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Mon métier m'amène à côtoyer l'horreur, la violence, l'inhumanité. J'ai besoin de moments de solitude. Il faut se protéger.
Éric Dupond-Moretti
Aux assises, l'oralité des débats est un principe sacré : c'est le seul endroit du monde où la parole vaut plus que les écrits.
Si, comme l'a dit Robert Badinter, le crime est "le lieu géométrique du malheur humain", la cour d'assises, qui juge les criminels, est un lieu de combat autant que de douleur. La machine à juger, telle qu'elle a été conçue au fil des siècles, oblige la défense, si elle veut se faire entendre, à imposer un rapport de force - le sien.
Je connais la fragilité des êtres. C'est l'un des grands enseignements de ce métier d'avocat.
A mon époque, quand une fille refusait vos avances, on appelait ça un râteau, de nos jours on appelle ça un délit.
Il y a un acteur dans chaque avocat. C'est par le prisme de ce que l'on est, de notre histoire, que l'on va chercher de l'émotion. Mais nous, on ne peut pas refaire la prise. Et surtout, au cinéma, personne ne joue sa peau : la différence est abyssale.
Les vrais avocats pénalistes ne reconnaissent ni Dieu, ni maître, ils ne rendent de comptes à personne.
J'ai perdu des choses imperdables. Gagner des choses ingagnables ne compense pas.
Un poste de ministre de la Justice ? Ce n'est pas mon métier. Il faut en avaler des couleuvres pour faire de la politique. D'abord il faut être d'accord avec tous les copains du gouvernement auquel on appartient soi-même. Il faut manger son chapeau.
Moi ministre, ça serait le bordel.
Il suffit d'avoir un peu fréquenté la justice dans sa quotidienneté pour se rendre compte qu'il y a des vérités plurielles, mais pas une vérité. Il y a une vérité judiciaire qui n'est pas toujours la vérité. À partir de cela, la justice doit être rendue dans l'humilité
Je ne terrorise personne, sauf les cons !
Les vrais innocents n'ont pas toujours grand-chose à dire, à part qu'ils sont innocents.
J'ai très vite voulu sortir de l'enfance. Je n'étais pas bien heureux. J'étais complexé, trop gros, asthmatique.
La morale ne peut se substituer au droit.
Les innocents se défendent souvent plus mal que les coupables. D'abord parce que les coupables ont une longueur d'avance : ils connaissent la réalité des faits et, dès lors, sont potentiellement capables de la contourner ou de la dissimuler.
Ce n'est pas le ministère de la guerre mais celui des libertés.
Il n'y a jamais eu de justice. Ce n'est pas un phénomène nouveau. À partir du moment où les hommes bricolent avec la vertu, cela donne forcément des choses bancales.
Le vin, comme la nuit, révèle les êtres. Il faudrait recommander de boire avec excès plutôt qu'avec avec modération. L'alcool libère les langues et les esprits, révèle les âmes généreuses et les natures ombrageuses. Et les cons aussi.
Alain Furbury disait qu'il faut 20 ans pour faire un bon avocat. Il avait raison.
Une machine trop bien huilée, qui tourne sans que rien ne puisse ralentir son rendement, est une machine folle. On ne doit pas juger des hommes sans prendre toutes les précautions susceptibles d'éviter l'erreur judiciaire. On ne peut pas se contenter de certitudes ou de raisonnements à charge.
Le rapport de forces entre la défense et les juges est, finalement, une affaire de dosage. Il faut trouver la bonne distance, celle qui bénéficiera à l'accusé.
En matière judiciaire, la morale a souvent le visage des évidences trop faciles et les oripeaux de la présomption de culpabilité.
L'époque nous contraint à nous positionner. Il faut être pour ou contre. C'est un manichéisme de mauvais aloi qui ne permet plus la nuance.
Les plus grands avocats sont ceux qui coupent le son au bon moment, au lieu d ?ajouter un bon mot ou une pique à destination de l'accusation.
Lorsqu'un homme est acquitté, cela ne signifie pas nécessairement qu'il est innocent. Cela indique simplement que la justice – l'autorité de poursuite – n'est pas parvenue à apporter la preuve de sa culpabilité.
