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Il n'y aura jamais assez d'heures pour pour venir à bout de la mémoire.
Edmond Jabès
L'humour a besoin du doute pour circuler.
Il y a un langage pour la mort comme il y a un langage pour la vie.
La vie n'est que la mort qui vibre.
Un livre est toujours l'approche ou le prolongement d'un livre entrevu.
L'écrivain n'est libre de son écriture que par l'usage qu'il en fait : c'est-à-dire, par sa propre lecture. Comme si écrire avait pour but, en somme, à partir de ce qui a été écrit, d'instaurer la lecture de ce qui viendra s'écrire.
- Ma question n'est pas : Qui es-tu ?, mais : Que m'apportes-tu ? - Ce que je t'apporte n'est autre que ce que je suis, lui fut-il répondu.
Etre l'univers, les saisons des vocables bercés, réconciliés.
Le hasard est l'explication que donnent les humains de ces rencontres imprévues qui ont boulversé leur existence. Le hasard n'est pas affaire de Dieu, qui ne cherche pas à expliquer ni à s'expliquer.
Il y a eu les charniers et l'herbe dessus, le champ. Les fleurs sont dans le coup. Elles ont été nourries d'os et de pensées d'os. Leur parfum est parjure.
Il y eut, jadis, une main pour nous conduire à la vie. Un jour y aura-t-il une main pour nous conduire à la mort ?
L'écrivain est à l'écoute des mots qui tracent son avenir.
Tu es belle de toutes mes raisons de te trouver belle et que tu appelles ma déraison.
L'enfant pleurait. Ses cris étaient des aiguilles, de toutes petites aiguilles d'acier et de sel autour du lit, et peut-être, autour de la maison, dans la nuit.
Et Sarah dit : Je suis dans la brume dorée où tu m'as laissée, Yukel. Je suis l'or glacé.
La vérité est incessante invention puisqu'elle se contredit soi-même et que seul ce qui est provisoire est vrai, seul ce qui peut être partagé.
Ecrire, c'est rendre le sommeil aux mots. La page est le dortoir ; alors le rêve prend les rênes et tu peux boire à l'étape.
Il y a des limites au désespoir. Il n'y a pas de limites à l'espérance.
Ecrire, c'est affronter un visage inconnu.
Les livres sont habités de monstres que la nuit de l'encre protège. Il nous faut continuellement apaiser leur appétit.
L'écrivain s'écrit en lisant, le lecteur se lit dans l'écrit.
Couple terrible : la vie tremble, la mort rit.
Quoi que tu fasses, c'est toi que tu espères sauver. C'est toi que tu perds.
Je vous ai parlé de la difficulté d'être juif qui se confond avec la difficulté d'écrire, car le judaïsme et l'écriture ne sont qu'une même attente, un même espoir, une même norme.
Ce n'est pas qu'on veuille être libre, mais on y rêve.
Nous partons toujours du texte écrit pour revenir au texte à écrire, de la mer à la mer, du feuillet au feuillet.
Aucune parole ne précède les vrais départs.
A l'âge déclaré d'un Juif, il faut toujours rajouter cinq mille ans.
Ceux qui s'appliquent à bien former leurs lettres, ceux dont les mots sont scrupuleusement dessinés, sont des êtres comblés.
Savoir, c'est questionner.
Rien n'est vrai. Tout pourrait l'être.
Rien n'est donné. Tout est à prendre - à apprendre.
Dans le mot oeil, il y a le mot loi. - Tout regard contient la loi.
Ne confonds pas justice et vérité ; car la justice est rendue au nom de la vérité et la vérité se cherche.
Dieu est absence du livre et le livre, lent déchiffrement de son absence.
Pratiquer l'écriture, c'est pratiquer sur sa vie une ouverture par laquelle la vie se fera texte.
Le sens des mots est celui de leur aventure ; le sens qu'ils accordent - et nous force à attribuer - à leur propre éploiement et à leur rature.
Le livre n'est pas. La lecture le crée, à travers des mots créés, comme le monde est lecture recommencée du monde par l'homme.
Ne néglige pas l'écho, car c'est d'échos que tu vis.
L'homme est lien et lieu écrits.
Le temps est une mémoire sans objet. Forcer le temps à se souvenir c'est, pour ainsi dire, arrêter le temps.
Nous sommes plus vieux que notre vie.
La singularité est subversive.
La pensée est toujours en retard sur le regard, ce qui longtemps nous fit croire qu'une partie du monde nous était cachée.
L'arbre est le symbole d'unité de l'univers que l'ombre et la lumière revendiquent. Il est le désir exacerbé et comblé qui a commandé ma vie et par lequel je suis entré dans la mort.
Tu crois à la raison, comme si elle était raisonnable.
Entrer en soi-même, c'est découvrir la subversion.
Dieu est une mèche discrète qui, par toi, sera clarté ; car elle attend, sous le verre, le geste de feu qui en fera ta lampe.
Nous rassemblerons les images et les images des images jusqu'à la dernière qui est blanche et sur laquelle nous nous accorderons.
L'aveugle garde le regard comme le muet la parole - l'un et l'autre dépositaires de l'invisible, de l'indicible... gardiens infirmes du rien.