Images
Cliton n'a jamais eu en toute sa vie que deux affaires, qui est de dîner le matin et de souper le soir.
Jean de La Bruyère
L'esprit de défiance nous fait croire que tout le monde est capable de nous tromper.
Il se croit des talents et de l'esprit : il est riche.
Il n'y a qu'un premier dépit en amour, comme la première faute dans l'amitié, dont on puisse faire un bon usage.
A parler humainement, la mort a un bel endroit, qui est de mettre fin à la vieillesse.
C'est par faiblesse que l'on hait un ennemi, et que l'on songe à se venger ; et c'est par paresse que l'on s'apaise, et qu'on ne se venge point.
Le souvenir de la jeunesse est tendre dans les vieillards.
L'affectation dans le geste, dans le parler et dans les manières est souvent une suite de l'oisiveté ou de l'indifférence ; et il semble qu'un grand attachement ou de sérieuses affaires jettent l'homme dans son naturel.
Il semble que la rusticité n'est autre chose qu'une ignorance grossière des bienséances.
Le commencement et le déclin de l'amour se font sentir par l'embarras où l'on est de se trouver seuls.
Quel supplice que celui d'entendre déclamer pompeusement un froid discours, ou prononcer de médiocres vers avec toute l'emphase d'un mauvais poète !
Il y a de certaines choses dont la médiocrité est insupportable : la poésie, la musique, la peinture, le discours public.
Le peuple appelle éloquence la facilité que quelques-uns ont de parler seuls et longtemps, jointe à l'emportement du geste, à l'éclat de la voix et à la force des poumons.
Ils ont les yeux égarés et l'esprit aliéné.
La sotte envie de discourir vient d'une habitude qu'on a contractée de parler beaucoup et sans réflexion.
Une grande naissance ou une grande fortune annonce le mérite, et le fait plus tôt remarquer.
Il y a autant de faiblesses à fuir la mode qu'à l'affecter.
Les femmes vont plus loin en amour que la plupart des hommes ; mais les hommes l'emportent sur elles en amitié.
Les fourbes croient aisément que les autres le sont ; ils ne peuvent guère être trompés, et ils ne trompent pas longtemps.
La modestie est au mérite ce que les ombres sont aux figures dans un tableau : elle lui donne de la force et du relief.
Cette espèce d'avarice est dans les hommes une passion de vouloir ménager les plus petites choses sans aucune fin honnête.
Si une laide se fait aimer, ce ne peut être qu'éperdument.
Celui qui a eu l'expérience d'un grand amour néglige l'amitié ; et celui qui est épuisé sur l'amitié n'a encore rien fait pour l'amour.
Tous les espaces du monde entier ne sont qu'un point, qu'un léger atome, comparés à son immensité.
La distance qu'il y a de l'honnête homme à l'habile homme s'affaiblit de jour à autre, et est sur le point de disparaître.
De bien des gens, il n'y a que le nom qui vaille quelque chose. Quand vous les voyez de fort près, c'est moins que rien ; de loin, ils imposent.
Il a un mouvement de tête, et je ne sais quel adoucissement dans les yeux.
Comme nous nous affectionnons de plus en plus aux personnes à qui nous faisons du bien, de même nous haïssons violemment ceux que nous avons beaucoup offensés.
Les meilleures actions s'altèrent et s'affaiblissent par la manière dont on les fait, et laissent même douter des intentions.
Il faut une sorte d'esprit pour faire fortune : ce n'est ni le bon ni le bel esprit, ni le grand ni le sublime, ni le fort ni le délicat.
Il ne faut ni vigueur, ni jeunesse, ni santé, pour être avare.
Les grandes choses étonnent, et les petites rebutent ; nous nous apprivoisons avec les unes et les autres par l'habitude.
Les hommes comptent presque pour rien toutes les vertus du coeur, et idolâtrent les talents du corps et de l'esprit.
L'amour qui croît peu à peu et par degrés ressemble trop à l'amitié pour être une passion violente.
La moquerie est souvent indigence d'esprit.
Il y a dans l'art un point de perfection, comme de bonté ou de maturité dans la nature.
Il y a du plaisir à rencontrer les yeux de celui à qui l'on vient de donner.
Un projet assez vain serait de vouloir tourner un homme fort sot et fort riche en ridicule ; les rieurs sont de son côté.
La libéralité consiste moins à donner beaucoup qu'à donner à propos.
Tout notre mal vient de ne pouvoir être seuls : de là le jeu, le luxe, la dissipation, le vin, les femmes, l'ignorance, la médisance, l'envie, l'oubli de soi-même et de Dieu.
L'ennui est entré dans le monde par la paresse, elle a beaucoup de part dans la recherche que font les hommes des plaisirs, du jeu, de la société ; celui qui aime le travail a assez de soi-même.
Quand le peuple est en mouvement, on ne comprend pas par où le calme peut y rentrer ; et quand il est paisible, on ne voit pas par où le calme peut en sortir.
Corneille nous assujettit à ses caractères et à ses idées, Racine se conforme aux nôtres ; celui-là peint les hommes comme ils devraient être, celui-ci les peint tels qu'ils sont.
Il semble qu'il entre dans les plaisirs des princes un peu de celui d'incommoder les autres.
Les hommes et les femmes conviennent rarement sur le mérite d'une femme : leurs intérêts sont trop différents.
Si l'on faisait une sérieuse attention à tout ce qui se dit de froid, de vain de puéril dans les entretiens ordinaires, l'on aurait honte de parler ou d'écouter.
La science des détails, ou une diligente attention aux moindres besoins de la république, est une partie essentielle au bon gouvernement.
L'on se repent rarement de parler peu, très souvent de trop parler ; maxime usée et triviale que tout le monde sait, et que tout le monde ne pratique pas.
Il devrait y avoir dans le coeur des sources inépuisables de douleur pour de certaines pertes.
Dans cent ans le monde subsistera encore en son entier : ce sera le même théâtre et les mêmes décorations, ce ne seront plus les mêmes acteurs.