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Rencontrant une dame qu'il n'avait pas vue depuis très longtemps un homme d'âge hésitait : Comment ! dit la dame, vous ne me reconnaissez pas ? - Hélas ! madame ; j'ai tant changé !
Émile Faguet
Chacun de nous est un petit monde où le monde entier se voit en raccourci et est véritablement comme en germe...
Lire est doux ; relire est - quelquefois - plus doux encore.
Deux états sociaux ruinent l'idée ou plutôt le sentiment de la patrie : la vie politique trop violente, et la vie politique nulle.
La lecture est ainsi faite de ce que nous savons, de ce que nous apprenons et de ce que nous n'apprenons que parce que nous le savions déjà et de ce que nous savons mieux maintenant parce que nous venons de le rapprendre.
Je ne souhaite pas que les auteurs abondent en contradictions ; mais je souhaite que les lecteurs puissent en trouver.
Cléanthe et Spinoza étaient de très grands philosophes, mais ils étaient philosophes à leur loisir ; et Cléanthe était porteur d'eau et Spinoza polisseur de lunettes astronomiques.
Bien souvent un livre est tel qu'on voudrait que quelqu'un, qui fût vous-même, car on ne peut s'en reposer que sur soi, en eût marqué les passages intéressants et signalé particulièrement les pages d'une incontestable inutilité.
Le monde a été découvert il y a un peu plus de trois cents ans. Il n'y a pas plus de temps que les hommes savent que la terre est ronde, qu'elle est petite et que le ciel est infini.
Lire lentement, c'est le premier principe et qui s'applique absolument à toute lecture. C'est l'art de lire comme en essence.
La Renaissance était la renaissance de l'antiquité ; la Réforme était la renaissance du christianisme primitif.
C'est une grande marque, pour un livre, d'excellence ou de conformité avec notre caractère, que le désir que l'on a de le rouvrir.
La haine d'un sot livre est un sentiment très inutile en soi ; mais qui a son prix s'il ravive en nous l'amour et la soif de ceux qui sont bons.
Je relis beaucoup ; je crois comprendre beaucoup mieux. C'est une vieillesse qui n'est pas sans charme que celle que l'on consacre à corriger ses vieux contresens.
Qui est-ce qui a une personnalité ? Ils sont rares qui en ont une. Presque personne n'est une personne. Et à seize ans, personne n'est une personne.
L'absence de défauts n'est pas une qualité, en choses d'art, et les qualités moyennes même n'y sont presque comptées que comme absence de défauts.
Un homme comme Montaigne est un Latin, de sentiments, de pensée et même de style ; un homme comme Rabelais est un Grec, de sentiments et de pensée au moins ; de langue parfois.
Les hommes d'action peuvent malaisément être sceptiques ou se retrancher dans un pessimisme tout négatif.
La première lecture est au lecteur ce que l'improvisation est à l'orateur.
En latin legere signifie lire et signifie cueillir. Cette langue latine est charmante.
Ce qui empêche de jouir de belles choses, c'est l'envie de les trouver mauvaises ; il n'y a rien de plus incontestable.
Il y a deux éducations : la première que l'on reçoit au lycée, la seconde que l'on se donne à soi-même ; la première est indispensable, mais il n'y a que la seconde qui vaille.
Il faut s'armer de sagesse même contre les passions les plus innocentes, parce qu'il n'y a pas de passions innocentes, et même en parlant de la lecture il faut dire : Le sage qui la suit, prompt à se modérer, sait boire dans sa coupe et ne pas s'enivrer.
Quand on peint son héros, on peint son idéal, et l'idéal que l'on a, on se croit toujours un peu, on se croit du moins par moments, de force à le réaliser. Poser un héros, c'est un peu poser en héros.
Le mécontentement, c'est le désir de mécontenter.
Le lecteur aime celui qui lit et qui lui parle de lectures, et en vient même, par besoin de confidences intellectuelles à faire et à recevoir, à ne pouvoir plus se passer de lui.
Relire, c'est lire ses mémoires sans se donner la peine de les écrire.
Un livre peut nous irriter par son bavardage, et en même temps nous empêcher de le fermer, parce qu'il est intéressant et qu'entre deux bavardages on peut s'attendre à quelque chose de très fin qu'il serait fâcheux d'avoir perdu.
Peu de romans lus avec ivresse à vingt ans plaisent à quarante. C'est un peu pour cela qu'il faut les relire, pour se relire, pour se rendre compte de soi, pour s'analyser, pour se connaître par comparaison et pour savoir ce qu'on a perdu.
Le socialisme est la forme aiguë de l'antilibéralisme. Il consiste en son fond, et en quelque variété ou sous-variété qu'on le considère, à désirer que tout soit fait par l'Etat, que tout soit réglé par l'Etat et qu'il n'y ait que l'Etat.
Le besoin de croire est une partie du besoin d'agir, parce qu'il en est la condition.
(Balzac) a des intuitions de génie, et des réflexions d'imbécile. C'est un chaos et un problème.
Ah ! Monsieur Rostand, comme je vous suis reconnaissant d'exister.
Un auteur, de nos jours, est un moine qui écrit pour son couvent, isolé dans un petit monde isolé. La littérature est devenue conventuelle.
Revoir les lieux autrefois visités, les amis autrefois fréquentés, les livres lus jadis, est une des passions du déclin. Or, c'est précisément se comparer à soi-même ; c'est éprouver si l'on a toujours autant de facultés de sentir et si l'on a les mêmes.
Le critique doit inviter à relire ou à repenser sa lecture.
Un compliment, c'est un peu d'amour dans beaucoup d'esprit.
Relire apprend l'art de lire.
La Révolution française a été tout d'abord cosmopolite, et non française, a songé à "l'homme" plus qu'à la patrie, et n'est devenue "patriote" que quand le territoire a été envahi.
Quand vous vous donnez à vous-même, personnellement, la liberté de chercher ce que vous avez à faire, c'est probablement, non pas pour le chercher toujours, mais pour le trouver.
Lire, c'est penser avec un autre, penser la pensée d'un autre, et penser la pensée, conforme ou contraire à la sienne, qu'il nous suggère.
Rien d'excellent comme la liberté de penser, de chercher, d'écrire, de parler, mais, évidemment, à la condition qu'elle aboutisse, et par conséquent qu'elle cesse.
Rien ne révèle la débilité et ne l'entretient comme la moquerie.
... Platon qui, comme tous les philosophes, écrit moins pour être admiré que pour être compris et même moins pour être compris que pour faire penser.
Les philosophes du XVIIIe siècle ont été tous et trop orgueilleux et trop affairés pour être sérieux.
Quelles qu'aient pu être les fautes politiques de cette illustre femme, il lui a été sans doute beaucoup pardonné, parce qu'elle a beaucoup aimé Dieu, les enfants et Athalie.
Les farceurs vont ajouter qu'il n'est pas inutile d'être idiot pour être souverainement intelligent. Les farceurs diront là quelque chose de vrai avec la grossièreté qui leur est propre, mais, à les bien prendre, c'est exact.
On ne connaît sans doute quelqu'un que quand on sait ce qu'il est et aussi ce qu'il pouvait être.
J'apprends chaque jour pour enseigner le lendemain.
... le risque de se tromper aiguise le désir de voir juste et relève le plaisir d'avoir probablement raison, et il y a un plaisir, je ne dirai pas plus grand, mais plus piquant, à être à peu près certain qu'on a raison, qu'à en être pleinement sûr.