Images
Si l'on admet que c'est le diable qui gouverne le monde, tout s'explique. Par contre, si c'est Dieu qui règne, on ne comprend rien.
Emil Cioran
La décomposition préside aux lois de la vie : plus proches de notre poussière que ne le sont de la leur les objets inanimés, nous succombons avant eux et courons vers notre destin sous le regard des étoiles apparemment indestructibles.
Le lot de celui qui s'est trop révolté est de n'avoir plus d'énergie que pour la déception.
Sans amour, tout est rien.
... l'orgasme du remords.
Telle duperie triomphe : il en résulte une religion, une doctrine ou un mythe - et une foule de fervents ; telle autre échoue : ce n'est alors qu'une divagation, une théorie ou une fiction.
Une seule chose importe : apprendre à être perdant.
Nous avons peur de l'immensité du possible, n'étant pas préparés à une révélation si vaste et si subite, à ce bien dangereux auquel nous aspirions et devant lequel nous reculons.
La confession la plus vraie est celle que nous faisons indirectement, en parlant des autres.
La liberté est le bien suprême pour ceux-là seuls qu'anime la volonté d'être hérétiques.
Mes doutes, je les ai acquis péniblement ; mes déceptions, comme si elles m'attendaient depuis toujours, sont venues d'elles même.
S'étendre dans un champ, humer la terre et se dire qu'elle est bien le terme et l'espoir de nos accablements, et qu'il serait vain de chercher quelque chose de meiux pour se reposer et se dissoudre.
L'Angoisse était déjà un produit courant au temps des cavernes. On se figure le sourire de l'homme de Neandertal, s'il eût prévu que les philosophes viendraient un jour en réclamer la paternité.
On vit dans le faux aussi longtemps qu'on n'a pas souffert. Mais quand on commence à souffrir, on n'entre dans le vrai que pour regretter le faux.
Le cafard est universel. Même les poux doivent le connaître. Aucun moyen de s'en prémunir.
L'amour montre jusqu'où nous pouvons être malades dans les limites de la santé : l'état amoureux n'est pas une intoxication organique, mais métaphysique.
A quel point l'humanité est en régression, rien ne le prouve mieux que l'impossibilité de trouver un seul peuple, une seule tribu, où la naissance provoque encore deuil et lamentation.
Toutes les rancunes viennent de ce que, restés au-dessous de nous-mêmes, nous n'avons pu nous rejoindre. Cela, nous le pardonnons jamais aux autres.
L'humanité rougira d'enfanter quand elle verra les choses telles qu'elles sont.
Le Progrès est l'injustice que chaque génération montante commet à l'égard de celle qui l'a précédée.
Aimer son prochain est chose inconcevable. Est-ce qu'on demande à un virus d'aimer un autre virus ?
Que tout soit dépourvu de consistance, de fondement, de justification, j'en suis d'ordinaire si assuré, que, celui qui oserait me contredire, fût-il l'homme que j'estime le plus, m'apparaîtrait comme un charlatan ou un abruti.
Les hommes n'ont pas compris qu'il n'y a pas de meilleure arme contre la médiocrité que la souffrance. On ne change pas grand-chose par la culture ou par l'esprit ; en revanche, on transforme un nombre incalculable de choses par la douleur.
Nous ne courons pas vers la mort, nous fuyons la catastrophe de la naissance, nous nous démenons, rescapés qui essaient de l'oublier. La peur de la mort n'est que la projection dans l'avenir d'une peur qui remonte à notre premier instant.
Dans la stupidité il est un sérieux qui, mieux orienté, pourrait multiplier la somme des chefs-d'oeuvre.
La conscience est bien plus que l'écharde, elle est le poignard dans la chair.
C'est le fait d'un vaniteux que de grossir ses malheurs.
Si j'avais cédé aux flatteries de la musique, à ses appels, à tous les univers qu'elle a suscités et détruits en moi, il y a longtemps que, d'orgueil, j'aurais perdu la raison.
La peur est une mort de chaque instant.
Quiconque se survit se méprise sans le dire, et parfois sans le savoir.
... la rage d'un amour-haine.
Il est des performances qu'on ne pardonne qu'à soit : si on se représentait les autres au plus fort d'un certain grognement, il serait impossible de leur tendre encore la main.
Moraliste profiteur, psychologue doublé d'un parasite, le flatteur connaît notre faiblesse et l'exploite sans vergogne.
Un auteur trop souvent cité, on finit par ne plus avoir envie de le lire. Son nom est profané à force de circuler. On préfère lire quelqu'un de moins connu et même de moindre talent, ne serait-ce que parce qu'il n'appartient pas à tous.
Dans tout homme rien n'est plus existant et véridique que sa propre vulgarité, source de tout ce qui est élémentairement vivant.
Quel dommage que, pour aller à Dieu, il faille passer par la foi !
Créer c'est léguer ses souffrances, c'est vouloir que les autres s'y plongent et les assument, s'en imprègnent et les revivent.
Nous aurions du être dispensé de traîner un corps. Le fardeau du moi suffisait.
Dans l'anxiété et l'affolement, le calme soudain à la pensée du foetus qu'on a été.
Pendant l'insomnie, je me dis, en guise de consolation, que ces heures dont je prend conscience, je les arrache au néant, et que si je les dormais, elles ne m'auraient jamais appartenu, elles n'auraient jamais existé.
... l'injustice d'exister.
Se détruit quiconque, répondant à sa vocation et l'accomplissant, s'agite à l'intérieur de l'histoire ; celui-là seul se sauve qui sacrifie dons et talents pour que, dégagé de sa qualité d'homme, il puisse se prélasser dans l'être.
La mélancolie est l'état de rêve de l'égoïsme.
Naissance et chaîne sont synonymes. Voir le jour, voir des menottes...
Être objectif, c'est traiter l'autre comme on traite un objet, un macchabée, c'est se comporter à son égard en croque-mort.
... naître, c'est s'attacher.
Je rêve d'un confesseur idéal, à qui tout dire, tout avouer, je rêve d'un saint blasé.
Sans Bach, la théologie serait dépourvue d'objet, la Création fictive, le néant péremptoire. S'il y a quelqu'un qui doit tout à Bach, c'est bien Dieu.
Ce besoin de remords qui précède le Mal, que dis-je ! qui le crée...
La connaissance à petite dose enchante ; a forte dose, elle déçoit. Plus on en sait, moins on veut en savoir. Car celui qui n'a pas souffert de la connaissance n'aura rien connu.