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Il y a une sorte de Dieu qui habite chacun d'eux tour à tour, et qui les appelle à Lui, à l'heure qu'Il a choisie, pour les faire vivre en ce qu'ils n'ont jamais été jusqu'alors, des hommes morts.
J. M. G. Le Clézio
Vivre, connaître la vie, c'est le plus léger, le plus subtil des apprentissages. Rien à voir avec le savoir.
Chaque chose porte en soi son infini. Mais cet infini a un corps, il n'est pas une idée.
La pression de la pensée cessera d'être à l'intérieur des espèces d'autocuiseurs, et se répandra au-dehors.
L'écriture est la seule forme parfaite du temps.
Qui invente ? Qui dit quelque chose ? Les hommes croient que c'est eux, mais ce n'est pas vrai. C'est seulement l'usine électrogène qui émet ses ondes pour les cerveaux de filaments de tungstène. Personne ne sait cela.
Il y avait un bouton de sonnette avec un nom écrit au-dessous, sous un couvercle de matière plastique encrassé. J'ai lu le nom.
Dans leurs bunkers de béton aux murs épais, dans l'air conditionné à 20 °C qui souffle jour et nuit, les machines sombres ne connaissent pas la vie sur la terre.
On reporte souvent sur le passé une sorte de magie qui n'a rien à voir avec la réalité de ce qu'on a vécu mais est la simple prise de conscience de la fuite du temps et des deuils à faire.
On a le coeur qui bat, quand on revient après une longue absence. C'est comme après la guerre. On avance dans les rues en flairant un peu, cherchant les traces. On guette les bruits familiers, on remonte des filières.
L'intérieur du bateau n'est qu'une seule grande cale, dont la partie centrale est occupée par les caisses et les ballots de marchandises, et l'arrière par les matelas à même le sol où dorment les marins.
On ne peut s'aider de rien. Le doute règne partout. Rien, pas la moindre pensée qu'on puisse partager effectivement ; c'est comme une lutte avec le miroir. Qu'est-ce que le miroir ? Une plaque de verre couverte d'étain, et qui reflète avec fidélité. Mais fidélité à quoi ? A soi. A personne d'autre que soi. Jamais le reflet n'a été une certitude.
L'on est pris dans la stupeur des soirées d'enfance, comme dans de la glu ; et l'on se noie au milieu du brouillard, après quelque repas, en face d'une assiette décorée de houx, étrangement vide, où traînent encore des plaques de potage. Puis viendra le temps des berceaux, et l'on meurt étouffé dans les langes, suffoquant de petitesse et de rage.
Quand il commence à pleuvoir, au milieu de l'été, l'eau ruisselle sur les toits de tôle et de papier goudronné, elle fait sa chanson douce dans les grands bidons, sous les gouttières.
Je n'ai pas besoin d'aller plus loin. Maintenant je sais que je suis enfin arrivée au bout de mon voyage. c'est ici, et nulle part ailleurs.
Est-ce qu'une pensée, d'un individu à l'autre, d'un siècle à l'autre s'affine ? Elle change, cela est sûr, elle s'adapte. Mais progresse-t-elle ?
Les calandres des Pontiac faisaient siffler dans l'air leurs enjoliveurs en forme de baïonnette.
Les hommes savaient bien que le désert ne voulait pas d'eux : alors ils marchaient sans s'arrêter, sur les chemins que d'autres pieds avaient déjà parcourus, pour trouver autre chose.
Et moi qui délirais, l'autre nuit, sur la civilisation méditerranéenne.
L'île, pour moi, c'est un cul-de-sac sans espoir, l'endroit qu'on ne peut pas dépasser, après quoi il n'y a plus rien. L'océan, c'est l'oubli.
La terre sembla fendre l'eau avec ses longs caps noirs comme des étraves de sous-marins.
Les hommes qui ressemblent à la terre, les hommes qui sont pareils aux arbres, les hommes qui ont la peau couleur de terre, les femmes qui ont la peau couleur de maïs, ceux qui ne vivent que par le pain et l'eau ne sont jamais vaincus.
