Images
J'ai travaille à ces articles ou à mes films de la même façon : enquêter à fond, me mettre entre parenthèses, m'oublier entièrement, entrer dans les raisons et déraisons, dans les mensonges et les silences de ceux que je veux peindre ou que j'interroge, jusqu'à atteindre un état d'hypervigilance hallucinée et précise qui est pour moi la formule même de l'imaginaire.
Claude Lanzmann
On ne peut pas tout de suite écrire, changer en un livre la matière de sa vie, ce qui est souvent le défaut des professionnels de la littérature.
Je crois que la création doit demeurer d'une certaine façon opaque. Si on veut être entièrement transparent à soi, translucide, je crois que la création est foutue.
C'est un événement qui n'a pas trouvé sa fin, qui n'a pas trouvé sa terminaison. En ce sens on a le droit de dire que c'est une césure et c'est d'une certaine façon aussi l'aune à laquelle tout aujourd'hui se mesure. C'est le maître étalon de tout, de toutes les revendications, de toutes les comparaisons
Je voulais appeler le film pendant un temps Le Lieu et la parole, racontait-il en 1985 sur France Culture, dans l'émission Le Cinéma des cinéastes. C'est en effet essentiel parce que ces lieux vides, ces lieux défigurés, cette sorte de... non-lieu de la mémoire d'une certaine façon se met à vivre par la parole mais les lieux en même temps donnent à la parole une vérité extraordinaire.
J'étais un homme des mûrissements longs, je n'avais pas peur de l'écoulement du temps, quelque chose m'assurait que mon existence atteindrait sa pleine fécondité quand elle entrerait dans sa deuxième moitié.
On reconnaît, paraît-il, les chefs à leur capacité meurtrière, on les appelle des "décideurs", on les paie pour cela très cher.
Des rabbins ont arbitrairement décidé après la guerre qu'il désignerait "la Chose". Pour moi, "Shoah" était un signifiant sans signifié, une profération brève, opaque, un mot impénétrable, infracassable, comme un noyau atomique.
L'assimilation est aussi une destruction, un triomphe de l'oubli.
Israël était passé pour moi dans le domaine privé, le plus intime en vérité : les questions que cette jeune nation suscitait, celles qu'elle me contraignait à affronter me regardaient d'abord et j'éprouvais qu'il y aurait quelque chose d'obscène à les exposer au grand jour de la publicité.
On ne se trompait pas en 1943 sur le sens d'un livre comme L'Etre et le néant par Jean-Paul Sartre, c'était une ontologie de la liberté. Et aussi [...] l'importance qu'ont eu pour moi les Réflexions sur la question juive après la guerre. Ça a été un livre à tous égards libérateur.
Si j'avais pu ne pas nommer mon film, je l'aurais fait
Je ne suis ni blasé ni fatigué du monde, cent vies, je le sais, ne me lasseraient pas.
On mourait de faim en Israël à l'époque, c'était ce qu'ils appelaient la tsena, l'austérité. Il n'y avait rien à manger, j'ai vécu dans la faim permanente. Il n'y avait ni argent ni nourriture."
J'aime les lièvres, je les respecte, ce sont des animaux nobles... S'il y a une vérité de la métempsychose et si on me donnait le choix, c'est, sans hésitation aucune, en lièvre que je voudrais revivre.
Il n'y avait aucune réalité à filmer, il fallait la créer cette réalité, l'inventer.
Je venais de voir un lièvre patagon, animal magique, et la patagonie tout entière me transperçait soudain le coeur de la certitude de notre commune présence. Je ne suis ni blasé ni fatigué du monde, cent vies, je le sais, ne me lasseraient pas.
Je n'aurais jamais pu consacrer douze années de ma vie à accomplir une oeuvre comme "Shoah" si j'avais été moi-même déporté. Ce sont là des mystères, ce n'en sont peut-être pas. Il n'y a pas de création véritable sans opacité, le créateur n'a pas à être transparent à soi-même.
Je ne me suis jamais guéri de la mort. Ce qui me scandalise le plus dans le monde, c'est de devoir mourir. Je n'aime pas la musique, et je n'aime pas mourir. Vous pouvez dire ça de moi.
Il y avait des catacombes dans ce lycée. On avait très peu d 'armes, quelques revolvers, et on s'entraînait la nuit dans des catacombes profondes à tirer au revolver et pour frimer quelques fois, dans nos blouses grises d'internes, on venait avec un flingue dans la poche. Mais moi je n'ai pas beaucoup travaillé cette année-là, trop occupé uniquement à la Résistance.