Images
Les hommes des différents peuples lui paraissaient désormais comme des amoureux qui ne jurent que par une seule bien-aimée, sans savoir qu'ils sont tous possédés par un amour unique.
Ernst Jünger
L'inexprimable s'avilit en voulant s'exprimer et se rendre communicable, il ressemble à l'or qu'on doit mélanger de cuivre si l'on veut qu'il serve aux échanges.
Dans l'oeuvre d'art vit une foi qui dure plus longtemps que tout dogme.
... même le plus colossal affrontement n'est jamais que la balance où l'on pèse, aujourd'hui comme toujours, le poids des hommes.
La pitié du bourreau consiste à frapper d'un coup sûr.
Voici le bois des contes, avec ses loups mangeurs d'hommes, ses sorcières et ses géants, mais où l'on trouve aussi le bon chasseur, les haies de roses de la Belle au Bois dormant, à l'ombre desquelles le temps suspend son vol.
La paix de Versailles contenait déjà en elle la Seconde Guerre mondiale. Fondée ouvertement sur la force, elle proclamait l'Evangile auquel allait se référer tout coup de force.
Ne vaudrait-il pas mieux vivre comme un animal ou une plante dans la vallée, que de sentir cette angoisse effrayante sans cesse affleurer sous la surface des actes et des mots ?
Le plaisir supérieur que l'on prend aux choses vulgaires.
Aucune période de notre journée n'est plus mystèrieuse que celle qui précède le sommeil. Nous entrons hésitants dans le sommeil comme dans une caverne dont le reflet atténué de la lumière...
La mort est le plus profond souvenir.
L'esclavage prend de graves proportions lorsqu'on lui accorde de ressembler à la liberté.
Les compartiments non fumeurs sont toujours moins garnis que les autres : un ascétisme même inférieur procure de l'espace aux hommes. Lorsque nous vivons en saints, l'infini nous tient compagnie.
Nous entendons dans les rêves ce que dit la matière.
La mort s'est tellement rapprochée qu'on tient compte d'elle même pour de toutes petites décisions, savoir, par exemple, s'il vaut encore la peine ou non de se faire plomber une dent.
Tout homme veut savoir d'où il vient. C'est l'un de ses premiers et plus ardents désirs. Aussi ne peut-on pas lui refuser ou lui déguiser l'information. Ceux qui l'entourent, ses proches, ont droit de le savoir aussi, surtout là où l'on fonde une famille.
Où reste le destin, quand cinq mille individus naissent au même endroit et au même moment ?
J'y vis à nouveau combien l'être humain tient à son sol natal. Malgré toute la crainte du danger que ressentaient ces femmes, elles se cramponnaient de toutes leurs forces à cette terre qui pouvait à tout instant devenir leur tombeau.
Quand le monde nous semble vaciller sur ses bases, un regard jeté sur une fleur peut rétablir l'ordre.
On reconnaît les grandes époques à ceci, que la puissance de l'esprit y est visible et son action partout présente.
Les véritables chefs de cette terre sont nulle part mieux que dans les tombes.
A notre époque il faut jouir d'un calme de salamandre si l'on veut parvenir à ses fins.
Une erreur ne devient une faute que lorsqu'on ne veut pas en démordre.
En matière de littérature, les aphorismes sont le mortier qui maintient encore debout notre tour de Babel.
On ne peut prouver ce que l'on croit. On ne peut pas non plus croire ce que l'on prouve.
Qu'il suffise d'indiquer qu'entre le nihilisme amené à sa perfection, et l'anarchie sans frein, l'opposition est profonde. Il s'agit de savoir, dans ce combat, ce que le séjour des hommes doit devenir, un désert ou une forêt vierge.
Profonde est la haine qui brûle contre la beauté dans les coeurs abjects.
Le crime des Blancs n'est pas d'avoir pris part au trafic des esclaves - le leur n'a rien innové sur cette côte - mais d'y avoir introduit la religion du travail.
Quand nous pensons nous envoler, notre bond maladroit nous est plus cher que la marche la plus sûre en un chemin tout tracé.
Les maladies sont des questions posées. Ce sont aussi des tâches à remplir, et même des distinctions. Le fait décisif, c'est la manière dont on les supporte.
"Que chacun arrange sa vie comme il veut", c'est ce qu'on entend souvent dire ; la vérité est bien plutôt que nul ne peut vivre à sa guise.
Chacun savait bien que nous ne pouvions plus vaincre. Mais l'adversaire devait voir que l'esprit viril n'avait pas encore disparu.
Le siècle de l'Homme est le siècle où les Hommes sont devenus rares.
De nos jours un individu n'a pas de valeur en soi mais par rapport à l'Etat.
L'ordre humain ressemble au Cosmos en ceci, que de temps en temps, pour renaître à neuf, il lui faut plonger dans la flamme.
Peut-être distinguera-t-on à la fin de ce siècle deux classes d'hommes, les uns formés par la télévision, les autres par la lecture.
La volonté est aveugle, la douleur myope.
Vous pouvez devenir écrivain. Mais il faut être auteur.
Toute société constituée par des hommes dépendant les uns des autres se développe selon les lois de la nature organique. Elle naît de la fusion de différents germes et croît comme un arbre, auquel une série de circonstances confère son individualité.
On peut voir le nécessaire, le comprendre, le vouloir, l'aimer même, tout en se sentant pénétré d'une douleur infinie.
Une pensée qui nous échappe ressemble au poisson qui se détache de l'hameçon. Nous ne devrions pas le pourchasser ; il continue à se nourrir dans les profondeurs pour nous revenir ensuite, plus lourd.
On ne doit jamais demander aux êtres que ce qui est conforme à leur nature, aux femmes, par exemple, l'amour et non pas l'équité.
Il était difficile d'être lâche sous le regard d'autrui.
Lorsque nous sommes satisfaits, les présents de la vie les plus frugaux comblent nos sens.
Dès qu'il s'agit d'interdire, tous les peuples sont polyglottes.
Ici, la guerre qui d'habitude nous enlève tant, nous apporte quelque chose, elle nous apprend la communauté virile et remet à leur vraie place des valeurs à moitié oubliées.
Le serpent d'airain de la connaissance développé anneau par anneau et écaille par écaille, et son travail sous les mains de l'homme s'est animé d'une vie toute puissante.
Parole, esprit et liberté sont sous trois aspects une seule et même chose.
La paix ne saurait se fonder sur la raison humaine.
Tout Etat se doit de créer une utopie lorsqu'il a perdu le contact avec le mythe.