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Vos livres, votre art, sentent tous le crime. Au lieu de faire quelque chose pour les malheureux montagnards, vous assistez à la mort, vous cherchez des motifs exaltants, vous recherchez ici de la beauté pour alimenter votre art. Vous ne voyez pas que c'est une beauté qui tue.
Ismaïl Kadaré
De son expérience des rapports avec les femmes, il avait observé que la colère et la querelle pouvaient parfois résoudre soudain des situations inertes qui semblaient sans issue, comme un orage qui chasse brusquement une humidité oppressante.
Les justiciers était la fleur d'un clan, sa moelle et sa mémoire principale. Beaucoup de choses s'oubliaient dans la vie du clan, des hommes et des événements se couvraient de poussière, seuls les justiciers, les petites flammes inextinguibles sur les tumulus du clan, ne s'effaçaient jamais de la mémoire.
Vous me rappelez ces théâtres montés dans les palais des aristocrates russes, où la scène est assez spacieuse pour le jeu de centaines d'acteurs, alors que la salle est tout juste de dimensions nécessaires pour accueillir la famille du prince... Vous poussez un peuple entier à jouer une pièce sanglante, alors que vous-mêmes avec vos dames vous assistez d'une loge au spectacle.
Tout tyran est une infinie potentialité de crimes.
Les montagnards ont toujours soigné eux-mêmes leurs plaies et ils continuent de le faire aujourd'hui, avec du raki, du tabac, selon les procédés les plus barbares, comme l'est par exemple l'extraction d'une balle à l'aide d'une autre balle, etc. Ils ne font donc jamais appel aux services d'un médecin.
On considère l'Europe comme le continent qui a, plus que tous les autres, profité de la planète. Mais c'est aussi le continent qui lui a donné plus que tous les autres.
L'armée était là, en bas, hors du temps, figée, calcifiée, recouverte de terre. Il avait pour mission de la faire se relever de terre.
Sur la route passent les hommes, passe aussi le bétail, passent aussi les vivants, passent aussi les morts.
L'espace d'un instant, dans notre perplexité, nous nous escrimâmes à trancher ce qui, des deux choses, était la plus grave : la disparition des oeuvres ou la disparition de soi-même.
Il était une fois un général et un prêtre partis à l'aventure. Ils s'en étaient allés ramasser les restes de leurs soldats tués au cours d'une grande guerre. Ils marchèrent, marchèrent, franchirent bien des montagnes et des plaines, cherchant et ramassant ces dépouilles.
Les nuages nagent comme des enveloppes géantes, Comme des lettres, que s'enverraient les saisons.
Elle gardait les yeux baissés et, en les contemplant, il eut le sentiment qu'en aucun autre point du corps humain la culpabilité ne pouvait mieux se repérer qu'à l'extrémité des cils.
A la guerre, il est malaisé de faire le partage entre le tragique et le grotesque, l'héroïque et le consternant...
Une semaine après l'autre, la curiosité tomba en même temps que les feuilles jaunies par l'automne, comme si elle les accompagnait dans leur décomposition.
Je m'attarde parfois à écouter le mugissement du vent qui étouffe le grondement du bief et j'ai alors l'impression que le vent hurle sur le monde entier.
es vivants ne sont que des morts en permission dans cette vie trouve dans nos montagnes sa pleine signification.
Ce propos me chagrina quelque peu. J'aurais souhaité continuer à croire encore un peu aux vertus de la littérature qui n'est pas encore advenue. En fin de compte, je lui devais cette liberté qui n'existait nulle part ailleurs que dans les rêves.
À la différence des richesses matérielles, dont chaque pays jouit pour lui seul, les valeurs spirituelles obéissent à d'autres lois. Aucun peuple ne les crée pour lui seul.
Dans aucun autre pays du monde, on ne peut rencontrer en chemin des gens qui, comme les arbres marqués pour être abattus, portent sur eux le signe de la mort.
La vraie littérature a son propre calendrier, sa propre liberté qui n'a rien à voir avec la liberté extérieure.