Images
Mythes et mystères sont faits de grains impalpables, comme le pollen qui demeure collé aux pattes des papillons ; celui seul qui a compris cela peut espérer surprises et illuminations.
Italo Calvino
La guerre durera jusqu'à la consommation des siècles, il n'y aura ni vainqueur ni vaincu, nous resterons là, plantés les uns en face des autres, pour l'éternité.
L'histoire est faite de petits gestes anonymes.
Non, ne vous souillez pas d'autre sang il y en a déjà eu trop de répandu. Quel bien pourrait faire une seigneurie née d'un crime ?
Je parle, je parle, mais celui qui m'écoute ne retient que les paroles qu'il attend. Ce qui commande au récit, ce n'est pas la voix, c'est l'oreille.
Il n'est pas dit qu'en écrivant, on assure le salut de son âme. On écrit, on écrit, et déjà notre âme est perdue.
Les îles ont un silence qu'on entend.
Croire que tout mouvement est un bien, c'est une manie d'homme d'action. Mais déjà perçait en lui l'amertume du vieillard qui souffre de voir disparaître les choses du bon vieux temps, et ne se réjouit guère de voir naître des temps nouveaux.
D'un auteur, seules comptent les oeuvres.
Nous non plus, nous ne savions pas que nous étions au monde. Même exister, cela s'apprend.
Combattre avec un compagnon auprès de soi est chose tellement plus belle que de combattre tout seul ! On s'encourage, on se réconforte, le sentiment d'avoir un ennemi et celui d'avoir un ami se fondent en une même impression de chaleur.
Peste et disette ! cria-t-il si on peut appeler crier le fait de parler sans presque émettre aucun son quoique de toutes ses forces.
C'est le sort des plus beaux rêves de se transformer tout d'un coup en cauchemars.
Les classiques sont des livres qui, quand ils nous parviennent, portent en eux la trace des lectures qui ont précédé la nôtre et traînent derrière eux la trace qu'ils ont laissée dans la ou les cultures qu'ils ont traversées.
... se noyer dans l'ombre incertaine du souvenir.
Chaque page ne vaut que lorsqu'on la tourne et que derrière, il y a la vie qui bouge, qui mêle inextricablement toutes les pages du livre.
Demandez-moi ce que vous voulez savoir, je vais vous le dire. Mais je ne vous dirai jamais la vérité, de ça vous pouvez en être sûr.
Ainsi, depuis toujours, le jeune homme court vers la femme : mais qui l'entraîne ainsi ? Est-ce bien l'amour qu'elle lui inspire ? N'est-ce pas plutôt l'amour qu'il se porte à lui-même, la quête d'une assurance d'exister que seule la femme peut lui fournir ?
... le mystère fait l'homme.
La littérature ne peut vivre que si elle se fixe des objectifs démesurés.
... les signes servent aussi à juger qui les trace.
Bersabée, la ville qui cesse d'être avare, calculatrice, intéressée, seulement quand elle chie.
La guerre, en définitive, c'est moitié boucherie, moitié train-train ; pas la peine d'y regarder de si près.
Lire, c'est aller à la rencontre d'une chose qui va exister.
Il n'est pas facile de trouver la position idéale pour lire.
L'art de faire un conte est là tout entier, dans ce don de tirer, du petit quelque chose qu'on a pu saisir de la vie, tout le reste : on noircit la page, puis on retourne à la vie, pour s'apercevoir que ce que l'on pouvait en connaître était au fond si peu que rien.
Si bien à plaindre est l'amoureux qui soupire après des baisers dont il ne connut jamais la saveur, mille fois plus infortuné celui qui la goûta, cette saveur, juste un instant, et puis en fut à tout jamais privé.
Il pensait : "Je vais voir les Turcs ! Je vais voir les Turcs !" Il n'y a rien qui fasse autant plaisir que d'avoir des ennemis d'abord, puis de voir s'ils sont réellement tels qu'on les imaginait.
... elle était une enfant renfermée, elle aimait le noir.
La chevalerie est une belle chose, c'est entendu ; mais tous ces chevaliers sont une bande de grands nigauds, habitués à accomplir de hauts faits d'armes sans chercher la petite bête, comme ça se trouve. Dans la mesure du possible, ils tâchent de s'en tenir à ces règles sacro-saintes qu'ils ont fait serment d'observer : elles sont bien codifiées, elles leur ôtent le souci de réfléchir.
C'est l'heure où les choses perdent leur épaisseur d'ombre qui les a revêtues tout au long de la nuit, et peu à peu retrouvent leurs couleurs ; mais avant, il leur fat traverser une sorte de limbe douteux, à peine effleurées par la lumière comme entourées d'un halo : l'heure où l'on est le moins sûr que le monde existe.
Les villes comme les rêves sont faites de désirs et de peurs, même si le fil de leur discours est secret, leurs règles absurdes, leurs perspectives trompeuses ; et toute chose en cache une autre.
Un classique est un livre qui n'a jamais fini de dire ce qu'il a à dire.
Les auteurs, il vaut mieux ne jamais les connaître parce que leur personne réelle ne correspond jamais à l'image qu'on se fait en les lisant.
La maladie est une conviction...
La photographie n'a de sens que si elle épuise toutes les images possibles.
Les vautours sont redescendus : alors commence le grand festin. Il faut qu'ils se dépêchent, car bientôt vont arriver les fossoyeurs, qui disputent aux oiseaux ce qu'ils abandonnent aux vers.
... cet effort d'attention qu'impose le fait de lier connaissance...
Personne n'attache aujourd'hui autant de valeur à l'écriture que les régimes policiers.