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Lire, sommeiller, marcher, ne penser à rien, laisser les lumières du ciel pâlir sur la tapisserie des murs.
Christian Bobin
On ne sait jamais ce que deviennent les paroles que l'on profère, les phrases que l'on écrit.
L'indifférence est une épreuve. Le succès est une épreuve que l'on réserve à ceux que l'indifférence n'a pas su tuer.
Un père c'est quelqu'un qui représente autre chose que lui-même en face de son enfant, et qui croit à ce qu'il représente : la loi, la raison, l'expérience. La société.
Le livre est la mère du lecteur.
Selon Giacometti, au musée, les gens sont bien plus extraordinaires que les tableaux qu'ils admirent.
La beauté est une manière de résister au monde, de tenir devant lui et d'opposer à sa fureur une patience active.
Quand la vérité éclaire partout, c'est l'amour.
On peut se laisser dépérir dans le manque. On peut aussi y trouver un surcroît de vie.
Oui, c'est un pur miracle, que par des mots enterrés dans des livres, l'on puisse raviver une source, rafraîchir un jardin.
C'est (la mélancolie) la maladie de celui qui, dépité de n'être pas tout, choisit, par un revers enfantin de l'orgueil, de n'être rien, ne gardant du monde que ce qui lui ressemble : le morne et le pluvieux.
Il n'y a que du naturel dans ce monde. Ou si vous voulez, et c'est pareil : il n'y a que des miracles dans ce monde.
La muraille entre les riches et les pauvres est visible. Elle peut se déplacer ou s'effondrer par endroits. La muraille entre les lecteurs et les autres est bien plus enfoncée dans la terre, sous les visages.
... la vérité n'est jamais si grande que dans l'humiliation de celui qui l'annonce.
Un troubadour est un homme qui chante au monde entier la grâce d'une femme inaccessible, mariée à un autre que lui, mariée, pourrait-on dire, à tous sauf à lui.
Ecrire est une façon de répondre à la vie. On a toujours besoin de répondre à un don par un autre don, non pas pour être quitte, mais pour continuer à donner et recevoir, sans fin.
Il n'y a dans une vie que quatre ou cinq évènements fondateurs, quatre ou cinq jaillissements de l'absolu. Ton sourire est un de ces évènements qui enflamment la nuit où je m'en vais confiant.
L'art de vivre consiste à garder intact le sentiment de la vie et à ne jamais déserter le point d'émerveillement et de sidération qui seul permet à l'âme de voir.
Choses qui viennent par défaut, à la place d'une autre : l'ambition. L'argent. Laver les vitres, classer des photos. La colère. Les voyages.
Il y a deux sortes de personnes à qui il est impossible de faire un cadeau : celles qui ont déjà tous les biens de ce monde et celles qui en sont complètement détachées.
Il y a une étoile mise dans le ciel pour chacun de nous, assez éloignée pour que nos erreurs ne viennent jamais la ternir.
Les livres qui échappent à la maîtrise de leur auteur sont les plus beaux des livres.
La bête qui ronge leur conscience leur en laisse assez pour qu'ils connaissent, par instants, l'horreur d'être là.
Il y a plusieurs durées dans votre vie. Il y a plusieurs eaux mélangées dans le temps. L'enfance fait comme un courant profond dans la rivière du jour. Vous y revenez souvent, comme on revient chez soi après beaucoup d'absence.
Le mariage est encore la meilleure façon pour une femme de devenir invisible.
Mourir est une saveur que nous connaîtrons tous, un pain de lumière dont nous sommes les moineaux effrayés.
C'est à une fête infinie que nous invitent les plus humbles choses - les fruits comme les pierres, les herbes comme les astres - et il nous faut, pour en jouir, apprendre ce toucher immédiat de l'esprit dont les peintres ont le privilège.
Pour qu'une chose soit vraie il faut qu'en plus d'être vraie elle entre dans notre vie.
Nous nous faisons beaucoup de tort les uns aux autres et puis un jour nous mourrons.
On n'a qu'une faible idée de l'amour tant qu'on n'a pas atteint ce point où il est pur, c'est à dire non mélangé de demande, de plainte ou d'imagination.
Les bourgeois rêvent d'un pauvre conforme à leurs intérêts. Les prêtres rêvent d'un pauvre conforme à leurs espérances.
Ce qui est blessé en nous demande asile aux plus petites choses de la terre et le trouve.
Il y a des fous tellement fous que rien ne pourra jamais leur enlever des yeux la jolie fièvre d'amour. Qu'ils soient bénis. C'est grâce à eux que la terre est ronde et que l'aube chaque fois se lève, se lève, se lève.
Le vrai père c'est celui qui ouvre les chemins par sa parole, pas celui qui retient dans les filets de sa rancoeur.
Toute notre vie n'est faite que d'échecs et ces échecs sont des carreaux cassés par où l'air passe.
On peut s'éprendre d'une femme pour une manière de ramener ses cheveux sur sa nuque, pour la négligence dans sa voix, ou la lumière sur ses mains. Pour une raison aussi simple, on abandonne le tout de sa vie.
... il n'y a pas de saints. Il n'y a que de la sainteté. La sainteté c'est la joie.
... le travail c'est d'être où l'on n'a pas choisi d'être, où l'on est contraint de demeurer - loin de soi et de tout.
... une seule chose compte ... c'est la gaieté, ne laisse jamais personne te l'enlever.
La grâce ne chasse pas nos maladresses. Elle les couronne.
Il y a un moment dans la peinture où le peintre sait que son tableau est fini. Pourquoi, il ne saurait le dire, simplement reconnaître son incapacité soudaine à y modifier quoi que ce soit.
Aucune philosophie au monde n'arrive à la hauteur d'une seule marguerite, d'une seule ronce, d'un seul caillou discutant comme un moine rasé en tête à tête avec le soleil et riant, riant, riant.
Je vois le vide qu'il y a entre les hommes, plus grand que celui qui sépare une étoile d'une autre étoile. Chacun travaille, travaille, travaille à son sombre intérêt et ceux qui n'y travaillent pas sont broyés.
Lire c'est faire l'épreuve de soi dans la parole d'un autre, faire venir de l'encre par voie de sang jusqu'au fond de l'âme et que cette âme en soit imprégnée, manger ce qu'on lit, le transformer en soi et se transformer en lui.
Je ne cherche jamais l'écriture. C'est elle qui me vient. C'est quelque chose qui sort du monde et qui me blesse. Ecrire c'est se découvrir hémophile, saigner de l'encre à la première écorchure, perdre ce qu'on est au profit de ce qu'on voit.
Désespoir, amour, gaieté. Qui a ces trois roses enfoncées dans le coeur a la jeunesse pour lui, en lui, avec lui.
Dans le monde tout se mélange. Dans le monde tout va ensemble, sauf l'Amour. Il ne va avec rien. Il n'est nulle part. Il manque. Il manque.
Je t'aimais. Je t'aime. Je t'aimerai. Il ne suffit pas d'une chair pour naître. Il y faut aussi cette parole.
Le vent a les yeux d'un voyou et les mains d'un ange.
Avec le regard simple, revient la force pure.