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Gabriële a l'ivresse musicale : elle se laisse bercer par les sons de son cerveau.
Claire Berest
Attendre un enfant oblige à interroger l'enfant qu'on a soi-même été. Pour l'éloigner une bonne fois pour toutes. Faire place nette à celui qui arrive.
C'est l'avantage d'être une inconnue dans une vie étrangère, on peut se réinventer.
Qu'importe le vrai du faux, du moment qu'il est poétique.
Les dispositions momentanées de notre caractère, aussi minimes soient elles fixent de façon irrévocable le cours de évènements.
La virtuosité sans musique est vaine. Toute note, tout son, doit vivre, chanter, exprimer la douleur ou la joie. Soyez peintre, même dans les "traits" qui ne sont qu'une suite de notes qui chantent rapidement.
La nuit est plus lourde que le jour, dit Francis Picabia.
Est-ce que quelque chose a changé à l'approche de mes trente ans ? Je me suis mise à dire spontanément quand j'étais jeune, et non plus quand j'étais petite. Je me suis mise à remarquer les filles de vingt ans avec une tendresse ambigüe, une vague envie, et j'ai senti l'éclosion mordante d'une menace.
Si, dans la musique, chaque son isolé n'est rien par lui-même et ne produit son effet que par son rapport avec d'autres sons, il en est de même des couleurs.
Les couples peuvent être lâches, chaque membre préférant attendre que l'autre déclenche les hostilités, pour ne pas être l'instigateur de la brisure du calme.
Ce que l'on saisit d'une personne inconnue, à l'instable seconde de la rencontre, est vulnérable et définitif. Cette image capitale s'évanouit à la première parole, au premier rire.
Dire que l'on va bien en toutes circonstances, ce n'est pas de l'hypocrisie, ce serait plutôt de la pudeur.
J'étais comme un homme. Je ne voulais pas restreindre ma vie. J'ai toujours vécu ma vie comme une aventurière, en m'autorisant des choses que les autres ne s'autorisent pas. J'aurais voulu beaucoup plus voyager. J'ai parfois été frustrée de ne pas vivre les aventures que je voulais vivre- alors j'ai vécu des aventures à l'intérieur des relations que j'avais avec les gens.
À force de vouloir m'abriter en toi, j'ai perdu de vue que c'était toi, l'orage. Que c'est de toi que j'aurais dû vouloir m'abriter. Mais qui a envie de vivre abrité des orages ? Et tout ça n'est pas triste, mi amor, parce que rien n'est noir, absolument rien.
Une femme qui a un enfant, c'est neuf mois de maladie et le reste de sa vie une convalescence ! répond Francis Picabia que l'on félicite pour sa future paternité.
Même retraité, on reste militaire toute sa vie.
Voyez-vous, ma femme est une vandale. Un voyou. Qu'il est dangereux de fréquenter, car elle brise les marbres respectés par les générations passées.
Elle ne peint pas pour être aimée. Elle est transparente, c'est-à-dire qu'elle ouvre grand la fenêtre vers l'intérieur.
L'histoire de l'art est faite de passions, de trahisons, d'amitiés déçues, d'hommes et de femmes malheureux en amour.
Avec un ami il faut tout se raconter le premier soir, dans sa vérité nue, dans son humiliante lumière, pour dire voilà qui je suis, voilà qui tu es, je ne te jugerai jamais, je t'aime, je prends tout, pour toujours.
Créer de nouvelles habitudes, c'est déjà faire face. C'est décider de se remettre à exister quelles que soient les circonstances.
La photographie, devenue le cinéma, a enlevé à la peinture son rôle le plus important. Autrefois la peinture avait pour mission de garder l'image de la vie des hommes dans le temps. Aujourd'hui, tout est différent.
On peut couper le souffle, couper court, un brouillard au couteau, les ponts, la chique, le sifflet, les cheveux en quatre, à travers champs, l'herbe sous le pied. Mais on ne coupe pas le coeur, on le brise.
C'est donc cela, la trentaine. Une fêlure sans éclair, un empoisonnement discret, un meurtre sans préméditation.
Elle gèle ses douleurs avec l'alcool pour donner à son corps l'illusion et l'élan d'être neuf.
Lorsqu'elle se retrouve seule et qu'elle se concentre sur cette sensation inédite de plaire, lui vient aux lèvres quelque chose d'imprécis et de très doux. Comment ne pas être différente dans un pays où tout est singulier ? C'est l'avantage d'être une inconnue dans une ville étrangère, on peut se réinventer.
Sais-tu que le colibri ne peut pas marcher, parce que c'est le seul oiseau qui parvient à voler en arrière ?
Aime moi un tout petit peu. Je t'adore.
On ne peut deviner à l'avance celui ou celle qui va vous attraper par la main quand tout dévisse.
J'ai toujours imaginé que chacun possède une fenêtre dans la tête, une fenêtre avec vue, mais hermétiquement fermée. Sa seule présence est décisive, car son existence contient de l'autre côté la folie, qui reste alors une idée et un fantasme.
Le véritable ami qu'on rencontre ressemble à une déflagration.
Son esprit affûté dans les salons mondains demeure celui d'une montagnarde. Elle a besoin de rocaille, d'un ciel qui se mêle à la terre, d'épines des sapins, de grosses chaussures lacées jusqu'aux mollets, de repas pris en silence après les efforts physiques de la marche et de la grimpe. Elle se lave de Paris.
Gabriële est fabriquée pour construire et défendre des idées. Des idées, à travers des hommes. Des idées plus que des hommes, au fond.
Chaque couple a ses pierres d'achoppement ; on presse un bouton, on allume l'orage. Pour vider la rancoeur, croit-on, on remet sur le métier le tissu des discordes qui n'ont pas d'issue ; on dit les mots agaçants, on souligne les évidences, on gratte les plaies, on cherche le point de rupture.
L'amitié prend l'autre en charge dans son absolue et sordide entièreté, comme les mères, elle prend en charge le quotidien et l'exceptionnel au coude à coude sans autre transition qu'une reprise de souffle, les amis sont prêts à tout traiter, la vie, la mort, c'est d'accord. Le véritable ami qu'on rencontre ressemble à une déflagration.
Il est des hommes qui tombent à genoux devant la jeunesse, d'autres devant la beauté, certains devant la gentillesse et la bonté.
Quand tu as eu trente ans des questions sont devenues tranchantes : Faut-il avoir un enfant maintenant ? Est-ce-que mon travail est intéressant ? Est-ce-qu'il est enviable ? Suis-je séduisante ? Suis-je drôle ? Fiable ? Généreuse ? Connectée ? Autonome ? Prête ? Amère ? Grosse ? Implacable ?
Il faut dire je t'aime quand on a le temps. Après on oublie, après on part, après on meurt.
Il est de ces moments, dans une vie, où tout indique l'absurdité d'une situation. Et pourtant une force irrationnelle vous cloue en spectateur hagard du spectacle insensé de vos propres choix.
Cette femme déplace des montagnes pour les autres, mais il lui manque la force de pousser une porte pour elle-même.
Je bois pour noyer ma peine, mais cette garce apprend très vite à nager.
Jamais Gabriële ne parlera d'amour. Jamais elle ne dira : je l'aimais et il m'aimait. Ce qui se passe entre eux est un face-à-face d'où jaillissent la pensée et la création, c'est le début d'une infinie conversation, au sens étymologique du terme, aller et venir sur une même rivière, dans un même pays.