Images
Les intuitions des poètes sont les aventures oubliées de Dieu.
Elias Canetti
Il y a des bavards ridicules. Il y a aussi des taciturnes ridicules.
Peu importe qu'une idée soit plus ou moins neuve : ce qui importe, c'est qu'elle le devienne.
Les animaux ne se doutent pas que nous leur avons donné des noms. - On peut-être que si, et c'est alors pourquoi ils ont peur de nous.
Aucun poème ne peut donner une image véridique de notre monde. L'image vraie, horrible de ce monde est le journal.
Ce que l'espoir est pour le pauvre, l'héritage l'est pour le riche.
Qui n'a rien à penser recourt au dictionnaire.
Collectionneurs d'ultimes regards : comme je plains les résignés qui, en mourant, renoncent à tous ceux qui vivent et vivront.
Il est embarrassant d'expliquer des réflexions : c'est comme si l'on se rétractait.
Dieu était une erreur. Mais il est difficile de déterminer si elle fut commise trop tôt ou trop tard.
Si tu écris ta vie, chaque page devrait apporter quelque chose dont personne n'a jamais eu vent.
Le succès, mort-aux-rats pour les hommes. Une infime minorité s'en tire.
On réfléchit et on réfléchit encore jusqu'à ce que tout se réfléchisse tout seul. Alors, cela n'a plus aucun sens.
Il embrassa la dernière pensée de celle qu'il aimait et s'éteignit.
Chaque fois qu'on observe un animal, on a l'impression qu'il y a là un être humain en train de se foutre de nous.
"Dialogue", disent ceux qui brûlent de parler.
N'explique rien, ne donne aucune clé. Laisse quelque chose à faire à ceux qui auraient envie de se casser la tête.
Les grands mots devraient, en signe d'avertissement, commencer à siffler comme les bouilloires.
S'étonner de chaque vie : est-ce cela, la compassion ?
Chacun ne devrait-il pas réussir une phrase ? Collectionner les phrases de ceux à qui rien d'autre ne réussit.
Elle a quelque chose de fou, cette exigence qui oblige chacun à amasser pour soi seul les articles de sa pensée et de sa foi ; c'est comme si chacun devait construire tout seul la ville dans laquelle il vit.
Ne crois surtout pas celui qui dit toujours la vérité.
Réussir, ce n'était pas obtenir quelque chose pour soi-même ; la réussite, cela devait concerner tout le monde, ou alors ce n'était pas une réussite.
Saisir les hommes dans leur diversité est une aspiration élémentaire qu'il conviendrait de cultiver.
Qu'adviendra-t-il de l'image que les morts ont laissée dans tes yeux ? Comment la transmettras-tu ?
L'esprit se nourrit du hasard, encore doit-il le saisir au vol.
Au purgatoire les hommes parlent beaucoup ; en enfer il se taisent.
La tournure des gens est si ambiguë qu'il suffit de se montrer tel qu'on est pour vivre ignoré et caché.
L'ordre est plus ancien que le langage, sinon les chiens ne pourraient pas le comprendre.
Il ne peut y avoir de Créateur, tout simplement parce que son affliction devant le sort de sa création lui serait inconcevable et insupportable.
Pourquoi supportes-tu chacun ? Parce qu'il dure si peu.
Lire jusqu'à ne plus comprendre la moindre phrase, c'est commencer à lire.
Plus on lutte "pour sa propre survie", plus il devient évident qu'on lutte contre les autres qui vous gênent de tous les côtés.
Personne n'a d'ami pour tout ce qu'il est : ce serait de la corruption.
Il n'a gardé d'immense qu'une chose, une seule : la patience. Mais toute nouveauté a besoin d'impatience pour naître.
Chaque homme à besoin d'une sphère légitime de répression où il lui soit loisible de mépriser, de dédaigner, et d'exalter son orgueil par-delà les mers.
Les prophètes prédisent, en se lamentant, l'histoire ancienne.
Ecrire jusqu'au moment où le bonheur d'écrire vous fait douter de votre propre malheur.
Le plus intolérable serait un Dieu tel qu'on le souhaite.
Il y a deux espèces de gens, les trompés et les trompeurs, les faibles et les forts. Les forts sont comme le granit, on peut les presser autant qu'on veut, on n'en tirera jamais rien.
Celui qui ne croit pas en Dieu prend sur lui toute la faute de l'existence du monde.
Montaigne, celui qui dit moi. "Moi" en tant qu'espace, non en tant que position.
Rien n'est plus ennuyeux que d'être adoré. Comment Dieu le supporte-t-il ?
Comme Solon pleurait la mort de son fils et que quelqu'un lui disait : "Tes larmes n'y changeront rien", il répondit : "C'est justement parce que je ne peux rien y changer que je pleure."
Il faut se dire que les malentendus sont féconds. Il ne faut pas les mépriser.
Qui a trop de paroles ne peut que rester seul.
La réussite est la place qu'on occupe dans les journaux. La réussite est l'insolence d'un jour.
Le cosmos déçoit. Le cosmos déchoit.
Ne laisse pas s'écouler de jour sans signes. Quelqu'un en aura besoin.
Dieu a été interrompu par l'homme.