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Dans toute l'étendue du règne animal la conscience apparaît comme proportionnelle à la puissance de choix dont l'être vivant dispose.
Henri Bergson
Pour bien lire, il suffit de posséder la partie intellectuelle de l'art du comédien ; mais pour bien jouer, il faut être comédien de toute son âme et dans toute sa personne.
Quiconque s'isole s'expose au ridicule, parce que le comique est fait, en grande partie, de cet isolement même.
Le personnage comique peut, à la rigueur, être en règle avec la stricte morale. Il lui reste seulement à se mettre en règle avec la société.
Le comique naîtra, semble-t-il, quand des hommes réunis en groupe dirigeront tous leur attention sur un d'entre eux, faisant taire leur sensibilité et exerçant seul leur intelligence.
Il faut remarquer que la fiction, quand elle a de l'efficace, est comme une hallucination naissante : elle peut contrecarrer le jugement et le raisonnement, qui sont les facultés proprement intellectuelles.
Il est difficile de dire à quel moment précis le souci de devenir modeste se sépare de la crainte de devenir ridicule. Mais cette crainte et ce souci se confondent sûrement à l'origine.
Le timide peut donner l'impression d'une personne que son corps gêne, et qui cherche autour d'elle un endroit où le déposer.
Une force de direction constante, qui est à l'âme ce que la pesanteur est au corps, assure la cohésion du groupe en inclinant dans un même temps les volontés individuelles.
L'art du vaudevilliste étant peut-être de nous présenter une articulation visiblement mécanique d'événements humains tout en leur conservant l'aspect extérieur de la vraisemblance, c'est-à-dire la souplesse apparente de la vie.
Nous méconnaissons ce qu'il y a d'encore enfantin, pour ainsi dire, dans la plupart de nos émotions joyeuses.
Où la personne d'autrui cesse de nous émouvoir, là seulement peut commencer la comédie.
Il fait grimacer ses modèles comme ils grimaceraient eux-mêmes s'ils allaient jusqu'au bout de leur grimace.
Le caractère cinématographique de notre connaissance des choses tient au caractère kaléidoscopique de notre adaptation à elles.
L'union avec Dieu a beau être étroite, elle ne serait définitive que si elle était totale.
Le rire "châtie les moeurs". Il fait que nous tâchons tout de suite de paraître ce que nous devrions être, ce que nous finirons sans doute un jour par être véritablement.
Penser en homme d'action et agir en homme de pensée.
La politesse est la grâce de l'esprit.
La durée vécue par notre conscience est une durée au rythme déterminé, bien différente de ce temps dont parle le physicien et qui peut emmagasiner, dans un intervalle donné, un nombre aussi grand qu'on voudra de phénomènes.
Laissez faire Vénus, elle vous amènera Mars.
C'est dans le moule de l'action que notre intelligence a été coulée.
Choisir, donc exclure.
Prévoir consiste à projeter dans l'avenir ce qu'on a perçu dans le passé.
Les plus grands penseurs, depuis Aristote, se sont attaqués à ce petit problème...
L'automatisme parfait sera, par exemple, celui du fonctionnaire fonctionnant comme une simple machine, ou encore l'inconscience d'un règlement administratif s'appliquant avec une fatalité inexorable et se prenant pour une loi de la nature.
Nous devons entendre par esprit une réalité qui est capable de tirer d'elle-même plus qu'elle ne contient.
La forme n'est qu'un instantané pris sur une transition.
Rêver, c'est se désintéresser.
Imiter quelqu'un, c'est dégager la part d'automatisme qu'il a laissée s'introduire dans sa personne.
Ne parlez pas d'esprits différents des nôtres ; dites seulement qu'ils ignorent ce que nous avons appris.
Il y aurait un moyen, et un seul, de réfuter le matérialisme : ce serait d'établir que la matière est absolument comme elle paraît être.
Quand nous ne voyons dans le corps vivant que grâce et souplesse, c'est que nous négligeons ce qu'il y a en lui de pesant, de résistant, de matériel enfin.
Une situation est toujours comique quand elle appartient en même temps à deux séries d'événements absolument indépendantes, et qu'elle peut s'interpréter à la fois dans deux sens tout différents.
Si l'instinct et l'intelligence enveloppent, l'un et l'autre, des connaissances, la connaissance est plutôt jouée et inconsciente dans le cas de l'instinct, plutôt pensée et consciente dans le cas de l'intelligence.
Un être ne se sent obligé que s'il est libre, et chaque obligation, prise à part, implique la liberté.
L'instinct achevé est une faculté d'utiliser et même de construire des instruments organisés ; l'intelligence achevée est la faculté de fabriquer et d'employer des instruments inorganisés.
Est comique le personnage qui suit automatiquement son chemin sans se soucier de prendre contact avec les autres. Le rire est là pour corriger sa distraction et pour le tirer de son rêve.
Le désordre est simplement l'ordre que nous ne cherchons pas.
L'art de l'écrivain consiste surtout à nous faire oublier qu'il emploie des mots.
Le philosophe n'obéit ni ne commande. Il cherche à sympathiser.
Le temps est ce qui se fait, et même ce qui fait que tout se fait.
Savoir, c'est-à-dire prévoir pour agir.
Le remède spécifique de la vanité est le rire, et que le défaut essentiellement risible est la vanité.
Je ne nie pas l'utilité des idées abstraites, pas plus que je ne conteste la valeur des billets de banque.
La devise que je proposerais au philosophe, et même au commun des hommes, est la plus simple de toutes et, je crois, la plus cartésienne. Je dirais qu'il faut agir en homme de pensée et penser en homme d'action.
Ce qui constitue l'animalité ... c'est la faculté d'utiliser un mécanisme à déclenchement pour convertir en actions "explosives" une somme aussi grande que possible d'énergie potentielle accumulée.
Le mécanisme radical implique une métaphysique où la totalité du réel est posée en bloc, dans l'éternité, et où la durée apparente des choses exprime seulement l'infirmité d'un esprit qui ne peut pas connaître tout à la fois.
Agir, c'est se réadapter. Savoir, c'est-à-dire prévoir pour agir sera donc aller d'une situation à une situation, d'un arrangement à un arrangement.
Il y a des choses que l'intelligence seule est capable de chercher, mais que, par elle-même, elle ne trouvera jamais. Ces choses, l'instinct seul les trouverait ; mais il ne les recherchera jamais.
Chacun des états dits successifs du monde extérieur existe seul, et leur multiplicité n'a de réalité que pour une conscience capable de les conserver d'abord, de les juxtaposer ensuite en les extériorisant les uns par rapport aux autres.