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Pourquoi le blanc non-couleur ? C'est comme le silence en musique, c'est un temps musical aussi.
Jean-Jacques Schuhl
La situation est désespérée, mais pas sérieuse.
Il y a une certaine volupté à se laisser couler dans le désastre : quand il n'y a presque plus rien à perdre, autant tout perdre.
Rien de plus proche d'une femme fatale qu'une petite enfant, c'est après que ça se perd, les femmes fatales sont des petites filles attardées.
"Interprêtre" ? : Merveilleuse faculté de pouvoir donner ce qu'on ne possède pas.
Rien de ce qui m'est étranger ne m'est trop inhumain.
La meilleure façon de ne pas se perdre, c'est de ne pas savoir où on va...
La télé, c'est à ça qu'elle sert : devant toutes ces horreurs, guerres, crashes, meurtres, les familles s'estiment un peu heureuses au fond, et elles font taire, elles rentrent leurs petites rancoeurs.
L'inconnu, l'imprévu n'ont plus cours, le hasard n'est plus de la partie.
Une marionnette, un prélat : voici une chose qui n'est pas à moi et pourtant je vous la donne, je l'ai recueillie, je vous l'offre : une musique, quelques mots et même au fond ces gestes je les dépose dans l'air... C'était ça une interprète, juste un instrument... "Interprêtre" ? : Merveilleuse faculté de pouvoir donner ce qu'on ne possède pas.
L'imitation, après tout, est une manière de se défaire d'un objet d'adoration ou de peur, ou les deux.
La récupération, le recyclage, c'est l'apanage des guerres, leur poésie en somme, cette façon qu'ont les choses de servir deux fois et à des buts distincts : les balles du front, en 14, deviennent pendentifs, ornements de bracelets, à l'arrière.
Ce sont des voix qui restent en dernier, tout comme c'est la voix souvent qui, comme un parfum, précède et annonce l'entrée physique de quelqu'un dans votre vie.
C'était ça une interprète, juste un instrument... "Interprètre" ? Merveilleuse faculté de pouvoir donner ce qu'on ne possède pas.
Quand trop de choses sont là, plus de place pour les rêves.
C'est toujours les voix qui restent, au final, c'est aussi toujours par elles que ça commence, une voix plus une oreille ; deux fils de soie impalpables et un pavillon !
Opéras vieux, latin d'église, refrains niais, rythmes naïfs, tout est musique.
La liste est longue des acteurs dont les rôles ont été prémonitoires ou cause des choses qui leur sont arrivées. Les rôles souvent vampirisent celui qui les tient.
C'est souvent comme ça avec la féerie : l'horreur n'est jamais loin.
Animée, inventée à chaque instant sous les projecteurs, comme l'est une marionnette, sauf qu'elle était vivante et très vivante et qu'elle passait d'ailleurs d'un état à l'autre vite en mélangeant la femme et le pantin, et le pantin c'était elle aussi.
Le mort saisit le vif, les morts veulent hériter des vivants, de tous sans exception.
Les guerres font de ces trucs : au début, il y a le bon et le méchant et à la fin la confusion est à son comble, tout se mélange.
On dit : retracer une vie. Mais les arabesques et méandres dessinent à la fin un motif plutôt indiscernable : juste une forme évidée. Peut-être ne fait-on que cela : broder sur la musique du temps, avec parfois des cassures.
Nuit de Noël 1943, du côté de la mer du Nord. La main de la petite fille caresse distraitement le pompon de fourrure blanche à la boutonnière de son manteau en lapin de Sibérie. Capuche rabattue sur le visage, l'air très sérieux pour ses quatre ans et demi, elle est seule, enfoncée dans la banquette, couvertures en peaux de loup sur les genoux.
C'est leur apanage aux guerres d'amener sur le devant de la scène ce qui se tenait caché en coulisses, qu'on ne voit pas d'ordinaire, le mettre sous les projecteurs.
Beaucoup de musiques dans la vie sont là pour nous tromper.