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On est bien moins malheureux de n'être pas riche que de l'avoir été.
Jean Antoine Petit-Senn
Si petite que soit la patrie, elle occupe la plus grande place dans un coeur bien fait.
En fait de jouissances, l'amitié vit de ses rentes et l'amour mange son capital.
On se permet tout avec ceux dont on n'attend rien.
Pour le bonheur de sa république Platon en bannissait les poètes ; mais c'est pour leur bonheur qu'on les bannirait aujourd'hui de la nôtre.
Pour qui les possède, les faux biens de la terre ne gardent plus leurs attraits ; de même, au contact de nos lèvres, les coquettes fardées perdent l'éclat qui nous avait charmés.
Les gens qui nous affirment n'être d'aucun parti politique à coup sûr ne sont pas du nôtre.
Le désastre de son ennemi amollit la rancune d'un être bon, mais affermit celle du méchant ; ainsi le soleil fond la neige et durcit la boue.
Rappeler ses bienfaits est un manque de tact ; oublier ceux des autres, un manque de coeur.
On admire moins l'éclat du génie qu'on n'en observe les défaillances : c'est le soleil qu'on regarde surtout un jour d'éclipse.
Les maux qui empêchent de vivre sont plus affreux que ceux qui font mourir.
Ne pas croire aux maux d'autrui pour n'avoir point à les plaindre, est la méthode de quelques-uns ; les déplorer tous pour s'exempter d'en soulager aucun, est celle de quelques autres.
S'enorgueillir d'une bonne action, c'est donner à croire qu'elle n'est pas dans nos habitudes.
Le remords est l'ombre du crime : il grandit comme elle à la chute des jours.
La jeunesse supporte l'orage des passions, mais la vieillesse y succombe : ainsi l'aquilon emporte en automne la feuille qu'il balançait gracieusement durant l'été.
Il est des gens qui ne savent que nuire ; le seul bénéfice qu'il y ait à s'en faire des amis, c'est de ne pas les avoir pour ennemis.
Dans un entretien avec l'égoïste, tout sujet conduit à son moi, comme tout chemin mène à Rome.
Il faut un vent favorable au courtisan et au cert-volant pour qu'ils s'élèvent tous deux ; mais l'homme de mérite, ainsi que le ballon, porte en lui-même le principe de son ascension.
Bien des orgueilleux n'aiment l'ombre que parce qu'ils s'estiment des flambeaux.
Le plus léger incident peut mettre à découvert la trame la mieux ourdie, comme un brouillard, tombé sur une toile d'araignée, en fait apparaitre les moindres fils.
L'homme faible est esclave de ses vices et dupe de ses vertus.
Dire grossièrement de jolies choses est le fait de certains esprits incultes : ils semblent cracher des perles.
Une indignation outrée contre le vice tient lieu de vertu à bien des rigoristes.
L'amour plante sa tente dans notre coeur, mais l'amitié y bâtit.
De même que certains parfums chassent les insectes nuisibles, un amour pur embaume le coeur et en bannit les mauvais instincts.
L'amour, chez les vieillards, c'est le soleil sur la neige : il les éblouit plus qu'il ne les réchauffe.
Il est un mal dont, à la longue, les médecins nous guérissent toujours : c'est notre crédulité à leur égard.
Si le même auteur compose également de bons vers et de bonne prose, les poètes louent sa prose et les prosateurs ses vers.
Le premier amour qui entre dans le coeur est le dernier qui sorte de la mémoire.
Aujourd'hui la probité enraye le char de la fortune et les vertus sont des bâtons jetés dans ses roues.
Il est des parvenus si simples, qu'on ne saurait comment leur imputer leur fortune. Le coffre-fort de ces messieurs est une énigme dont nul n'a le mot, mais dont ils ont la clef.
On commence par profiter de la faiblesse d'un homme trop bon, quitte à s'en moquer après.
La raison de ne pas mériter une place est la dernière que nous trouvons pour nous expliquer notre insuccès à l'obtenir.
Celui qui fait l'éloge de nos ennemis diminue rarement notre malveillance pour eux, souvent notre bienveillance pour lui.
La gratitude pour nos protecteurs nous suit jusqu'à la porte du succès, mais notre mérite entre seul.
Sur la route de la vie on ne voit que les grands obstacles, et c'est souvent une petite difficulté qui nous abat. Un mur vous arrête, une pierre vous fait tomber.
La Mer rouge se trouve entre le présent et l'avenir des écrivains. Pour un Moïse qui la passe à pied sec que de Pharaons s'y engloutissent !
Il est des affairés sans motifs réels qui se lèvent en sursaut à quatre heures pour planter un clou à midi.
Le tribun exalté par la populace, ainsi que l'arbre grandi dans un marécage, perd en consistance ce qu'il gagne en rapide élévation.
C'est le ciel qui se charge de la reconnaissance des ingrats.
Respectons les cheveux blancs, mais surtout les nôtres.
Rien ne fait saillir un défaut physique comme les soins qu'on prend et l'embarras qu'on éprouve pour le cacher.
Lorsqu'il prétend partout, sans cesse et sur tout prodiguer les rayons de son génie, l'homme illustre consume l'enthousiasme et dessèche l'admiration : c'est un beau soleil, mais on demande la pluie.
Le premier-né d'une jeune mère résume le monde pour sa tendresse ; il absorbe toutes ses joies et blanchit tous ses deuils.
La mort d'une mère est le premier chagrin qu'on pleure sans elle.
Après le mal dont on souffre soi-même, celui que l'on plaint le plus chez les autres, c'est celui dont on est menacé.
Un livre de morale fait la guerre à nos passions, mais, trop amis de la paix en ce cas, nous le laissons fermé comme jadis le temple de Janus.
L'homme use de sa conscience comme un borgne de ses lunettes, à moitié.
Celui qui aime ses flatteurs suit, sans le vouloir, le divin précepte : Aimez vos ennemis.
Les principes religieux inculqués au coeur de Pensant sont comme des cloux d'or sur lesquels frappent les années et qu'aucune tenaille philosophique ne peut complètement arracher.