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Il arrive que le malheur bouleverse un être, ouvre en lui des portes secrètes, l'illumine. Mais le bonheur nous touche doucement, et nous le recevons tels que nous sommes, avec notre passé et notre caractère. Il n'y a de paradis que pour les anges.
Jacques Chardonne
Un homme, ce n'est pas assez pour une femme, ou bien c'est trop.
L'originalité est souvent un bloc de préjugés.
Si certains jeux me sont maintenant défendus, je ne me sens pas frustré. Il faut croire que d'autres choses me sont données à la place et que je préfère.
Je songe à ce style modeste et strict, qui seul conserve à travers les âges une pensée vive.
On n'est jamais exactement heureux ou triste, et quand on poursuit "le bonheur" on court après le reflet d'un mot.
Un auteur est original, ou bien il passera vite. Il est un créateur, ou il n'est rien. Comment définir un créateur ? C'est un auteur qui existe.
Je ne vois pas une différence de génération entre un père et un jeune fils, mais la distance de deux mondes incommunicables : la jeunesse et la maturité.
Vivre ensemble, c'est se meurtrir l'un l'autre.
Je crois qu'il faut poser le pied assez légèrement sur terre.
Il fallait suivre René qui se dirigeait avec sûreté entre les pins et les arbrisseaux, écartant les branches pour lui frayer passage.
Le mariage est une religion : il promet le salut, mais il faut la grâce.
Les huîtres naissent de la mer. Elles demeurent quelques années dans les parcs sur le rivage, puis elles font un séjour dans les claires où elles prennent leur teinte verte et je crois plus de saveur.
Quand une femme vous parle d'amour, il faut se méfier. Il s'agit presque toujours d'autre chose. De quoi ? Personne n'en sait rien.
Tu as bien expliqué qu'elle conserverait la propriété des titres, qu'elle toucherait les dividendes.
Ce sont les critiques qui font la littérature.
On n'oublie jamais une femme qui a été votre femme.
L'amour pour durer a besoin de s'instruire sans cesse.
Pas d'adjectifs, ils affaiblissent le style. L'adjectif, c'est comme les bijoux. Une femme élégante ne porte pas de bijoux.
La véritable élite de la France est diffuse dans son peuple.
Un métier vous détourne de bien des vanités.
Rien de précieux n'est transmissible. Une vie heureuse est un secret perdu.
La finance encourage les entreprises privées, mais les surveille ; elle précipite la ruine des faibles ou s'empare de l'exploitation.
La véritable conduite de la vie est dans la pensée, qui transforme toute chose.
Ce sont mes amis qui m'ont fait aimer la vie. Ils me rendent meilleur à mesure que je les trouve meilleurs eux-mêmes.
Au fond de toute originalité, il y a un défaut.
On croit agir, et l'on est entraîné.
Pauline prit une fourchette à long manche pour rôtir les tartines devant les braises du poêle.
Tout est disposé en faveur du pessimiste. Mais le pessimiste s'est toujours trompé.
Quand on a perdu la manie d'écrire, on n'écrit plus du tout. On rêve sur une idée. Ce n'est pas une idée qui inspire un roman, c'est une émotion légère, pareille au désir.
L'homme n'est pas fait pour vivre longtemps : l'expérience le corrompt. Le monde n'a besoin que de jeunesse et de poètes.
Le bonheur n'existe que gratuit. Il n'est pas ressenti par contraste, ni obtenu par la volonté ou la sagesse.
Malgré le partage de la succession, Frédéric se considère toujours comme le maître, l'unique successeur de papa, qui a tous les pouvoirs.
Pendant les périodes de prospérité, les grandes entreprises écrasent les petites. C'est l'inverse dans la crise.
La solitude est propice aux révélations de l'esprit.
La solitude chez soi, c'est le drame de la vie, pour beaucoup ; pourtant les êtres les plus heureux que j'ai vus, c'était des solitaires.
Il n'y a pas d'amour qui ne soit à base de sensualité. Oui, je sais : l'admiration, la tendresse, l'harmonie des urnes, on fabrique de l'amour avec cela. Mais c'est l'amour des coeurs desséchés.
De loin en loin, des fours clos, bruns et ronds comme de vieilles tours, laissent percer par de petites lucarnes fulgurantes leur embrasement intérieur.
L'empire du fait qui avait porté si haut notre civilisation est à peu près ruiné par un mauvais usage de la raison.
Une société très dure qui imposerait ses cadres, ses faveurs et sa hierarchie, sans ménagement, sans admettre une critique, serait inattaquable.
Un domestique en jaquette noire, gros et grisonnant, majestueux, impersonnel, ouvrit les battants de la porte du salon. C'était Arnaud qui depuis trente ans, à la même heure, disait d'une voix lente, sans accent : Madame est servie...
Je crois qu'on trouverait dans certaines conditions d'existence, dans certains rapports avec la famille surtout, la raison d'être de beaucoup d'oeuvres et aussi la cause qui en a détruit dans le germe un bon nombre.
Un regard un peu tendre intéresse tout de suite. On croit s'aimer dès que les mains se touchent. Nous sommes tous faciles à prendre.
Tournant autour d'une futaille dressée sur le sol et couronnée de flammes, tandis que le feu de copeaux chauffe les douves assemblées, les tonneliers frappent en cadence sur les cercles de fer.
Un dictateur est asservi également à l'opinion publique, qu'il flatte et qui le mène.
Lorsqu'un homme atteint un certain niveau social, c'est-à-dire certain affinement intellectuel, il ne pâtit plus des accidents de la fortune. Il appartient, à jamais, à cette classe privilégiée où les signes extérieurs de la réussite ne comptent guère.
Souvent on appelle la vie les bêtises que l'on fait.
Le sceptique n'inquiétera pas le croyant avec des exégèses. Les textes n'ont aucune importance. Le fait merveilleux et indubitable, c'est qu'il existe des croyants.
Elle règne dans la maison, compétente et divinatrice.
Je me méfie des remèdes prompts. Les voies de la vie sont lentes, rudes et injustes. L'action de l'homme est humble, presque sans espoir. J'admire cette humilité de l'action, la seule qui soit vraie.