Je ne vais pas faire semblant de chanter les louanges de la magistrature : je me méfie de son corporatisme, de sa frilosité, de la détestation qu'elle voue au Barreau. Pourtant, il existe de grands juges ; c'est le troupeau qui est petit.
Il vaut mieux cent coupables en liberté qu'un seul innocent en prison : Voltaire, au sujet du procès Calas, avait déjà exprimé cette idée. Mais tout le monde ne voit pas les choses de la même façon.
La cour d'assises est une arène, un théâtre violent, un âpre lieu de parole au sein duquel un balbutiement peut faire basculer le verdict d'un côté ou de l'autre.
Je fais mienne cette citation de Nietzsche : "Ce qui rend fou, ce n'est pas le doute, c'est la certitude." Cela devrait être inscrit sur tous les frontons des palais de justice.
Mais vous savez, dès qu'on veut réformer à la Justice, c'est comme quand on s'attaque à l'Enseignement, les boucliers se lèvent ! C'est une espèce intouchable. Je suis aussi pour un système qui mette en place la responsabilité des juges. La justice est indépendante, oui, mais l'indépendance cela ne signifie pas faire n'importe quoi.
Rien n'est plus éloquent que le silence, aux assises comme dans tous les lieux sacrés.
Le fil rouge pour un avocat, c'est la défense à tout prix, c'est intervenir dans un dossier sans émettre de la morale. La ligne jaune, c'est un plus compliqué.
On ne naît pas avocat, on le devient.
Ma parole a été celle d'un homme libre, ma parole sera celle du ministre de ce gouvernement.
L'impartialité, c'est comme la beauté : il faut laisser aux autres le soin d'en juger.
Mon ministère sera celui de l'antiracisme et des droits de l'Homme.
En France, la présomption d'innocence est un leurre absolu. La parole de l'accusateur pèse cent fois plus lourd que celle de l'accusé. Le poids de l'aveu, quelles que soient les conditions dans lesquelles il a été arraché, écrase la rétractation.
L'innocent, qui se sait injustement renvoyé devant les assises, sent que le moindre mot, le moindre clignement d'yeux peut être interprété à son détriment. La peur de l'innocent est plus grande que celle du coupable.
La ligne jaune, c'est celle de la liberté. Il faut en user et en abuser.
En Suisse par exemple, pays que je connais bien, les avocats et les magistrats sont issus de la même formation et se respectent. Je pense qu'il faudrait aussi en France une formation commune pour que les deux parties apprennent à se parler. Je pense aussi que les procureurs doivent sortir des palais de justice. Le système est totalement gangrené.
Oui, il m'est arrivé de plaider l'innocence d'un individu alors que j'avais l'intime conviction qu'il était coupable. Le jour où je deviens le juge de celui que je défends, j'arrête le métier. Est-ce qu'un médecin peut refuser de soigner une cirrhose à un alcoolique ?
Cette interminable attente de la sentence n'est pas un temps comme les autres : c'est un moment suspendu, une parenthèse de mystère durant laquelle se joue le destin d'un être.
Que les hommes s'arrogent le droit de juger leurs contemporains, c'est un vrai mystère.
L'avocat doit faire son choix : la connivence voire la complaisance, ou le coup de gueule pour rétablir un certain équilibre. J'ai choisi la seconde voie.
J'ai un rapport boulimique à mon travail.
Aucun procès équitable n'a eu lieu, aucun verdict juste n'a été rendu sans que, à un moment ou à un autre, une voix se soit élevée pour dire : Attendez !
Juger, c'est comprendre à un instant T ; la bonne sentence d'hier serait aujourd'hui déplacée, la juste peine d'aujourd'hui sera ridicule demain.
Vivre quotidiennement avec des gens qu'on méprise, passer ses jours dans une maison sale et respirer un air plein de miasmes, voilà pourtant ma destinée.
La justice, c'est une administration à laquelle on a donné le nom d'une vertu. Ça n'est rien d'autre que cela. Elle a les qualités et les défauts d'une administration. Moi, je ne voudrais pas avoir à faire à la justice.