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L'imagination s'entraîne. Ce qui ne s'entraîne pas, c'est l'émotion.
Dany Laferrière
Pour bien comprendre quelqu'un, c'est mieux de lire, par-dessus son épaule, les livres qu'il lit.
La mère d'un écrivain est si souvent mise à contribution qu'elle devrait exiger un contrat particulier avec l'éditeur, car c'est devenu un métier.
Depuis cinquante ans on nous emmerde avec l'identité, c'est l'expression à la mode. On dirait qu'on a été pris en otages par une bande de psychologues, de psychiatres ou de psychopathes. Quel que soit ce que vous faites, c'est une question d'identité.
On ne meurt pas tant qu'on bouge. Mais ceux qui n'ont jamais franchi la barrière de leur village attendent le retour du voyageur pour estimer si cela valait la peine de partir.
Chacun porte en soi la même somme d'énergie à dépenser sauf que la flamme est plus vive quand son temps pour brûler est plus bref.
Ecrire, c'est cuisiner avec des lettres.
Le livre n'est pas fait uniquement pour être lu par les autres. Forcément, il est fait aussi pour être lu plus tard, bien plus tard, très tard, par l'auteur.
Les choses s'accumulent en moi et les séparations ne sont pas des soustractions. Cela permet des additions.
Les blessures dont on a honte ne se guérissent pas.
On remarque qu'une société est en danger quand ses vieux accélèrent le rythme au lieu de le ralentir. On se demande où ils vont tous si vite ?
Dans la vie on prend toujours le mauvais chemin au bon moment.
Le dandysme c'est quelque chose qui vous habite, c'est quelque chose que vous voudriez être...
Ceux qui aiment ont toujours raison.
Il y a autant de mystère à s'approcher d'un être qu'à s'en éloigner.
Le livre est plus complexe qu'un ordinateur et aussi simple à ouvrir qu'un ciel d'été.
Le poète m'aide à faire le lien entre cette douleur qui me déchire et le subtil sourire de mon père.
Le sourire est une invention britannique. Pour être précis, les Anglais l'ont rapporté de leur campagne japonaise.
Je n'arrive pas à rêver d'une ville quand je suis dans la ville, il faut que je sorte de la ville pour qu'elle puisse m'habiter.
Toute guerre n'a pour but qu'une occupation du territoire.
La seule intelligence qui vaille la peine, c'est celle qui nous permet de nous mettre à la place de l'autre - de ressentir ce qu'il ressent sous la douleur et l'humiliation.
Je déteste tellement le cynisme et l'ironie que j'étais prêt à ne plus utiliser l'humour.
L'enfant devant la télé donne dos à tout. C'est à son dos qu'on parle, et c'est son dos qui nous répond.
On n'est pas forcément du pays où l'on est né. Il y a des graines que le vent aime semer ailleurs.
La réalité de la dictature était ce fleuve de sang et de boue, et moi j'étais une feuille détachée d'une branche d'un arbre et qui flottait, légère et étourdie.
Un bon livre se retrouve toujours entre les mains d'un lecteur libre. Sinon il n'y reste pas longtemps, car le mauvais lecteur cherche à se débarrasser de tout ce qui ne ressemble pas à ce qu'il a déjà lu. Un livre-pute n'est jamais loin de devenir un livre-culte.
On est vraiment mort quand il n'y a personne pour se rappeler notre nom, sur cette terre.
L'exil du temps est plus impitoyable que celui de l'espace. Mon enfance me manque plus cruellement que mon pays.
Lire n'est pas nécessaire pour le corps (cela peut même se révéler nocif), seul l'oxygène l'est. Mais un bon livre oxygène l'esprit.
Seul le voyage sans billet de retour peut nous sauver de la famille, du sang et de l'esprit de clocher.
Nous sommes dans la voiture de son ami Chico. On doit garder ses pieds sous ses jambes, car il n'y a pas de plancher. On voit l'asphalte défiler et les trous d'eau verte. On dirait une décapotable à l'envers.
On veut toujours croire que son père va régler tous les problèmes, va abattre toutes les murailles et, brusquement, on voit son père s'excuser, on le voit baisser la tête, on le voit devenir un enfant. Et plus enfant que nous.
Je n'ai aucune oreille musicale, la seule oreille que j'ai, c'est celle d'une machine à écrire.
Plus les moyens de communication se multiplient, plus notre monde se rétrécit.
On ne dévore pas un bon livre, c'est plutôt dans son ventre que vous risquez de finir. Comment reconnaître un bon lecteur ?
Le temps va plus vite quand les gens veulent l'arrêter.
Me vient à l'esprit la fameuse interrogation de Thalès. Qui vient d'abord : la nuit ou le jour ? Et Thalès tranche : la nuit est en avance d'un jour.
Mon coeur est à Port-au-Prince, mon corps à Miami et mon âme à Montréal.
L'exilé, ce n'est pas celui qui part, puisque celui qui part va toujours découvrir un autre monde qu'il ne connaît pas et qui pourrait apporter un certain excitant à sa vie ; l'exilé, c'est celui qui reste.
C'est quand on n'a rien à faire que le temps est précieux.
Quand on met le vêtement d'académicien, il se passe quelque chose...
Je consomme autant de viande ici en un hiver qu'un pauvre en mange en Haïti durant toute une vie.
C'est un goût étrange que celui des mots, pas si différent du goût d'un fruit mûr, du poisson frais ou même d'un baiser sous la pluie.
Le Noir est une variété humaine qui attire les policiers des petites villes américaines, comme le miel attire l'ours.
Au début, on se raconte tout, j'imagine. Après quelques années, on n'a plus rien à se dire, on se contente d'analyser les moindres inflexions perçues dans la voix de l'autre.
L'écrivain est un homme privilégié à qui on donne le droit de traverser les barrières entre les classes sociales aussi bien que les frontières entre les pays.
La sieste est une courtoisie que nous faisons à notre corps exténué par le rythme brutal de la ville.
Il arrive toujours ce moment où l'on ne se reconnaît plus dans le miroir à force de vivre sans reflet.
Quand j'écris à la main j'ai tendance à faire, à écrire de manière trop fleurie.
Le Québécois pense que la langue française est une langue du corps, une langue de la quotidienneté, et plus on la parle sous un mode naturel, plus on s'éloigne de l'hypocrisie de la grammaire, de l'hypocrisie de la singularité, de la phrase.