Images
... tout se donne à voir, sur le ciel d'un visage.
Christian Bobin
La lecture, c'est sans fin. C'est comme l'amour, c'est comme l'espoir, c'est sans espoir.
Ecrire est une manière d'apaiser la fièvre du premier matin du monde, qui revient chaque jour.
Certains gestes ordinaires de la vie ordinaires font ainsi parfois plus que leur travail, dépassent l'utilitaire et réveillent une fée.
Une intelligence sans bonté est comme un costume de soie porté par un cadavre.
Dans ce monde qui ne rêve que de beauté et de jeunesse, la mort ne peut plus venir qu'à la dérobée, comme un serviteur disgracieux que l'on ferait passer par l'office.
Nous passons notre vie devant une porte sans voir qu'elle est déjà ouverte et que ce qui est derrière est déjà là, devant nos yeux.
C'est quoi, réussir sa vie, sinon cela, cet entêtement d'une enfance, cette fidélité simple : ne jamais aller plus loin que ce qui vous enchante à ce jour, à cette heure.
Dans les histoires d'amour il n'y a que des histoires, jamais d'amour. Si je regarde autour de moi, qu'est-ce que je vois : des morts ou des blessés. Des couples qui prennent leur retraite à trente ans ou des couples qui font carrière.
Votre visage est unique : je peux le voir partout.
Est écrivain toute personne qui ne suit que la vérité de ce qu'elle est, sans jamais s'appuyer sur autre chose que la misère et la solitude de cette vérité.
Le bout du monde et le fond du jardin contiennent la même quantité de merveilles.
Peut-être le meilleur de nous-mêmes ne nous appartient-il pas, peut-être ne sommes-nous que les gardiens d'une chose qui, lorsque nous disparaissons, demeure.
Le coeur, c'est une intelligence qui peut venir même aux imbéciles. L'amour, c'est quand toute la limaille de notre pensée est précipitée vers le coeur de l'autre comme vers un aimant.
Mourir, c'est comme tomber amoureux : on disparaît, et on ne donne plus de nouvelles à personne.
Le visage d'une mère est pour l'enfant son premier livre d'images.
Aimer quelqu'un, c'est le lire. C'est savoir lire toutes les phrases qui sont dans le coeur de l'autre, et en lisant le délivrer.
Qu'est-ce qui distingue les anges de nous ? Leur très grand naturel. - Comment s'appelle le chien qui mord son maître ? La gloire. - Qui rit après sa mort ? La pluie dans le feuillage.
L'enfant est à l'adulte ce que la fleur est au fruit. La fleur n'est pas certitude du fruit.
Les hommes sont de petits garçons obéissants. Ils vivent comme on leur a appris à vivre.
La comète de l'amour ne frôle notre coeur qu'une fois par éternité. Il faut veiller pour la voir. Il faut attendre longtemps, longtemps, longtemps.
La vérité est ce qui brûle. La vérité est moins dans la parole que dans les yeux, les mains et le silence. La vérité, ce sont des yeux et des mains qui brûlent en silence.
La bonté, c'est simple : par définition on n'en a pas. Elle n'a pas de place dans le monde. Donc, quand elle est là c'est toujours un miracle.
Si la vie est immédiate et verte au bord des étangs, pour la rejoindre, il nous faut d'abord rejoindre ce qui en nous est comme de l'eau, comme de l'air, comme du ciel.
... mon Dieu, protégez-nous de la perfection, délivrez-nous d'un tel désir.
Les gitans ont des pudeurs de violette.
Les poèmes serrés sur le papier diffusent la même lumière d'or que le blé rassemblé en meules dans le pré.
Comment se quitter soi-même - ce qui serait la seule manière de tout quitter.
Il n'y a pas de Terre Sainte. C'est toute la terre qui est sainte, ou bien rien d'elle.
Oui, oui, oui. Je dis oui à qui veut entendre oui. Au début, ça les rassure, ensuite, ça les énerve. Ils me reprochent de dire oui et de ne tenir aucun compte de leurs conseils.
Il y a toujours quelque chose à voir, partout. Une feuille qui descend, une fourmi qui grimpe, un nuage qui se déchire.
Je crois qu'on ne peut rien faire de vous, sinon ça : passer outre à toute compréhension, à toute prévision, et vous aimer, inlassablement vous aimer.
Les professeurs sont des gens qui apprennent aux autres les mots qu'eux-mêmes ont trouvés dans les livres.
Celui qui attend est comme un arbre avec ses deux oiseaux, solitude et silence. Il ne commande pas à son attente. Il bouge au gré du vent, docile à ce qui s'approche, souriant à ce qui s'éloigne.
Un visage trop souvent photographié perd peu à peu son secret, et la gloire signe la disparition des personnes : triompher dans le monde, c'est avoir tout perdu.
Il vaut mieux faire peu de choses et bien les savourer. On s'habitue si vite.
Elle est belle en mesure de cette fatigue qu'elle enjambe à chaque fois pour aller dans la chambre de l'enfant. Toutes les mères ont cette beauté. Toutes ont cette justesse, cette vérité, cette sainteté.
La maison ce n'est pas une question de pierres mais d'amour. Une cave peut-être merveilleuse.
Cette inaliénable égalité devant le vide, l'horreur du vide, la souveraineté du vide. Que nous la reniions ou non, peu importe. C'est là que nous sommes. C'est là qu'adviennent les rencontres.
Pour être dans une solitude absolue, il faut aimer d'un amour absolu.
Ce que j'appelle réfléchir : je dévisse ma tête, je la mets sur une étagère et je sors faire une promenade. A mon retour la tête s'est allumée. La promenade dure une heure ou un an.
Il est bon pour un enfant d'avoir ses deux parents, chacun le protégeant de l'autre : le père pour le garder d'une mère trop dévorante, la mère pour le garder d'un père trop souverain.
Un écrivain est grand non par lui-même mais par la grandeur de ce qu'il nomme, et je ne sais pas d'autre grandeur que celle de la vie faible, humiliée par le monde.
Il y a une manière de vivre - comme si on ne tenait plus à la vie - qui est le nom le plus secret de l'amour.
Les livres sont des chapelets d'encre noir, chaque grain roulant entre les doigts, mot après mot. Et c'est quoi, au juste, prier. C'est faire silence. C'est s'éloigner de soi dans le silence.
Les mères grandissent dans la vie en même temps que leur enfant, et comme l'enfant est dès sa naissance l'égal de Dieu, les mères sont d'emblée au saint des saints, comblées de tout, ignorantes de tout ce qui les comble.
... toute vraie présence est épuisante.
Je rentre dans mon horloge suisse et m'endors en pensant comme chaque soir que le plus beau est à venir.
Prouver est un désir de savant ou de policier. Accueillir est un désir d'amoureux.
La peur est comme une avancée de l'âge adulte dans ton enfance. Elle a sa place, elle a ses heures, elle a ses lieux.