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Solitaires assis sur les montagnes blanches, Marbres de volonté, de force et de courroux, Prêcheurs tenant levés vos bras à longues manches Sur les remords ployés des peuples à genoux.
Emile Verhaeren
O ce travail farouche, âpre, tenace, austère, - Sur les plaines, parmi les mers, au coeur des monts, - Serrant des noeuds partout et rivant ses chaînons - De l'un à l'autre bout de la terre !
La débauche et la faim s'accouplent en leur trou - Et le choc noir des détresses charnelles - Danse et bondit à mort dans les ruelles.
Rien n'est plus beau, malgré l'angoisse et le tourment, Que la bataille avec l'énigme et les ténèbres.
Toute science enferme au fond d'elle le doute, Comme une mère enceinte étreint un enfant mort.
Vous avez dit, tel soir, des paroles si belles - Que sans doute les fleurs qui se penchaient vers vous, - Soudain nous ont aimés et que l'une d'entre elles, - Pour nous toucher tous deux, tomba sur nos genoux.
Le moulin tourne au fond du soir, très lentement, - Sur un ciel de tristesse et de mélancolie ; - Il tourne et tourne, et sa voile couleur de lie - Est triste et faible et lourde et lasse, infiniment.
Les gens des champs, les gens d'ici Ont du malheur à l'infini.
Le passeur d'eau, les mains aux rames, - A contre flot, depuis longtemps ; - Luttait, un roseau vert entre les dents.
La mer pesante, ardente et libre Qui tient la terre en équilibre.
Sur la bruyère longue infiniment, - Voici le vent cornant novembre ; - Sur la bruyère, infiniment, - Voici le vent - Qui se déchire et se démembre - En souffles lourds battant les bourgs : - Voici le vent, - Le vent sauvage de novembre.
La vie est à monter, et non pas à descendre.
Je ne puis voir la mer sans rêver de voyages. Le soir se fait, un soir ami du paysage, Où les bateaux, sur le sable du port, En attendant le flux prochain, dorment encor.
Oh ! vivre et vivre et vivre et se sentir meilleur - A mesure que bout plus fermement le coeur ; - Vivre plus clair, dès qu'on marche en conquète ; - Vivre plus haut encor, dès que le sort s'entête - A déssécher la sève et la force des bras.
La joie, me vient de souffrir par moi-même, parce que je le veux.
Homme, tout affronter vaut mieux que tout comprendre. La vie est à monter, et non pas à descendre.
Les sifflets crus des navires qui passent - Hurlent la peur dans le brouillard : - Un fanal vert est leur regard - Vers l'océan et les espaces.
J'ai pour voisin et compagnon - Un vaste et puissant paysage - Qui change et luit comme un visage - Devant le seuil de ma maison.
Le monde est fait avec des astres et des hommes.
Les horloges - Volontaires et vigilantes, - Pareilles aux vieilles servantes - Boitant de leurs sabots ou glissant sur leur bas. - Les horloges que j'interroge - Serrent ma peur en leur compas.
Je vous invoque ici, Moines apostoliques, Chandeliers d'or, flambeaux de foi, porteurs de feu, Astres versant le jour aux siècles catholiques, Constructeurs éblouis de la maison de Dieu.
Dis-moi, ma simple et ma tranquille amie, - Dis, combien l'absence, même d'un jour, - Attriste et attise l'amour - Et le réveille, en ses brûlures endormies ?
Je rêve une existence en un cloître de fer, - Brûlée au jeûne et sèche et râpée aux cilices, - Où l'on abolirait, en de muets supplices, - Par seule ardeur de l'âme, enfin, toute la chair.
Héros, savant, artiste, apôtre, aventurier, Chacun troue à son tour le mur noir des mystères, Et grâce à ces labeurs groupés ou solitaires, L'être nouveau se sent l'univers tout entier.
On s'écrase sans plus se voir, en quête - Du plaisir d'or et de phosphore ; - Des femmes s'avancent, pâles idoles - Avec, en leurs cheveux, les sexuels symboles.
Du fond des brumes - Là-bas avec tous ses étages - Et ses grands escaliers, et leurs voyages - Jusques au ciel, vers de plus hauts étages - Comme d'un rêve, elle s'exhume. - ... - La ville au loin s'étale et domine la plaine - Comme un nocturne et colossal espoir.
Les minuits lourds sonnent là-bas, Abattants lents, comme des glas ; De tour en tour, les minuits sonnent, Les minuits lourds des nuits d'automne, Les minuits las.
Les croix du cimetière étroit, Les bras des morts que sont ces croix, Tombent, comme un grand vol Qui se rabat contre le sol.