Images
Au lit de mort et après une belle action, il est facile à l'homme, et c'est même un besoin pour lui de tout pardonner.
Jean Paul
Un peu de variété vaut mieux que beaucoup de monotonie.
Notre vie est semblable à une chambre obscure, les images d'un autre monde s'y retracent d'autant plus vivement qu'elle est plus sombre.
Les âmes élevées ne peuvent entendre même de la bouche des gens les plus méprisables, ces mots : amitié, sensibilité, vertu, sans y attacher aussitôt toute la grandeur dont leur coeur est susceptible.
Le sceptre du mariage se montre aux yeux d'une jeune fiancée, comme la houlette d'un berger de Gessner. Mais a-t-elle vu quel usage le berger fait de sa houlette ? Il s'en sert pour jeter de la boue aux brebis et pour le chasser des mauvais pâturages.
Une préface ne doit être qu'un titre plus long.
Notre activité sans but, nos mouvements dans l'espace, doivent paraître à des êtres supérieurs, comme ces étreintes des mourants qui saisissent leur couverture.
Un coeur plein d'amour peut tout pardonner, même la dureté envers lui ; mais non la dureté envers les autres.
Les sentiments sont des étoiles qui ne brillent que sur un ciel serein ; mais la raison est la boussole qui dirige la marche du navire, lorsque celles-ci sont cachées et ne brillent plus.
Les femmes éprouvent plus de chagrins que les hommes ; au ciel, on voit plus d'éclipses de lune que de soleil.
L'imagination ne peut retracer dans ses tableaux que le passé ou l'avenir, le présent échappe à ses pinceaux ; ainsi l'eau de rose perd, dit-on, sa vertu au moment où les rosiers fleurissent.
Il est malheureux, il est coupable le jeune homme que l'aspect de la beauté n'a jamais intimidé.
La différence qu'il y a entre un homme malheureux et un homme heureux est la même que celle qui existe entre celui qui a la fièvre tierce et celui qui a la fièvre quarte. Le premier n'a qu'un bon jour, le second en a deux.
Au service de la déesse des amours on devient communément plutôt chauve que grisonnant.
L'humilité est l'habit de gala que revêt la fierté quand elle est de sortie.
Le coeur auquel l'amour ne suffît pas n'en a jamais été rempli.
L'homme est pour l'amitié comme la femme pour l'amour, et vice versa ; c'est-à-dire qu'ils s'attachent plus à l'objet qu'au sentiment.
Lorsque deux personnes qui aiment, se rencontrent au milieu des mêmes émotions, c'est alors qu'elles apprécient pour la première fois le coeur de l'homme, son amour et son bonheur !
Les Grecs donnent aux dieux le bonheur, aux hommes la vertu... L'art et la poésie n'étaient pas emprisonnés, ensevelis derrière les murs d'une capitale, ils planaient au contraire et flottaient sur la Grèce entière.
Le peuple est pour un ministre ce qu'un grand capital est aux yeux d'un banquier ; une simple abstraction, une quantité algébrique qu'il fait entrer dans ses calculs.
Mourir a quelque chose de sublime. Derrière de sombres et majestueux rideaux, la mort accomplit seule ce prodige mystérieux et travaille pour l'éternité, tandis que les mortels, les yeux humides mais voilés, assistent à cette scène d'un autre monde.
Les passions sont des licences poétiques que prend la liberté morale.
Un homme ne découvre jamais mieux son caractère qu'en traçant celui d'autrui.
Le poison moral rend la langue aussi légère que le poison physique la rend pesante.
Les actions seules donnent de la force à la vie ; la modération seule en fait le charme.
En vérité, l'homme a presque autant de reproches à se faire lorsqu'il ne parvient pas au bonheur que lorsqu'il pèche.
Rien ne fait paraître un homme plus petit que de vouloir châtier et tourmenter sans savoir comment s'y prendre.
Tout flatteur rencontre aussi quelqu'un qui le flatte à son tour. Le ver solitaire renferme en lui d'autres petits vers.
Peu importe le lieu que l'on choisisse pour son observatoire philosophique, que ce soit un trône, ou Pégase, ou une cime des Alpes, ou un camp de César, ou un cercueil, il sera presque toujours plus élevé que la chaire du professeur.
Ah ! que cette philosophie qui nous refuse la joie et l'efface des desseins de la Providence, nous dise donc de quel droit les plaisanteries animées entrèrent dans notre vie fragile !
Des nuages de l'erreur s'amoncellera plus tard l'orage de la passion.
Des enfants, une épouse, sont les ratines verticales et horizontales qui nous attachent et nous fixent sur la terre.
Les mourants ont les yeux secs ; l'orage de la vie se termine par un vent froid. Ils ne savent pas combien leurs accents entrecoupés pénètrent profondément dans les blessures de nos coeurs.
Il n'y a qu'un être parfait que l'on puisse aimer véritablement et d'une manière tout-à-fait désintéressée. Le soleil pour brûler doit réfléchir son disque dans toute sa perfection et concentrer tous ses rayons.
Le coeur happé du feu de l'enthousiasme devient étranger à tout sentiment terrestre ; il ressemble à ces lieux consacrés par la foudre, où les anciens n'osaient plus ni marcher ni bâtir.
Tous les sentiments ont ceci de particulier que l'on croit les éprouver seul.
Un homme qui fait un livre se pend rarement ; aussi tous les fils aînés des pairs d'Angleterre devraient - ils faire gémir la presse. Car on a, si on s'éveille trop tôt, un but devant soi, et par conséquent une raison de sortir de son lit.
La vertu par elle-même ne donne aucune consolation, lorsqu'on a perdu un ami ; et le coeur de l'homme blessé par l'amitié continue toujours à saigner cruellement, sans que le génie de l'amour puisse le guérir.
Les petites douleurs nous mettent hors de nous, les grandes nous rendent à nous-mêmes. Une cloche fêlée ne produit qu'un son sourd ; fendez-la, elle rendra de nouveau un son éclatant.
Le monde des esprits n'est qu'une partie de notre monde intérieur ; le moi ne redoute que le moi.
Les lois, les siècles et les peuples se survivent par leurs oeuvres ; les merveilles seules des arts brillent de leur ancienne immortalité sur le tombeau des âges.
Il n'y a pas plus de rectitude dans le caractère et l'activité d'un diplomate que dans un tire-bouchon.
La maladie travaille souvent elle-même à un livre ; une colique peut renverser tout l'échafaudage d'un optimiste ; un estomac embarrassè produit des déclamations brûlantes contre le luxe ; et l'acre té du sang aiguise les traits de la satire.
Les fleuves les plus rapides sont en même temps les moins limpides ; ils s'épurent en coulant plus paisiblement.
Quelque douloureux que soient les adieux d'une amante, ils laissent après eux quelque douceur. Ceux d'un ami, au contraire, ne laissent que de l'amertume. Le baiser d'adieu n'explique qu'à moitié cette différence.
Les femmes veulent seulement que l'on s'excuse auprès d'elles, peu leur importe comment.
Plus on est faible, et plus on ment ; l'a force suit une ligne droite, les boulets creux décrivent une parabole.
Un esprit droit ressemble à une allée droite qui paraît n'avoir que la moitié de la longueur qu'on lui donnerait si elle présentait des sinuosités.
Spectacle doux et tendre de voir quelqu'un dormir, même un chien.
Qu'il est touchant de voir deux amis vieillir ensemble ! La jeunesse semble se prolonger tant que le compagnon de notre jeune âge n'est point perdu.