Un jour nous comprendrons que la poésie n'était pas un genre littéraire mal vieilli mais une affaire vitale, la dernière chance de respirer dans le bloc du réel.
On ne peut bien voir qu'à condition de ne pas chercher son intérêt dans ce qu'on voit.
Il n'y a pas d'autre attente que de vivre.
Ce qu'on éloigne, l'éloignement le protège.
Je pourrais parler nuit et jour avec un bébé : quelqu'un arrive qui est absolument indemne des fausses vérités et des habitudes. Les bébés ont quelque chose qui est comme fondé en sagesse, tels des Bouddhas.
La première connaissance de Dieu dans la vie est une connaissance amère et sucrée, engloutie avec les premiers aliments d'enfance.
L'enfant qui dessine va droit à l'essentiel. Il suit la perspective du coeur qui dessine ce qui n'est pas, pour mieux voir ce qui est.
... ce qu'on emprisonne nous retient dans la prison. Ce qu'on détruit nous détruit à son tour.
Qu'est-ce que c'est, aimer. Ce n'est pas s'enfermer dans la même maison, s'étouffer dans la même parole, s'assombrir dans la même histoire. Ce n'est pas remplir un vide, effacer une distance.
Ce grand charme de ne pas chercher à plaire.
Je rêve de nommer la rose avec la langue qui est la sienne, et pas seulement avec les mots courants.
Vivre, c'est une poussière d'or au bout des doigts, une chanson bleue aux lèvres d'une nourrice, le livre du clavier tempéré de Bach qui s'ouvre à l'envers et toutes les notes qui roulent comme des billes dans la chambre.
Il y a cette pensée naïve que l'on ne peut retenir, la pensée d'un secret. Comme une nuit où toujours revenir. Le secret est banal, illimité : on a une photo, dans une enveloppe, sur soi. On ne la regarde jamais.
Tous les vivants sont dans mon coeur. L'auberge est vaste. Il y a même un lit et un repas chaud pour les criminels et les fous.
Qu'il y ait, en cet instant où j'écris, deux personnes qui s'aiment dans une chambre, deux notes qui bavardent en riant, c'est assez pour me rendre la terre habitable.
... la mort, cette extase du sommeil.
J'ai trouvé, mon amour, le nom le plus secret et le plus clair pour dire ce qu'est ta vie dedans ma vie : l'air.
La vie est lumineuse d'être incompréhensible.