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Le battement sourd des foulons ébranlait les profondeurs sombres de la terre avec le bruit d'un gros coeur chargé de sang.
Jean Giono
Un pin se débat, craque, se tord, s'écroule dans une pétarade d'étincelles. Une flammèche fuse dans l'herbe sèche.
Le chat gris qu'il avait dérangé dans le salon, la nuit passée, mit la tête à la chattière ..., se glissa en dépêtrant ses pattes du trou, une après l'autre, et vint se frotter à lui en ronronnant.
L'hypocrisie au billard, ça s'appelle les bandes.
Il y a dans la sensualité une sorte d'allégresse cosmique.
Les femmes ça a toujours un coin où, en appuyant, ça pleure.
Je voudrais que tu te serves de moi comme d'un objet familier, d'un stylo, d'un crayon qui à l'habitude de ta main, comme de ton vêtement journalier qui s'est déjà mille fois plié dans tes entournures, comme d'un objet que le monde aurait fait pour toi, mais non pas que la civilisation aurait fait pour toi, comme un ami sur lequel on peut toujours compter.
On passait un petit pont. Dans le ruisseau sale, dessous, l'eau dormait dans les détritus et les débris de viande.
Cette femme faisait son petit dans les brousailles comme une laie.
Ils débouchèrent dans un pâturage maigre. Tout de suite après commençait une éteule de seigle clairsemée.
Où est le temps qui permettait d'écouter et de voir ?
La Provence dissimule ses mystères derrière leur évidence.
Si j'étais un tyran, j'obligerais tous les jeunes gens à faire un peu de prison. On y apprend à être soi-même.
Sans voir la porte, en deux sauts, il a été dehors. Il avait encore les yeux collés de sommeil.
L'innocence est toujours impossible à démontrer.
Il est plus facile de croire à l'héroïsme social que de conformer sa vie aux exigences terribles de l'héroïsme individuel.
C'était un piéton bien équipé... On pouvait lui donner dans les soixante ans mais il ouvrait solidement ses compas comme le juif errant en personne.
Et elle riait juste du rire, des petits coups de rire du fond de la gorge, tout en nerfs.
Il n'y a pas de gloire à être français, il n'y a qu'une seule gloire : c'est être vivant.
Je suis ainsi fait qu'il me faut des racines non pas seulement à l'endroit où naturellement l'homme les a, mais sur toute la surface de mon corps. Pour vivre, il faut que je sois tout poilu de racines ; comme une sorte de fleur de mer, mais qui flotterait au milieu de la chair durcie des montagnes et des hommes.
Enfin, le voilà dans ses armures et fanfreluches complètes de prêtre-guerrier qui frotaille de petites crécelles de bois sec.
Je vous explique ça comme je le sais, sans falbalas.
J'aurais voulu que tu sois dans les caniers de l'Eurotas quand Ulysse me conta ses aventures.
Les choses se transforment sous nos yeux avec une extraordinaire vitesse. Et on ne peut pas toujours prétendre que cette transformation soit un progrès. Nos belles créations se comptent sur les doigts d'une main, nos destructions sont innombrables.
Vingt ans. Depuis vingt ans j'ai vu se succéder ces moissons et les vendanges de la terre, la feuillaison des arbres, les moissons et les vendanges, les feuillaisons de mon corps.
Je crois à la vertu de l'homme à cheval, mais il faut qu'il reste muet. S'il prononce un mot, c'est comme s'il mettait pied à terre.
Les dévoiements s'étaient arrêtés. La jeune femme respirait faiblement, avec des hoquets... Son ventre trésaillait encore de souvenirs.
Qui me reprochera d'être sensible ? Peut-être celui qui en a profité ?
Avant qu'il ne se décide, on aurait le temps de tuer un âne à coups de figues.
Il n'y a pas de Provence. Qui l'aime aime le monde ou n'aime rien.
On en est à la chienlit, monsieur... On en est à la mascarade, au corso carnavalesque. On se déguise en pirrot, en arlequin, colombine ou en grotesque pour échapper à la mort.
Nous ne savons pas ce qui nous attend sinon que, d'après ce que nous avons déjà vu ce sera sans doute coton. Tâchons d'être à la hauteur des événements.
Une petite prairie rousse, portant quelques noisetiers défeuillés et des touffes de buis.
Parfois, elle l'envoyait chez les pêcheurs pour acheter des moules fraîches ou des violets pareils à des tomates pourries, mais qui ont l'odeur de l'amour.
La niche votive où pour les doigts furtifs de Pan on avait déposé la bolée de mûres blanches.
L'indulgence, mon ami, est une vertu de riche.
Il descendit, l'oreille au guet, imaginant déjà la campée des bûcherons : les haches pendues, la soupe de chou, les souples litières de feuilles.
Ils bâtissent avec des pierres et ils ne voient pas que chacun de leurs gestes pour poser la pierre dans le mortier est accompagné d'une ombre de geste qui pose une ombre de pierre dans une ombre de mortier. Et c'est la bâtisse d'ombre.
Ce visage insensible qui cependant ne défronçait pas ses sourcils.
La lune éclairait le sommet des montagnes. Sur le sombre océan des vallées pleines de nuit, la haute charge des rochers, des névés et des glaces montait dans le ciel comme un grand voilier couvert de toiles.
Il ne lui restait plus qu'à enrouler à côté de ça quelques mètres de boyaux, sans oublier le culier qui donne de l'espace et du lyrisme.
Le malheur est-il obligé de passer par les routes ? N'y at-il pas assez d'espace au-dessus de la tête des hommes, entre leurs cheveux et les nuages ?
Restons un moment sans parler les uns et les autres, dit le premier bouvier. Ca nous éclairera. Après nous nous expliquerons.
Le héros n'est pas celui qui se précipite dans une belle mort ; c'est celui qui se compose une belle vie.
- Oui, il en a fait du mal, reprend le père Valigrane qui a bien regardé au dedans de lui des souvenirs de champs de blé, et s'il en a tant fait, c'est à cause de la mode.
Quand on ne fait rien pour le lépreux, il devient de plus en plus lépreux.
Je suis le compagnon en perpétuelle révolte contre ta captivité, qui que tu sois, et si tu n'es pas révolté en toi-même, soit que le travail ait tué toutes tes facultés de révolte, soit que tu aies pris goût à tes vices, je suis révolté pour toi malgré tout pour t'obliger à l'être.
Je fais plus de choses dures que ce qu'on croit, dit-elle. Je ne fais que ça. Sans blague ? Oui, sans blague.
La première vertu révolutionnaire, c'est l'art de faire foutre les autres au garde-à-vous.
Un fleuve est un personnage, avec ses rages et ses amours, sa force, son dieu hasard, ses maladies, sa faim d'aventures.