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Alors j'ai pensé que ma vie n'aurait plus jamais de sens si elle devait être privée de cet homme, j'ai pensé que jamais plus je ne pourrais rire, ni parler, ni marcher, si cet homme devait me quitter.
Delphine de Vigan
Pendant des semaines, j'ai rêvé qu'un jour il appuierait sur l'accélérateur, pied au plancher, et nous projetterait tous les trois dans le mur du parking, unis pour toujours.
Noël est un mensonge qui réunit les familles autour d'un arbre mort recouvert de lumières, un mensonge tissé de conversations insipides, enfoui sous des kilos de crème au beurre, un mensonge auquel personne ne croit.
Les histoires, il y a celles dont on se souvient, celles dont on rêve, et puis celles des autres : autant de miroirs sans fond recouverts par le verbe.
Pour connaître les goûts de Cindy Kpop, il fallait être son ami. Hélas, il n'était que son père.
Chacun de nous abrite-t-il quelque chose d'innommable, susceptible de se révéler un jour, comme une encre sale, antipathique, se révèlerait sous la chaleur de la flamme ? Chacun de nous dissimule-t-il en lui-même ce démon silencieux capable de mener, pendant des années, une existence de dupe ?
Pour être vivants. Il faut bien qu'on puisse faire des petites choses tout seuls dans notre coin, des petites choses légèrement interdites, et fermer notre porte quand on a besoin d'être tranquilles.
Il dit se battre contre soi pour comprendre un jour qu'on se bat pour soi.
Ma mère constituait un champ trop vaste, trop sombre, trop désespéré : trop casse gueule en résumé.
Personne ne s'en était rendu compte, Jean-Marc avait l'air heureux. De quoi étaient-ils coupables, eux qui vivaient encore, eux qui n'avaient rien vu ?
On abrite tous une perte ou un manque, quelque chose en creux qu'on a fini par apprivoiser.
Aujourd'hui je sais que L. est la seule et unique raison de mon impuissance. Et que les deux années où nous avons été liées ont failli me faire taire jamais.
Le problème avec les hypothèses, c'est qu'elles se multiplient à la vitesse du son, si on se laisse aller.
Certains secrets sont comme des fossiles et la pierre est devenue trop lourde pour la retourner.
Ils n'ont pas eu besoin de parler pour savoir qu'ils pouvaient s'entendre. Il suffisait de se regarder ; communautés tacites – sociales, affectives, émotionnelles – signes abstraits, fugaces, de reconnaissance mutuelle, qu'ils seraient pourtant incapables de nommer. Ils ne se sont plus quittés.
Elle a vidé ce corps de sa vie, elle est allée jusqu'au bout, au bout de ses forces.
J'ai lu un livre, une théorie sentimentale, dite de la deuxième chance, selon laquelle le destin se chargerait de remettre sur votre chemin le ou la promis(e) que vous auriez manqué une première fois, par paresse ou par inadvertance.
Quand j'étais petite je voulais être un feu rouge, au plus grand carrefour, il me semblait qu'il n'y avait rien de plus digne, de plus respectable, régler la circulation, passer du rouge au vert et du vert au rouge pour protéger les gens.
En tout cas, que le roman soit certifié par le réel ne le rend pas meilleur.
L'amour sait s'armer de patience, sans larmes et sans exigences.
Il ne faut pas espérer changer le monde car le monde est bien plus fort que nous.
J'ignore s'il est difficile de quitter quelqu'un qu'on aime mais je sais combien il est difficile de perdre quelqu'un.
Il l'aimait avec ses doutes, son désespoir, il l'aimait depuis le plus sombre de lui-même, au coeur de ses lignes de faille, dans la pulsation de ses propres blessures. Il l'aimait avec la peur de la perdre, tout le temps.
La nuit quand on ne dort pas les soucis se multiplient, ils enflent, s'amplifient, à mesure que l'heure avance les lendemains s'obscurcissent, le pire rejoint l'évidence, plus rien ne paraît possible, surmontable, plus rien ne paraît tranquille.
Cette fois, je ne pus rien ignorer de la douleur qui ravageait ma famille, elle saturait l'air comme de la poudre d'explosif.
