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La perte vraiment irréparable est celle des désirs.
Étienne Pivert de Senancour
Rien n'est sérieux s'il ne peut être durable.
Contenir ou réprimer ses désirs, ce n'est pas les combattre avec obstination.
J'ai passé dans le vide et les ennuis la saison heureuse de la confiance et de l'espoir. Partout comprimé, souffrant, le coeur vide et navré, j'ai atteint, jeune encore, les regrets de la vieillesse.
Contenir ou régler ses désirs, ce n'est pas les réprimer toujours, c'est les assujettir à la raison. La raison ne veut point les éteindre : elle les retient quand il le faut.
On ne trouve point dans Montaigne ce que l'on cherche, on rencontre ce qui se trouve. Il faut l'ouvrir au hasard et c'est rendre une sorte d'hommage à sa manière.
Le plaisir donné est bien plus grand que le plaisir reçu. Il en peut être autrement chez beaucoup d'hommes : mais qui jamais s'avisera, en amour, de parler pour cette populace que notre morale cessera peut-être de produire ?
Le faible est toujours faible, il ne varie que dans sa faiblesse ; mais le fort est faible quelquefois.
L'amour ridicule ou coupable est une faiblesse avilissante ; l'amour juste est le charme de la vie.
Nous ne connaissons que des rapports, ou des formes ; la fin et l'essence des êtres resteront impénétrables.
Mais une femme à aimer semble formée avec tant d'harmonie pour les affections de l'homme, que l'on voudrait connaître des immortels désireux d'applaudissements que l'on pût remercier de l'avoir faite.
Une volonté ennemie s'attache à me retenir dans un état de suspension et d'entraves, à me leurrer par des choses vagues et des espérances évasives.
Les sages, dit-on, vivant sans passion, vivent sans impatience ; et comme ils voient toutes choses d'un même oeil, ils trouvent dans leur quiétude la paix et la dignité de la vie.
Amour ! enthousiasme du beau ! harmonie des sentiments et de la pensée, progression vive et lente, continue, avide, indomptable, conduite par les fantômes de l'avenir et dont le terme reste inconnu au milieu des espérances lointaines.
L'homme est périssable. Il se peut ; mais périssons en résistant, et si le néant nous est réservé, ne faisons pas que ce soit une justice !
L'amour a une grâce irrésistible dans ce qu'il donne, lorsqu'il n'a pas encore tout accordé : il est plus irrésistible encore dans ces plaisirs indirects, dans ces soins du coeur.
Sans Un, il n'y aurait ni deux, ni trois : l'unité est donc le principe universel. Un est infini par ce qui sort de lui ; il produit co-éternellement deux et même trois, d'où vient tout le reste.
L'aversion a moins de flexibilité que le désir, c'est une force défensive, une résistance qui protège l'individu.
L'homme qui travaille à s'élever est comme ces ombres du soir qui s'étendent pendant une heure, qui deviennent plus vastes que leurs causes, qui semblent grandir en s'épuisant, et qu'une seconde fait disparaître.
Trop d'occasions d'acquérir semblent diminuer la valeur de ce qu'on possède.
Lorsqu'un homme ne forme pas de liaisons, il passe pour n'y avoir point songé ; mais une femme à qui nul ne s'attacherait semblerait avoir échoué de toute part.
Faire consister la force du mariage dans celle de l'amour, c'est aller jusqu'à méconnaître l'esprit de cette institution.
Fatigué de lutter contre le malheur, l'infortuné s'appuie du moins sur l'espérance.
Le courage réel est plus patient qu'audacieux.
Ce qui séduit et passionne les coeurs, ce sont des beautés plus vagues et plus étendues encore, peu connues, jamais expliquées, mystérieuses et ineffables.
Des plaisirs sans choix dégradent l'homme, des plaisirs coupables le corrompent ; mais l'amour sans passion ne l'avilit point.
Beaucoup d'homme ont trop d'esprit pour ne pas s'ennuyer.
Nous avons besoin de mêler à nos projets les plus sérieux un autre espoir, et l'amour le permet ; s'il donne rarement le bonheur, il y fait songer continuellement.
Les moyens expéditifs ne produisent que l'ouvrage d'un jour.
La morale est la seule science de l'homme livré à la providence de l'homme.
Je puis faire ce que je veux, mais le malheur est que je ne vois pas bien ce que je dois faire.
Je ris de douleur et l'on me trouve gai.
On cesse d'aimer ce qu'on cesse de poursuivre.
Dans un ordre établi, dans une morale raisonnée, la jalousie n'est qu'une faiblesse ou une sottise.
La félicité est le bonheur qui paraît complet, et qui s'annonce comme permanent pour ainsi dire.
D'où vient à l'homme la plus durable des jouissances de son coeur, cette volupté de la mélancolie, ce charme plein de secrets, qui le fait vivre de ses douleurs et s'aimer encore dans le sentiment de sa ruine ?
Plusieurs écrivains ont considéré le mariage sur la terre comme l'essai d'un lien plus durable.
La végétation s'arrête, elle meurt ; nous, nous restons pour des générations nouvelles, et l'automne est délicieuse parce que le printemps doit venir encore pour nous.
Jouis, il n'est pas d'autre sagesse ; fais jouir ton semblable, il n'est pas d'autre vertu.
Vivre, c'est espérer et attendre.
Le genre humain gagnerait beaucoup à ce que la vertu fût moins laborieuse.
Lorsqu'on aime en conservant la raison, nécessairement on estime ce qu'on aime, et l'estime doit exclure toute idée de perfidie.
L'amour doit gouverner la terre que l'ambition fatigue. L'amour est ce feu paisible et fécond, cette chaleur des cieux qui anime et renouvelle, qui fait naître et fleurir, qui donne les couleurs, la grâce, l'espérance et la vie.
En toutes choses, le seul bonheur de la vie, le seul plaisir moral qui ne soit pas absolument vain, c'est de donner du plaisir à d'autres : en recevoir n'est pas le bonheur, ce n'en est que la vaine promesse.
On estime sans réserve lorsqu'on aime réellement.
Je ne condamnerai point celui qui n'a pas aimé, mais celui qui ne veut pas aimer.
La véritable pudeur est très importante elle perpétue l'amour : ceux qui n'en ont pas, sont incapables d'aimer. Ils ne sont pas même dignes de jouir : ils peuvent multiplier, mais ils sont étrangers à l'amour humain.
On connaîtrait mal par rapport à soi les autres hommes, si on ne se connaîssait pas bien soi-même.
Sans doute il est naturel de se figurer qu'on aimera longtemps ce qu'on aime beaucoup.
Dites-moi où est l'espérance de l'homme qui arrive à soixante ans sans avoir encore autre chose que l'espérance.