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Tout écrivain, pour écrire nettement, doit se mettre à la place de ses lecteurs.
Jean de La Bruyère
Les femmes s'attachent aux hommes par les faveurs qu'elles leur accordent : les hommes guérissent par ces mêmes faveurs.
Il sentirait d'abord l'empire et l'ascendant qu'on peut prendre sur son esprit, et il secouerait le joug par honte ou par caprice : il faut tenter auprès de lui les petites choses, et de là le progrès jusqu'aux plus grandes est immanquable.
Une femme est aisée à gouverner, pourvu que ce soit un homme qui s'en donne la peine.
Les vues courtes, je veux dire les esprits bornés et resserrés dans leur petite sphère, ne peuvent comprendre cette universalité de talents que l'on remarque quelquefois dans un même sujet : où ils voient l'agréable, ils en excluent le solide...
C'est le rôle d'un sot d'être importun : un homme habile sent s'il convient ou s'il ennuie ; il sait disparaître le moment qui précède celui où il serait de trop quelque part.
Cette manière basse de plaisanter a passé du peuple, à qui elle appartient, jusque dans une grande partie de la jeunesse de la cour, qu'elle a déjà infectée.
La fausse modestie est le dernier raffinement de la vanité.
Nous disparaîtrons, moi qui suis si peu de chose, et ceux que je contemplais si avidement, et de qui j'espérais toute ma grandeur ; le meilleur de tous les biens, s'il y a des biens, c'est le repos, la retraite et un endroit qui soit son domaine.
Amas d'épithètes, mauvaises louanges : ce sont les faits qui louent, et la manière de les raconter.
On ne reverra plus un homme qui mange tant et qui mange si bien ; aussi est-il l'arbitre des bons morceaux, et il n'est guère permis d'avoir du goût pour ce qu'il désapprouve.
S'il est d'ordinaire d'être vivement touché des choses rares, pourquoi le sommes-nous si peu de la vertu ?
La politesse fait paraître l'homme au dehors comme il devrait être intérieurement.
Deux sortes de gens fleurissent dans les cours, et y dominent dans divers temps, les libertins et les hypocrites : ceux-là gaiement, ouvertement, sans art et sans dissimulation ; ceux-ci finement, par des artifices, par la cabale.
L'on est encore longtemps à se voir par habitude, et à se dire de bouche que l'on s'aime, après que les manières disent qu'on ne s'aime plus.
Le mérite chez eux devance l'âge.
La paresse, l'indolence et l'oisiveté, vices si naturels aux enfants, disparaissent dans leurs jeux, où ils sont vifs, appliqués, exacts...
L'une des marques de la médiocrité de l'esprit est de toujours conter.
Celui qui aime assez pour vouloir aimer un million de fois plus qu'il ne fait, ne cède en amour qu'à celui qui aime plus qu'il ne voudrait.
Il n'oublie pas les hors-d'oeuvre, le fruit et les assiettes ; il nomme tous les vins et toutes les liqueurs dont il a bu ; il possède le langage des cuisines autant qu'il peut s'étendre, et il me fait envie de manger à une bonne table où il ne soit point.
Nous n'approuvons les autres que par les rapports que nous sentons qu'ils ont avec nous-mêmes ; et il semble qu'estimer quelqu'un c'est l'égaler à soi.
L'athéisme n'est point. Les grands esprits qui en sont soupçonnés sont trop paresseux pour décider en leur esprit que Dieu n'est pas.
Il refuse plus de femmes qu'il n'en agrée.
Si j'accorde que dans la violence d'une grande passion on peut aimer quelqu'un plus que soi-même, à qui ferai-je plus de plaisir, ou à ceux qui aiment, ou à ceux qui sont aimés ?
Quelle heureuse place que celle qui fournit dans tous les instants l'occasion à un homme de faire du bien à tant de milliers d'hommes ! Quel dangereux poste que celui qui expose à tous moments un homme à nuire à un million d'hommes !
Celui qui sait attendre le bien qu'il souhaite, ne prend pas le chemin de se désespérer s'il ne lui arrive pas ; et celui au contraire qui désire une chose avec une grande impatience, y met trop du sien pour en être assez récompensé par le succès.
Ils aiment des attitudes forcées ou immodestes, une manière dure, sauvage, étrangère, qui font un capitan d'un jeune abbé, et un matamore d'un homme de robe.
Une femme inconstante est celle qui n'aime plus ; une légère, celle qui déjà en aime un autre ; une volage, celle qui ne sait si elle aime et ce qu'elle aime ; une indifférente, celle qui n'aime rien.
La mort n'arrive qu'une fois, et se fait sentir à tous les moments de la vie : il est plus dur de l'appréhender que de la souffrir.
C'est une grande difformité dans la nature qu'un vieillard amoureux.
Un homme qui a vécu dans l'intrigue un certain temps ne peut plus s'en passer.
Il y a bien autant de paresse que de faiblesse à se laisser gouverner.
Personne ne dit de soi, et surtout sans fondement, qu'il est beau, qu'il est généreux, qu'il est sublime : on a mis ces qualités à un trop haut prix ; on se contente de le penser.
Le plaisir de la critique nous ôte celui d'être vivement touchés de très belles choses.
C'est une vengeance douce à celui qui aime beaucoup de faire, par tout son procédé, d'une personne ingrate une très ingrate.
Il est bon d'être philosophe, il n'est guère utile de passer pour tel.
Les esprits forts savent-ils qu'on les appelle ainsi par ironie ? Quelle plus grande faiblesse que d'être incertains quel est le principe de son être, de sa vie, de ses sens, de ses connaissances, et quelle en doit être la fin ?
Je crois pouvoir dire d'un poste éminent et délicat qu'on y monte plus aisément qu'on ne s'y conserve.
Les vices partent d'une dépravation du coeur ; les défauts, d'un vice de tempérament ; le ridicule, d'un défaut d'esprit.
Le marchand fait des montres pour donner de sa marchandise ce qu'il y a de pire ; il a le cati et les faux jours afin d'en cacher les défauts, et qu'elle paraisse bonne.
Oserais-je dire que le coeur concilie les choses contraires, et admet les incompatibles ?
Les plus sages doutent quelquefois s'il est mieux de connaître ces maux que de les ignorer.
Il y a un sentiment de liberté à suivre ses caprices, et tout au contraire de servitude à courir pour son établissement : il est naturel de se croire digne de le trouver sans l'avoir cherché.
Le stupide est un sot qui ne parle point, en cela plus supportable que le sot qui parle.
Il y a beaucoup plus de vivacité que de goût parmi les hommes ; ou pour mieux dire, il y a peu d'hommes dont l'esprit soit accompagné d'un goût sûr et d'une critique judicieuse.
Celui qui continue de cacher son âge pense enfin lui-même être aussi jeune qu'il veut le faire croire aux autres.
S'il est périlleux de tremper dans une affaire suspecte, il l'est encore davantage de s'y trouver complice d'un grand : il s'en tire, et vous laisse payer doublement, pour lui et pour vous.
L'on n'aime bien qu'une seule fois, c'est la première : les amours qui suivent sont moins involontaires.
L'harmonie la plus douce est le son de la voix de celle que l'on aime.
Il y a un goût dans la pure amitié où ne peuvent atteindre que ceux qui sont nés médiocres.