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La désocialisation limite est le suicide : en réciproque, le suicide est latent dans tout processus de désocialisation.
Hubert Aquin
Le fantastique n'est fantastique que par rapport à une réalité normale : sa force est de contraste et d'invraisemblance. Mais pour que l'invraisemblable ait du relief, il doit se détacher d'un contexte vraisemblable.
La vocation est un absolu inconditionnel que toutes les réussites altèrent ; plus grande est la vocation, plus vague sa définition projetée.
L'angoisse, au fond, n'est qu'un dérivé de l'espoir.
On demande pardon quand tout est gâché et que cette absolution tardive ne peut plus rien réparer.
La passion est, dans toute la force du mot, une excentricité.
L'esprit anéantit son propre lyrisme.
La pudeur est un voile dont on s'habille par amour pour une seule personne devant qui on est impudique.
La vérité dépasse peut-être la fiction en cela qu'elle est infiniment plus décevante.
La vie ne permet pas d'aller bien loin, non plus que d'approfondir le sens de tout ce qui est. L'être humain, si doué soit-il, reste toujours à l'extérieur de ce qu'il veut percer.
Le temps perçu est forcément du passé, ce qui revient à dire que le présent a un arrière-goût de souvenir et que l'avenir projeté n'est qu'un futur souvenir, donc un passé à venir !
L'amour a besoin de la mémoire pour s'approfondir et durer.
Un ami ce n'est pas encombrant. On le laisse quand on trouve mieux.
L'amour a quelque chose de sinistre et de désespérant. Plus on aime, plus on devient injuste, quelle étrange loi !
Ecrire est un grand amour. L'amour est le cycle de la parole.
Le désespoir est l'invention des paresseux.
Le temps fuit, sans doute... Quand on en parle, le temps a déjà coulé, il n'en reste que des images.
La distraction est, par essence, confiscation du recueillement.
On ne feuillette pas le temps, c'est lui qui effeuille nos vies.
L'attente rend fanatique.
La littérature existe pleinement non pas quand l'oeuvre est écrite, mais quand un lecteur remonte le cours des phrases et des mots pour devenir, par ce moyen, cocréateur de l'oeuvre.
Une femme veut qu'on ait pas besoin d'elle, pour lui laisser le bonheur immense d'avoir besoin de nous.
Les trop vites résignés ont des mentalités de déserteurs : ils ont peur de la ligne de feu. On accepte si facilement la lâcheté des autres que pour excuser celle que l'on a.
Il y a en moi un empire de résignation lucide que ne franchissent aucune peine, aucune joie me venant du monde.
Dieu masque des choses beaucoup plus que les choses ne lui servent de masque.
La perception du temps est sans doute liée aux moyens techniques dont l'homme se sert pour gagner du temps ou le tuer.
Le problème de la distance est l'envers de toutes les relations avec le réel. Tout s'évalue en distance.
Les hommes ne parleraient pas tant du ciel, si ce port fantôme les attendait vraiment au terme de leur odyssée. Le ciel n'a de réalité que celle de notre mal qui l'appelle.
Tout désir, même celui de parler, est un désir de vivre.
C'est dans la régression, vécue symboliquement, que le schizophrène reprend contact avec le réel redouté, et renaît.
La vie nous oblige à insister grossièrement sur des choses qui ne mériteraient que l'effleurement le plus léger.
On ne résiste pas par le refus, mais par l'affirmation fanatique de soi.
Les tragédies soutenues sont un luxe, leur épanouissement tient à une certaine disponibilité dans l'existence.
Le défaitiste se console de l'avenir dans le présent.
Même sincère, notre langage est voilé, plein de signes et de mensonges.
La gloire est une plénitude qui dure.
Il ne faut pas exiger de chaque détail la plénitude de sens que doit donner l'ensemble.
La parole engendre, elle ne fait pas qu'orner ou accompagner l'existence...
Le malheur est l'état normal de l'artiste ; et comme le malheur est relatif à la sensibilité, il est improbable qu'un grand artiste se contente d'un petit malheur. Voir Baudelaire, Byron, Poe. Une certaine échéance pèse sur ma vie - et je la repousse autant que je la crains
Ce n'est pas le hasard d'une bataille qui décide qu'on est vainqueur ou battu, mais une obscure prédestination.
Vivre tue.
Le propre de l'art est de surprendre l'homme en flagrant délit ; même celui qui s'attend à tout, garde toujours un secret effroyable ou grandiose.
L'amour donne le vertige, mais son vertige, si intolérable qu'il soit, est un délice infini.
C'est toujours le même remords que l'on traîne toute sa vie qui s'empare de la conscience à la moindre occasion et lui gâte son plaisir. C'est une maladie sournoise qui laisse des répits trompeurs, mais qui ne quitte jamais l'organisme.
L'exil correspond à un distancement schizoïde de la réalité. Choisir l'exil, c'est briser un lien relativement intolérable avec des gens, soi, le réel.