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... - grands sont les déserts, et tout est désert. - Grande est la vie, et il ne vaut pas la peine que la vie soit.
Fernando Pessoa
La vie est ce que nous en faisons. Les voyages ce sont les voyageurs eux-mêmes. Ce que nous voyons n'est pas fait de ce que nous voyons mais de ce que nous sommes.
Il n'y a pas de normes. Tous les hommes sont des exceptions à une règle qui n'existe pas.
L'homme est au-dessus du citoyen. Aucun Etat ne vaut Shakespeare.
La vie est une hésitation entre une exclamation et une interrogation. Dans le doute, on met un point final.
Dans tous les asiles il est tant de fous possédés par tant de certitudes !
La vie est un mal digne d'être savouré.
... j'entends passer le vent, - et je trouve que rien que pour entendre passer le vent, il vaut la peine d'être né.
Ce que tu fais, fais-le suprêmement.
Toute la création est fiction et illusion. La matière est une illusion pour la pensée ; la pensée est une illusion pour l'intuition ; l'intuition est une illusion pour l'idée pure ; l'idée pure est une illusion pour l'être. Dieu est le mensonge suprême.
Ils sont heureux, parce qu'ils ne sont pas moi.
Les grands artistes se consacrent avec une telle assiduité et une telle application à l'étude des matériaux, dont ils auront à se servir, qu'ils semblent plutôt des savants de ce qu'ils imaginent, que des apprentis de leur imagination.
Pourquoi faut-il qu'on ait un piano ? - Le mieux est qu'on ait des oreilles - et qu'on aime la Nature.
Je comprends que l'on soit orgueilleux ; je comprends mal qu'on le montre.
L'instinct sexuel, qui tend normalement vers le sexe opposé, est le plus rudimentaire des instincts moraux. La sexualité est une éthique animale, la première et plus instinctive des éthiques.
Tout effort est un crime, parce que toute action est un rêve paralysé.
Le seul mystère, c'est qu'il y ait des gens pour penser au mystère.
Fumer un cigare de prix et rester les yeux fermés - c'est cela, la richesse.
Un paradoxe n'a de valeur que s'il n'en est pas un.
Je m'étais levé tôt, et je traînais pour me préparer à exister.
Mieux vaut rêver que d'être. - Il est si facile de tout obtenir en rêve !
Prison de l'Etre, ne peut-on se libérer de toi ? - Prison de la pensée, ne peut-on se libérer de toi ?
Aimer, c'est se lasser d'être seul : c'est donc une lâcheté et une trahison envers soi-même.
Le binôme de Newton est aussi beau que la Vénus de Milo. - Le fait est qu'il y a bien peu de gens pour s'en aviser.
La pluie cesse, et il en reste, un instant, une poussière de diamants minuscules, comme si, de là-haut, on secouait des miettes d'une grande nappe azurée.
Travailler avec noblesse, espérer avec sincérité, aimer les hommes avec tendresse - voilà la vraie philosophie.
L'essence du progrès, c'est la décadence. Progresser, c'est mourir parce que vivre, c'est mourir.
L'homme discipliné et cultivé fait de son intelligence les miroirs du milieu ambiant transitoire ; il est républicain le matin, monarchiste au crépuscule ; athée sous un soleil éclatant et catholique transmontain à certaines heures d'ombre et de silence.
Ne vous étonnez pas que je parle ainsi. Je suis naturellement poète parce que je suis la vérité qui parle par erreur, et toute ma vie, finalement, est un système spécial de morale déguisé en allégorie et illustré par des symboles.
L'action rapporte toujours plus que la propagande.
L'unique signification intime des choses, - c'est le fait qu'elles n'aient aucune intime signification.
Les choses n'ont pas de signification : elles ont une existence.
Jour de Noël. (Humanisme. La "réalité" de Noël est subjective. Oui, en mon for intérieur. Telle qu'elle a surgi, l'émotion a disparu. Mais, pendant un instant, j'ai côtoyé les espoirs et les émotions d'innombrables générations, avec les imaginations mortes de toute une lignée défunte de mystiques. Noël en moi !
Je veux cesser sans conséquences... - Je veux aller à la mort comme à une fête au crépuscule.
La solitude me désespère ; la compagnie des autres me pèse. La présence d'autrui dévie mes pensées ; je rêve cette présence avec une distraction d'un type spécial, que toute mon attention analytique ne parvient pas à définir.
J'ai fait naufrage sans la moindre tempête, dans une mer où j'avais pied.
Les animaux ne savent pas ce qu'ils font : ils naissent, grandissent, vivent et meurent sans pensée, sans réflexion, sans véritable avenir. Mais combien d'hommes vivent différemment des animaux ?
Sois pluriel comme l'univers !
J'ai tout raté. Comme j'étais sans ambition, peut-être ce tout n'était-il rien.
Etre poète n'est pas une ambition que j'aie, - c'est ma manière à moi d'être seul.
La culture ne consiste pas à lire ni à savoir beaucoup, mais à connaître beaucoup.
Ce qu'il faut, c'est qu'on soit naturel et calme dans le bonheur comme dans le malheur, c'est sentir comme on regarde, penser comme l'on marche.
Quel grand repos de n'avoir même pas de quoi avoir à se reposer !
Les esprits analytiques ne voient pratiquement que les défauts : plus la lentille est forte, plus imparfait nous apparaît l'objet observé. Le détail est toujours fâcheux.
Aimer, c'est l'innocence éternelle, et l'unique innocence est de ne pas penser.
Une tasse de café ; une cigarette que l'on fume en se laissant pénétrer de son arôme, les yeux mi-clos dans la pénombre de la pièce... Je ne veux rien d'autre de la vie que cette réalité, et mes rêves...
Tout le mal du monde vient de ce que nous nous tracassons les uns des autres, - soit pour faire le bien, soit pour faire le mal, - notre âme et le ciel et la terre nous suffisent. - Vouloir plus est perdre cela, et nous vouer au malheur.
Nous recherchons tous quelque chose par ambition mais, ou bien nous ne réalisons pas cette ambition, et nous voilà pauvres, ou bien nous croyons la réaliser, et nous voilà tout à la fois riches et fous.
C'est ma manière à moi d'être seul.
L'essentiel c'est qu'on sache voir, - qu'on sache voir sans se mettre à penser, - qu'on sache voir lorsque l'on voit, - sans même penser lorsque l'on voit - ni voir lorsque l'on pense.