On nait seul, on meurt seul, on dort seul, c'est la seule chose dont on soit sûr.
Radiez regarde passer le camion des éboueurs qui vident les poubelles.
Le réchauffement saisonnier, joint aux effluents du lisier de porc, a transformé une partie de la côte bretonne en réservoir d'algues.
Les hommes étaient éternels, et Dieu était la mort.
Je ne suis pas contre le principe de la religion, parce qu'il est le seul qui organise le sentiment de religiosité. Mais je pense que dans la plupart des cas, l'esprit religieux passe avant l'organisation en religion.
Elle a l'impression d'être dans la compagnie d'un géant, d'un homme qui peut ouvrir un chemin dans n'importe quel désordre du monde.
Il s'arrêta et descendit de son vélo. Il mit en place l'antivol sur la jante de la roue avant.
Le baromètre est tombé. Incroyable, terrifiant. Jamais il n'avait vu le baromètre descendre aussi bas, aussi vite.
Demain j'aurai dormi dans l'odeur d'essence et le brinqueballement des camions.
Contre l'avidité des marchands, contre l'ignorance et la méchanceté des nantis, contre la stupidité guerrière des nations qui organisent les tueries et les famines, les peuples pauvres ont cet invincible pouvoir : le silence, la lumière.
... ce bruit qui ronge quand la plume accroche le long de l'écriture.
Il y a les jours qui ne sont pas comme les autres, les jours de fête, et c'est un peu pour ces jours-là qu'on vit, qu'on attend, qu'on espère.
Seuls le cheikh et ses fils ... sont restés dans l'enceinte du tombeau, tandis que les hommes nobles venaient leur donner acte d'allégeance.
Cette naturelle hypocrisie qu'on appelle lucidité, qui veut vous faire voir les angles divers d'une chose unique.
Hyperpolis était un visage, un corps. Un cerveau aussi, et la jeune fille Tranquilité circulait le long de ses méandres, à l'intérieur du labyrinthe des circonvolutions.
Ecrire c'est comme le métro. Vous savez où vous allez, vous n'avez pas un choix infini de destinations, il y a des horaires à respecter, des zones obscures et de plus, ça n'est pas toujours agréable.
Tout était si long, si lent, avançant le long de son sillon sur la mer sans fin, à la fois différent et toujours le même.
On ne choisit pas son histoire. Elle t'est donnée sans que tu la cherches, et tu ne dois pas, tu ne peux pas la refuser.
Oh ! poisson, petit poisson d'or, prends bien garde à toi ! Car il y a tant de lassos et de filets tendus pour toi dans ce monde.
Et pourtant je ne fais rien. Je laisse aller.
Près des paupières et des cils, il y avait une zone curieuse, une sorte de dénivellation ombreuse, qui ne reposait pas sur de l'os.
Moi, ce que je voudrais bien trouver dans chaque homme, c'est une pulsation, un mouvement régulier et souple qui l'accorde au temps et au monde. Alors je me mets à l'unisson avec lui, et je l'écoute, je l'observe, je le visite.
Avoir trop de passé fait rêver à ne plus en avoir du tout. Mais quand on écrit et qu'on de la mémoire, la magie du roman consiste justement à vaincre cette difficulté : faire partager aux autres un souvenir somme toute très limité.
Les mots ne sont pas assez nombreux pour courir aussi vite que la guerre.
Des montagnes de pierre dure, hermétiques, verticales, debout au-dessus des plaines d'asphalte.
C'est en faisant semblant d'être écrivain qu'on le devient vraiment.
A la question "Pourquoi écrivez vous ?", la plus belle réponse à mes yeux est celle que fit Pa Kin : "Parce que la belle vie est trop courte." J'avais trouvé cela merveilleux, car écrire, c'est vivre d'autres vies, ajouter des vies à la belle vie, qui n'est plus si courte que ça...
Je n'ai jamais cherché que cela en écrivant : communiquer avec les autres.