Marc occupait mon espace. Marc était le temps arrêté, suspendu. Marc était ma douceur, ma plénitude. Marc était là comme une icône, Marc se donnait à voir et à aimer.
Emma, nous sommes des enfants du silence, c'est la faim qui nous dévore, et le rêve aussi.
Le risque, ce n'est pas que je ne t'aime pas assez, c'est que je t'aime trop.
Je cherche autour de moi une issue dérobée qui me permettrait d'échapper une fois pour toute à la réalité effective des choses.
L'écriture me met à nu, détruit une à une mes barrières de protection, défait en silence mon propre périmètre de sécurité.
Anorexique. Ça commence comme anorak mais ça finit en hic. Dix pour cent en meurent à ce qu'il paraît. Par inadvertance peut-être. Sans s'en rendre compte. De solitude, surement.
C'est l'histoire d'un poisson sans écailles, d'une tortue sans carapace, d'une princesse de pacotille qui ne pouvait renoncer à sa douleur.
Elle rêvait de devenir invisible : tout voir, tout entendre, tout apprendre, sans que rien de palpable ne signalât sa présence. Elle ne serait plus qu'une onde, un souffle, un parfum peut-être, rien qu'on pût toucher ou attraper.
Au-delà des mots, quelque chose parfois nous propulse vers la solitude de l'autre, vers son désespoir, son impuissance ou sa colère, cela même qui ne se partage pas et que l'on croit pourtant reconnaitre.
La relation amoureuse peut-être se réduisait à ce déséquilibre : dès lors qu'on voulait quelque chose, dès lors qu'on attendait, on avait perdu.
Les gens gentils sont les plus dangereux. Ils menacent l'édifice, entament la forteresse, un mot de plus et Mathilde pourrait se mettre à pleurer.
Aujourd'hui j'aime un homme dont la trajectoire a étrangement percuté la mienne (ou plutôt l'inverse) à la fois si semblable et si différent de moi, dont l'amour innatendu, dans le même temps me comble, me renverse et me renforce...
Quelques minutes plus tard, une femme entre dans la chambre pour lui proposer une collation. Un petit jus de pomme avec une petite paille et un petit gâteau emballé dans un petit sachet. Les mêmes qu'au centre de loisirs. Voilà donc ce qui t'attend des petits pas, des petits sommes, des petits goûters, des petites sorties, des petites visites. Une vie amoindrie, rétrécie, parfaitement réglée.
On croit toujours qu'on a le temps de dire les choses, et puis soudain c'est trop tard. On croit qu'il suffit de montrer, de gesticuler, mais ce n'est pas vrai, il faut dire.
Les vrais élans créateurs sont précédés par une forme de nuit.
Ecrire sur sa famille est sans aucun doute le moyen le plus sur de se fâcher avec elle.
Avais-je besoin d'écrire ça ? Ce à quoi, sans hésitation, j'ai répondu que non. J'avais besoin d'écrire et ne pouvais rien écrire d'autre, rien d'autre que ça. La nuance était de taille.
J'avais trop de trucs dans la tête et parfois, c'est comme les ordinateurs le système se met en veille pour préserver la mémoire.
Il exécute les gestes, respecte les horaires et les itinéraires, il se regarde vivre, ni présent ni absent, ignorant ce qui lui échappe comme ce qui lui appartient.
J'étais une petite fille é-mot-ive, à laquelle il manquait donc des mots.
L'amour se nourrit de miettes, de bribes, de soupirs, l'amour n'a pas besoin de preuves, l'amour fait feu de tout bois et se gave d'illusions.
Lucile avait édifié les murs d'un territoire retiré qui n'appartenait qu'à elle, un territoire où le bruit et le regard des autres n'existaient pas.
Non contente de s'imposer sans que je la convoque, la mère idéale s'inscrit dans un lyrisme de pacotille.
Il arrive un moment où le prix est devenu trop élevé. Dépasse les ressources. Où il faut sortir du jeu, accepter d'avoir perdu. Il arrive un moment où l'on ne peut pas se baisser plus bas.
Il lui a semblé que cette femme et lui partageait le même épuisement, une absence à soi-même qui projetait le corps vers le sol. Il lui a semblé que cette personne et lui partageaient beaucoup de choses. C'était absurde et puéril, il a baissé les yeux.