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Nul ne devrait s'aventurer dans la vie avant de s'être assuré d'en avoir la force.
Emil Cioran
Deux ennemis, c'est un même homme divisé.
Le sceptique est le désespoir du diable. C'est que le sceptique, n'étant l'allié de personne, ne pourra aider ni au bien ni surtout au mal. Il ne coopère avec rien, même pas avec soi.
On cesse d'être jeune au moment où l'on ne choisit plus ses ennemis, où l'on se contente de ceux qu'on a sous la main.
Plus un esprit est revenu de tout, plus il risque, si l'amour le frappe, de réagir en midinette.
Bien plus que le temps, c'est le sommeil qui est l'antidote du chagrin. L'insomnie, en revanche, qui grossit la moindre contrariété et la convertit en coup du sort, veille sur nos blessures et les empêche de dépérir.
L'amour, une rencontre de deux salives. Tous les sentiments puisent leur absolu dans la misère des glandes.
Une passion a toujours raison dans l'immédiat ; jamais dans le futur.
La musique, système d'adieux, évoque une physique dont le point de départ ne serait pas les atomes, mais les larmes.
... guérir de l'ennui par la stupeur.
Nul ne peut veiller sur sa solitude, s'il ne sait se rendre odieux.
N'importe qui se sauve par le sommeil, n'importe qui a du génie en dormant : point de différence entre les rêves d'un boucher et ceux d'un poète. Mais notre clairvoyance ne saurait tolérer qu'une telle merveille dure, ni que l'inspiration soit mise à
J'ignore totalement pourquoi il faut faire quelque chose ici-bas, pourquoi il nous faut avoir des aspirations, des espoirs et des rêves.
Le secret de mon adaptation à la vie ? - J'ai changé de désespoir comme de chemise.
Il me paraît plus aisé de se croire Dieu que de croire en Dieu.
Pour moi, tout type qui ne se suicide pas, il est prostitué, dans un certain sens. Il y a des degrés de prostitution. Mais il est évident que tout acte participe du trottoir.
L'heure de vérité sonne pour certains, pour la majorité, une seule fois ; pour d'autres, elle ne cesse de sonner.
Il faut que la modestie soit un état bien peu naturel pour qu'on n'y atteigne qu'à la faveur de l'épuisement.
Pitié pour celui qui, ayant épuisé ses réserves de mépris, ne sait plus quel sentiment éprouver à l'égard des autres et de lui-même !
... ce climat d'asthme que créent les convictions...
Ce qui semble certain, c'est que "l'histoire" procède d'une identité brisée, d'une déchirure initiale, source du multiple, source du mal.
Se méfier des penseurs dont l'esprit ne fonctionne qu'à partir d'une citation.
Si nous n'avions la faculté d'exagérer nos maux, il nous serait impossible de les endurer. En leur attribuant des proportions inusitées, nous nous considérons comme des réprouvés de choix, des élus à rebours, flattés et stimulés par la disgrâce.
L'homme est comme Macbeth après le crime : reculer serait pour lui beaucoup plus difficile et plus fastidieux que de persévérer, que de s'enfoncer davantage dans l'irréparable.
L'aphorisme ? Un feu sans flamme. On comprend que personne ne veuille s'y réchauffer.
Tout ce qui n'accepte pas l'existence comme telle confine à la théologie. La nostalgie n'est qu'une théologie sentimentale où l'Absolu est construit avec les éléments du désir, où Dieu est l'indéterminé élaboré par la langueur.
L'essentiel n'a jamais exigé le moindre talent.
Tout persécute nos idées, à commencer par notre cerveau.
Parmi ceux qui refusent la vie et ne peuvent l'aimer, tous l'ont aimée un jour ou ont voulu l'aimer.
Certains ont des malheurs ; d'autres, des obsessions. Lesquels sont le plus à plaindre ?
Dans son dessein général, l'utopie est un rêve cosmogonique au niveau de l'histoire.
L'insomnie est une lucidité vertigineuse qui convertirait le paradis en un lieu de torture.
Nous ne devrions déranger nos amis que pour notre enterrement. Et encore !
L'idée de Dieu aura fait de l'usage ! On ne voit pas par quoi la remplacer. Pourquoi alors l'homme ne ferait-il pas tout pour la garder, pour s'y cramponner ? De toute façon il ne trouvera pas mieux.
Quand l'idée se cherchait un refuge, elle devait être vermoulue, puisqu'elle n'a trouvé que l'hospitalité d'un cerveau.
Que nous puissions être blessés par ceux-là mêmes que nous méprisons discrédite l'orgueil.
... ce que nous vénérons dans nos dieux ce sont nos défaites en beau.
Après minuit commence la griserie des vérités pernicieuses.
Marcher dans une forêt entre deux haies de fougères transfigurées par l'automne, c'est cela un triomphe. Que sont à côté suffrages et ovations ?
Nous ne comprenons ce qu'est la mort qu'en nous rappelant soudain la figure de quelqu'un qui n'aura été rien pour nous.
Dans mes accès d'optimisme, je me dis que ma vie a été un enfer, mon enfer, un enfer à mon goût.
La peur rend conscient, la peur morbide et non la peur naturelle. Sans quoi les animaux auraient atteint un degré de conscience supérieur au nôtre.
Le sage est un destructeur apaisé, retraité. Les autres sont des destructeurs en exercice.
Ce n'est pas le malheur, c'est le bonheur, le bonheur insolent, il est vrai, qui conduit à l'aigreur et au sarcasme.
Qu'on le veuille ou non, le suicide est une promotion - un imbécile qui se donne la mort n'est plus un imbécile.
J'ai décidé de plus m'en prendre à personne depuis que j'ai observé que je finis toujours par ressembler à mon dernier ennemi.
Ce matin, après avoir entendu un astronome parler de milliards de soleils, j'ai renoncé à faire ma toilette : à quoi bon se laver encore ?
Une pensée qui n'est pas secrètement marquée par la fatalité, est interchangeable, ne vaut rien, n'est que pensée.
C'est s'investir d'une supériorité bien abusive que de dire à quelqu'un ce qu'on pense de lui et de ce qu'il fait. La franchise n'est pas compatible avec un sentiment délicat, elle ne l'est même pas avec une exigence éthique.
Le fanatisme est la mort de la conversation. On ne bavarde pas avec un candidat au martyre. Que dire à quelqu'un qui refuse de pénétrer vos raisons et qui, du moment que l'on ne s'incline pas devant les siennes, aimerait mieux périr que céder.